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Gérald Darmanin et sa « bataille de Stalingrad » : la politique anti-drogue du gouvernement est-elle efficace ?

Edito politique du 14/09/23 de Yaël Goosz sur France Inter

Gérald Darmanin et sa « bataille de Stalingrad » : la politique anti-drogue du gouvernement est-elle efficace ?

C’est toujours le risque du coup de com’ ! Plus vous êtes martial, et plus on attend de vous une victoire rapide. Or, la litanie des règlements de comptes sordides à Marseille renvoie surtout une image d’impuissance… Avec ses innocents fauchés au hasard d’une balle perdue. Socayna avait 24 ans, elle révisait dans sa chambre, victime d’un « narchomicide », ce nouveau terme utilisée par la procureur de Marseille.

Territoires perdus de la République ? Non, l’État n’a pas lâché Marseille. Jamais un président n’a été aussi soucieux de la deuxième ville de France. Avec les 5 milliards du plan Marseille en grand, les renforts massifs, la CRS 8, et l’annonce d’une nouvelle unité d’investigation anti-drogue.

Mais que vous disent les policiers de terrain ? Qu’il est trop tard, qu’en face, les armes ont déjà trop circulé, que le cancer est généralisé. Vous cassez un point de deal, il se reconstitue deux heures après, avec plus d’armes encore pour le protéger. Cercle vicieux.

Dans ces conditions, est-ce que Gérald Darmanin a raison de s’en prendre aux consommateurs ?

Vous connaissez sa formule : "la drogue, c’est de la merde", donc si vous en achetez, vous devenez complice de la mort de Socayna. Je résume à gros traits. C’est du bon sens. Mais est-ce efficace, quand vous avez 1 million de Français consommateurs quotidiens de cannabis, 5 millions occasionnels ? On peut jouer sur la culpabilité, mais là, on cherche l’efficacité.

Vous avez plusieurs options : la prohibition, c’est notre politique depuis 50 ans. On réprime l’usager. Est-ce que ça fait baisser la consommation ? Non. Est-ce qu’il y a moins de violences ? Non plus.

L’autre option, c’est la guerre totale. Mais dans ce cas, il faut des moyens illimités. Je ne suis pas sûr que l’exemple philippin et ses 30 000 morts soient très inspirants. Guerre totale, ça veut dire être aligné au niveau européen, bloquer les passoires des ports d’Anvers ou de Rotterdam… Cela veut dire assécher les pays producteurs. Or, la Colombie n’a jamais autant cultivé de coca. L’Afghanistan, où les Talibans interdisent la culture du pavot à opium, s’est reconverti dans les méthamphétamines. La France n’y arrivera pas toute seule.

La dépénalisation du cannabis

Option politiquement taboue, toujours. Soulevée il y a deux ans dans un rapport parlementaire transpartisan : la dépénalisation du cannabis. Puisque la police vide la mer à la petite cuillère, il faut tenter autre chose, une légalisation encadrée, pour assécher le marché noir et faire de la prévention.
Un tabou, parce que personne ne veut avoir une cible « laxiste » collée dans le dos. Alors qu’il suffit de sortir de notre village gaulois pour voir comment le Portugal, par exemple, en changeant de focal (en regardant le consommateur non plus comme un criminel, mais comme un malade à accompagner) a réduit de moitié la consommation d’héroïne.

Cela demande un certain courage politique qui ne colle pas à l’air du temps. Emmanuel Macron sait-il que dans les sections jeunes de son parti, on réclame toujours cette dépénalisation ?

Pour ce débat là aussi, il est sans doute trop tard… Dommage. La semaine prochaine, le président retourne à Marseille, pour une messe du Pape. Les victimes collatérales du narcotrafic attendent autre chose que des prières.

Voir en ligne : Pour réécouter l’édito politique du jeudi 14 septembre 2023 sur France Inter

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