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Tribune

Discours antiprohibitionniste

à l’adresse des hommes de bonne volonté

Pour l’heure, c’est une question que l’on entend très souvent, qui a le pouvoir de faire diversion, d’esquiver ou d’éluder le fond du débat, résignée à ne l’aborder qu’en surface :

« Vous qui défendez les fumeurs de joints, ne pensez-vous pas qu’aujourd’hui, il y a bien plus important, que de défendre le droit à la “fumette” ? »

Ou autrement dit : n’y a-t-il pas des affaires plus urgentes à résoudre dans le monde que de se battre pour avoir le droit de fumer des pétards en toute liberté ? A cette question ainsi posée, un prétendu bon sens imposerait de répondre oui. Il y a tellement de choses qui vont mal dans ce monde, de questions bien plus graves. Seulement, ce serait ne répondre à la question qu’en s’attachant à sa superficialité.

A vrai dire, je dois l’avouer, j’aime bien que l’on me pose cette question, car bien loin de me poser un quelconque problème, elle me permet de bousculer l’avis et la pensée de mon interlocuteur. Et voilà, celui qui croyait me piéger se voit contraint d’opiner et de suivre le raisonnement que je déroule devant ses yeux, démonstrations à l’appui.

C’est une interrogation pour beaucoup de monde et qui montre à quel point la prohibition, et le combat qui est nécessaire pour en finir, ne sont pas quelque chose de clairement définis par la majorité des citoyens, même chez ceux qui sont en faveur d’une légalisation du cannabis. Les raisons de combattre la prohibition ne sont pas encore entré dans les consciences car elles sont rarement exposées clairement, alors qu’elles établissent qu’aucune notion véhiculée par la prohibition n’est exacte. La prohibition n’est qu’un mensonge dont la construction est basée sur une quantité de mensonges.

C’est ce que nous allons vous démontrer dans les propos qui suivent.

La prohibition n’a jamais rien empêché

La première chose que je fais remarquer à mon interlocuteur, c’est que le fait de se battre juste pour avoir le droit de fumer des joints est un peu dérisoire du moment où, à ma connaissance, tous ceux qui aujourd’hui veulent fumer des joints peuvent le faire. En réalité, rien ne les en empêche. Au contraire, le marché clandestin dispose d’une grande plage horaire pour acheter son teuch — ou d’autres drogues — bien plus étendue que tout autre commerce. Ainsi, le marché clandestin est disponible à presque toute heure, 365 jours par an dans toutes les villes de petites, moyennes et grandes tailles. La répression policière est complètement inopérante pour ralentir ou stopper définitivement ce petit commerce. Tout le monde, en France, serait avec sa voiture à moins de trente minutes d’un lieu de commerce clandestin. En ce début de vingt-et-unième siècle, il est désormais incontestable que l’interdiction — la prohibition — n’a jamais empêché quelqu’un de fumer : ce serait plutôt le contraire.

En vérité, c’est la morale que chacun va se forger sur la question des drogues qui sera déterminante pour leur consommation, en fonction de la propagande reçue. Car en dehors d’endroits particulièrement surveillés, on peut fumer à peu près partout, même à la mairie du IIe arrondissement si l’on croit les propos récents et publics du maire de Paris. Autre contexte, ne peut-on pas fumer autant, voire des fois plus, en prison qu’à l’extérieur ? Sans aucun doute ! Et ceci est valable pour toutes sortes d’autres produits prohibés. Voilà un excellent exemple qui prouve l’absurdité du système de prohibition. Surtout, cela nous montre à quel point cette question posée de cette manière est de peu d’intérêt, car elle est toujours victime de la pensée prohibitionniste. Disons-le clairement et répétons-le autant de fois que nécessaire : la question n’est pas là et le combat n’est pas là, car juste vouloir fumer des joints en paix, sans craindre de voir surgir la police, ce n’est pas lutter contre la prohibition. Effectivement, se battre seulement pour ce droit, devant toutes les choses graves qui se passent dans le monde, cela peut sembler complètement déplacé ou plutôt dérisoire...

La prohibition modèle la pensée par la sémantique

Seulement la question n’est pas là ! Et profitons de cette tribune pour dire les choses comme elles sont et comme elles devraient être dites. C’est un travail nécessaire, important, fondamental, car la prohibition fait tout pour que les gens se posent les mauvaises questions, ce qui aboutit évidemment à de mauvaises réponses et donc à des incompréhensions.

