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Mais quelle est donc cette nouvelle drogue qui rend cannibale ?

29/05/2012

Que voilà une étrange affaire. A Miami ce samedi, la police a dû abattre un homme nu qui était en train de dévorer la tête d’un SDF. Une scène filmée (de très loin rassurez-vous) par une caméra de surveillance du Miami Herald. Malgré plusieurs tentatives de les séparer, l’homme n’aurait pas lâché sa proie avant d’être atteint par plusieurs balles. Avec 75% du visage arraché, la victime serait toujours dans un état critique.

Passée la légitime émotion face à l’horreur de ce fait-divers, vient le temps des tentatives d’explication. Un casse-tête digne des Experts Miami qui alimente les rumeurs les plus folles et ce n’est probablement qu’un début. Seul point commun à toutes ces tentatives plus ou moins convaincantes d’expliquer l’inexplicable, et ce avant toute analyse scientifique : le rôle probable d’une « nouvelle drogue ».

Première piste avancée sur le site du Miami Herald par la police : une « psychose liée à la cocaïne ». Si la consommation de cocaïne peut effectivement entraîner exceptionnellement des réactions de violence, un tel déchainement paraît difficilement explicable par ce seul facteur. Fort heureusement d’ailleurs si l’on considère le nombre élevé de consommateurs réguliers de cocaïne dans le monde.

Le site français 24matins.fr pousse donc les conjectures semi-scientifiques un cran plus loin :

« Des faits qui sont à peine croyables mais qui pourraient s’expliquer par un syndrome bien connu des forces de police de Miami. Selon les autorités locales il s’agit du syndrome de délire agité, un trouble de la personnalité qui est lié dans la majeure partie des cas à la prise de drogue. Il se traduit par des excès de violence, un décuplement des forces et une hyperthermie, ce qui confirmerait la nudité du cannibale. »

Le « syndrome de délire agité », nous apprend Wikipedia, est un diagnostic « controversé », surtout avancé dans les cas de décès de forcenés lors de leur arrestation par la police. Il concernerait, de manière générale :

« Des sujets mâles avec des antécédents de maladie mentale et / ou des problèmes d’abus de drogues, particulièrement de drogues stimulantes comme la cocaïne. Le sevrage alcoolique ou les traumatismes crâniens peuvent aussi y contribuer ».

Explications (en anglais) sur cette vidéo :

Reste que le « syndrome de délire agité » correspond plus à un ensemble de symptômes qu’à une cause. Et que la drogue n’est que l’un des facteurs explicatifs de ces cas.

Autre tentative d’explication donc, de la police toujours, sur le site de la chaîne WSVN-Fox 7. Il pourrait s’agir « d’une overdose d’une nouvelle forme puissante de LSD ». Selon Armando Aguilar, de la police de Miami :

« Une personne qui enlève tous ses habits et devient violente est souvent le signe d’une phase de délirium liée à une overdose de drogues. C’est comme si leurs organes brûlaient de l’intérieur. »

Toujours sur le même site, un médecin du Jackson Memorial Hospital, où la victime a été transférée, affirme de son côté :

« Si vous les mélangez, la cocaïne et ces nouvelles formes de LSD provoquent un delirium. »

Une nouvelle forme de LSD ? Voilà de quoi alimenter la machine à fantasmes. Mais de quelle « nouvelle forme de LSD » mystérieuse parle-t-on là ? Une piste se trouve sur le site du Miami Herald, qui cite un médecin du Jackson Memorial évoquant la théorie des « sels de bain ».

Depuis environ un an, les « sels de bain » défraient en effet la chronique en Amérique. Leur nom vient du Net, où ils sont souvent commercialisés en toute légalité comme engrais ou sels de bains, justement, afin de contourner les lois sur les drogues.

A l’image de la vague de consommation de PCP dans les années 70, on leur attribue toute sorte de phénomènes quasi surnaturels. Le New York Times parlait récemment d’un homme qui se serait jeté sur l’autoroute du haut d’un poteau dans l’Indiana, d’un autre qui aurait poignardé un religieux dans un monastère de Pennsylvanie ou encore d’une femme de Virginie occidentale qui se serait gratté jusqu’à se démembrer…

Apparus depuis environ deux ans sur le marché, ces sels de bain auraient été à l’origine de 3470 cas d’intoxication signalés aux autorités américaines entre janvier et juin 2011. Dix fois plus que pour toute l’année 2010. Une trentaine d’Etats américains ont pris des mesures d’interdiction les concernant en 2011.

Mais que contiennent ces si redoutables « sels de bain » ? Différentes substances qui ont généralement en commun d’être des dérivés synthétiques de cathinone, l’un des principes psychoactifs du khat. Outre l’épéhdrone ou le MPDV, la plus connue de ces molécules est la méphédrone, une drogue aux effets assez similaire à la cocaïne ou à la MDMA et qui connût un certain succès en Europe en 2009 et 2010 suite à une pénurie d’ecstasy. Elle fut rapidement interdite. En 2010, une vingtaine de décès avaient été directement attribués à la méphédrone par la police et la presse anglaise. Aucun n’a été confirmé par les expertises médico-légales.

Si les études scientifiques concernant l’effet de ces drogues de synthèse restent rares et parcellaires étant donné leur apparition récente sur le marché, aucune (à ma connaissance) ne semble pour l’instant à même d’expliquer les accès de démence parfois décrits dans les journaux ou rapportés par la police. Y compris pour ce dernier cas en Floride.

Rien de bien convaincant en résumé, dans l’attente des analyses toxicologiques. Ce qui ne signifie pas que le « zombie de Miami » n’avait pas consommé de drogues, mais qu’à ce stade il semble pour le moins prématuré de vouloir attribuer son acte à l’émergence d’une énième nouvelle drogue encore plus dangereuse que les précédentes.

Cette psychose du zombie camé est loin d’être une première. Il suffit de se souvenir du désormais célèbre krokodil que nombre de médias décrivaient déjà aux portes de nos doux foyers… mais qui n’est à ce jour, fort heureusement, jamais arrivé. Ou encore de ce fait divers tragique, toujours en Floride, décrit par le responsable du service fédéral antidrogues américain :

« Une famille entière a été massacrée par un jeune drogué en Floride. Des policiers ont découvert le jeune homme errant au milieu d’un véritable abattoir humain. Il avait tué à la hache son père, sa mère, ses deux frères et une sœur. [...] Il n’avait aucun souvenir d’avoir commis ce multiple crime. Les policiers avaient de lui l’image d’un jeune homme sensé, assez calme. Ils ont cherché le mobile du crime. Le garçon leur a dit qu’il avait l’habitude de fumer quelque chose que ses copains appelaient “joints”. »

Décrite dans les années 30 par le tristement célèbre Harry Anslinger, responsable du Bureau fédéral des narcotiques, l’histoire visait à obtenir du Congrès l’interdiction d’une nouvelle drogue elle aussi très dangereuse : la marijuana.

Arnaud Aubron

Voir en ligne : Pour lire l’article original sur le blog d’Arnaud Aubron

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