Ce vendredi 13 décembre 2024, alors qu’à 9h, le porte-parole et fondateur de Cannabis Sans Frontières est convoqué au Tribunal Judiciaire d’Evry pour répondre en récidive à une Infraction à la Législation sur les Stupéfiants (ILS) commise le 11 octobre 2023 à Montgeron.
Comme le relatait en détail le C.I.R.C. dans un article, cette procédure judiciaire est exemplaire par sa procédure délirante et les moyens mobilisés pour résoudre un délit résolu à l’instant même où les policiers ont découvert le pot de confiture qui stockait discrètement au fond de son sac le produit de l’I.L.S.
Encore la folie répressive dans toute sa splendeur, comme celle relatée ce matin par le chroniqueur de France Inter, Jean Philippe Deniau.
Trois ans de prison requis pour 9 grammes de cannabis : "c’est insensé" tente l’avocat
Un livreur de stupéfiants comparait en récidive devant la chambre des comparutions immédiates de Paris. Il s’est fait contrôler au moment de la remise de 9g de cannabis à un client. Devant l’attitude nonchalante du prévenu, le parquet réclame trois ans de prison ferme.
Imaginez la solitude de l’avocat commis d’office qui va bientôt se lever pour défendre un client catastrophique. Pourtant, sur le papier, c’était jouable. Abou a 21 ans, un petit casier, d’accord, mais cette fois-ci, il s’est juste fait prendre sur les Champs-Elysées en train de livrer 9g de cannabis à un client qui avait passé sa commande sur une plate-forme. Mais Abou n’a visiblement pas compris l’enjeu d’un procès. Et en face, la présidente n’a vraiment pas de temps à perdre avec un prévenu nonchalant.
"J’repars en prison pour rien"
Le point positif, c’est qu’Abou reconnait la transaction.
J’ai fait ça parce que j’avais besoin de 200 euros, explique-t-il au tribunal.
Vous êtes en récidive, Monsieur, vous êtes prêt à partir en prison pour 20 ans pour 200 euros, questionne la présidente.
Ben c’était le moyen le plus rapide.
Et ça ne vous pose pas de problème de commettre une infraction ?
Ben si, j’repars en prison pour rien.
Pour rien ?
Ben, pour une petite bêtise.
Une petite bêtise, s’étrangle la présidente. Vous êtes en récidive, Monsieur ! Une bêtise, c’est quand on a quatre ans et demi. Et votre téléphone, pourquoi vous avez refusé de donner aux policiers les codes de déverrouillage.
Le téléphone, il est pas à moi, affirme Abou. Il est à mon cousin.
Et votre livraison, vous la faisiez comment ? Par télépathie ?
On m’avait envoyé une photo du restaurant.
En général, il y a une plate-forme qui gère les clients et les livreurs, non ?
Ça, je sais pas, évacue Abou.
Je suis ravi de vous apprendre comment ça se passe, Monsieur, ironise la présidente. Mais j’ai quand même l’impression d’être prise pour une idiote. Donc vous vivez sans téléphone ?
Oui.
C’est très rare pour des gens de votre âge. Mais c’est bien, vous avez raison de vous détacher des addictions. Bon. Vous vivez chez vos parents, vous n’avez pas de travail, vous n’en cherchez pas non plus ?
J’peux pas travailler, affirme Abou, j’ai un problème de vue, c’est pour ça que je n’ai pas de téléphone.
Et vous faites quoi de vos journées ?
Je reste chez moi, je regarde la télé.
Vous apprenez des choses intéressantes ?
Non, répond Abou presque lassé de cet interrogatoire.
Vous avez déjà été condamné à une peine de prison avec sursis probatoire. J’ai un rapport du juge d’application des peines : "Monsieur ne se présente pas aux convocations, ne respecte aucune obligation, n’a manifestement pas compris les mesures de faveur qui lui ont été offertes". Vous en pensez quoi ?
Ben si je respecte, c’est juste que j’ai oublié les rendez-vous.
J’ai du mal à comprendre pourquoi vous vous présentez comme ça, abandonne la présidente. Enfin... c’est vous qui voyez.
"Trois ans ferme pour 9g de cannabis, c’est délirant !"
Alors imaginez la solitude de l’avocat qui se lève pour plaider. D’autant que le procureur vient de réclamer trois ans de prison ferme.
C’est délirant, tente-t-il. Trois ans ferme pour 9 g de cannabis, alors qu’en Allemagne, on autorise la détention de cannabis jusqu’à 100 g ? Et le client, on ne l’a pas interpellé parce qu’on a estimé que le préjudice était trop peu important. C’est une incohérence majeure, c’est parfaitement délirant.
Il n’y avait pas grand-chose à dire pour tenter d’amadouer le tribunal. Abou n’échappe pas à une peine "qui lui permettra de mieux réfléchir qu’en restant chez lui", comme le préconisait le procureur. 20 mois de prison ferme.
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