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Lettre au Président de l’Université Paris-Descartes, Axel Kahn.

Puisse une voix forte rompre le silence des médias...

LETTRE

à axel.kahn,

date 23 décembre 2010 13:18

objet Bernard Rappaz.

Monsieur le président,

Permettez-moi de vous remercier chaleureusement pour vos vœux du 20 décembre et
de vous retourner les miens, bien sincères, depuis ce Malakoff que vous
connaissez bien.

Je vais effectivement réveillonner en famille et avec des amis et - ce qui est
conforme à vos prévisions – au coin du feu.

Tous n’auront pas cet avantage. Je souhaite attirer votre attention sur le cas
de Bernard RAPPAZ.

Cet agriculteur suisse cultivait du chanvre - du cannabis, si vous préférez. À
l’époque, c’était en passe de devenir légal et Bernard Rappaz était inscrit
comme "chanvrier" au registre du commerce (ou à ce qui en tient lieu en Suisse)
et payait l’impôt sur le revenu, consécutif à sa production. Un revirement
politique s’est produit et son activité est devenue interdite. Sa dernière
récolte a été détruite ; il a été condamné à des amendes astronomiques qui ont
entraîné la saisie, puis la vente, de son exploitation et il a été jeté en
prison, pour cinq ans et huit mois.

Bernard Rappaz n’a pas accepté cette (ou ces) condamnation(s) et s’est mis en
grève de la faim. Aujourd’hui 23 décembre 2010, il en est au 119e jour. Il
accomplit ce jeûne, en milieu carcéral, aux hôpitaux universitaires de Genève
(HUG), où le corps médical refuse de l’alimenter de force. Il semble qu’il ait
récemment consenti à boire un peu d’eau salée, sucrée et vitaminée, mais rien
d’autre. Cette durée est tout à fait exceptionnelle, mais le sujet est à bout.

Il y a urgence – et même extrême urgence. Tous les recours juridiques ont été
épuisés, y compris l’appel à la Cour européenne des Droits de l’Homme, qui a
estimé "ne pouvoir se prononcer sur le fond que d’ici deux ou trois ans" !

Un comité international de soutien – auquel vient d’adhérer Stéphane Hessel – a
beau s’être constitué, le combat de Bernard Rappaz ne rencontre guère d’écho, si
ce n’est – au hasard des blogs suisses – quelques commentaires haineux, du style
 : « Laissons-le mourir ». Le plus ignoble d’entre eux fait remarquer que « B.R.
est parfaitement libre de se tuer, puisque en Suisse – le suicide est autorisé
 » - et d’appeler Dignitas et Exit à la rescousse !

Tout cela m’emmène à me poser des questions sur le rôle des médias, de la presse
et de leur silence étourdissant. J’entends parler tous les soirs de ces deux
journalistes prisonniers des Talibans et cela est juste. De même qu’a été
judicieux le tumulte fait autour du sort de cette malheureuse Iranienne
condamnée à la lapidation – tumulte qui lui a, vraisemblablement, sauvé la vie.

Mais, sur Bernard Rappaz : RIEN !

Alors, monsieur le président, je fais appel à vous en tant que personnalité
éminente, parfaitement capable de faire entendre sa voix haut et fort sur le
sujet, mais si – par un hasard extrême – vous aviez des relations dans la
presse, je vous demanderais de transmettre. De mon avis, le quatrième pouvoir –
celui de l’information – ne fait pas son métier, dans cette affaire.

Si Bernard Rappaz meurt, cela fera une tache sur le drapeau suisse. Mieux
vaudrait laisser une autre empreinte, comme celle de nos pas dans la neige, à
laquelle vous faisiez allusion dans votre message de vœux.

Bien à vous,

spelaion@free.fr

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