D’ailleurs, la prohibition est passée maître dans l’art de la sémantique, pour dire et interdire et faire le contraire de ce qu’elle prône avec force propagande. Elle utilise un discours toujours formulé sur un double discours contradictoire, dont les injonctions sont incompatibles les unes avec les autres et que la plupart des citoyens ne perçoivent pas consciemment. Cette méthode de domination touche directement l’inconscient, au point de laisser les gens dans une situation mentale qui permet de mieux les manipuler et de les faire adhérer à cette idéologie qui va à l’encontre de leurs convictions profondes. Cette manipulation mentale se passe sans traumatisme, afin de faire adhérer chacun volontairement — surtout les plus jeunes — à cette politique aussi pathogène que mortifère, pour au final les encourager à approuver cette volonté répressive constamment affirmée, dirigée non sur le mal en soi, mais sur tous ceux qui subissent la loi de front. La prohibition martyrise ainsi ses victimes !

On a affaire à une méthode qui nous ramène à la bonne vieille technique du bouc émissaire, responsable désigné de tout ce qui ne va pas. Ainsi, au lieu de demander l’arrestation et la condamnation des véritables trafiquants de drogues, et des réseaux financiers qui vont avec, la population veut surtout que l’on fasse en priorité la chasse à tout ce qui ressemble à un “drogué” et aux petits “dealers” qui se payent ainsi leur propre consommation, car ils subissent indirectement les conséquences du marché clandestin. Nous ne pouvons donc pas les blâmer. Au contraire, nous devons les faire réfléchir à toute la problématique prohibitionniste pour les convaincre que c’est la prohibition qui est responsable, pas les jeunes.

Une telle manière d’agir permet de diffuser avec la plus grande facilité un discours de propagande permanente qui peut, examiné seulement de manière sommaire et partielle, sembler tenir la route. De fait, ce n’est qu’une illusion d’optique ou un effet hallucinatoire !

C’est le cas lorsque l’on justifie la prohibition des drogues, et particulièrement celle du cannabis, sous l’angle de la santé publique. Cela repose d’abord sur une énorme hypocrisie : la prohibition accroît fortement la dangerosité des produits interdits par le frelatage. Ensuite, on ne peut que constater dans d’autres scandales de santé publique (sida, hépatites, ESB, hormone de croissances, anabolisants, amiante, pesticides, essence au plomb, bientôt OGM et tant d’autres encore) que la santé est toujours le parent pauvre des politiques publiques. Enfin, insistons dessus, c’est une mauvaise manière d’aborder le débat, une manière fallacieuse imposée par les prohibitionnistes et dans laquelle on peut vite se laisser enfermer. Ainsi, le cannabis serait réellement dangereux, ce qui n’est pas du tout le cas, la question ne serait pas là, et ne sera jamais là. Dans ce cas, il serait encore plus nécessaire de mettre fin à sa prohibition, car les conséquences seraient tout autres, comme on peut le voir avec les opiacés qui sont bien plus dangereux lorsqu’ils sont interdits, aussi bien pour les consommateurs que pour la société toute entière.

Malheureusement, nous ne pouvons que constater que de nombreuses personnes qui s’affirment antiprohibitionnistes ne le sont pas vraiment — ou pas du tout — car elles se laissent toujours piéger dans ce genre de débat stérile. A regret, je dois dire qu’elles n’ont pas vraiment compris l’essence de la prohibition : la prohibition est d’abord un système politique, un système politique redoutable et malsain, un système qui place la criminalité au cœur du fonctionnement politique pour mieux le pervertir.

La mafia actuelle a été engendrée par la prohibition

La prohibition, c’est une manière d’offrir sur un plateau d’argent le monopole du commerce de certains produits à des réseaux souterrains, et les revenus de ce commerce sont comme une sorte d’impôt clandestin au profit des mafias. De la sorte, des produits plus ou moins dangereux pour la santé ou pour la société se retrouvent de fait directement sur le marché noir, ce qui va largement contribuer à la grave expansion du crime organisé et donner naissance à une nouvelle criminalité qui a eu tôt fait de se développer dessus et de prendre son envol.
La prohibition va engendrer cette nouvelle criminalité que l’on appelle désormais mafia, qui s’est répandu aux quatre coins de la planète. Par une puissance acquise facilement grâce aux bénéfices exorbitants du trafic, toutes ces organisations vont développer leur influence. Par le trafic international de drogues et donc grâce à la prohibition, les mafias vont avoir droit de cité et même se mettre en scène au cinéma. Depuis une quarantaine d’années, elles ont pris un essor planétaire pour s’installer au sommet de très nombreux Etats, démocratiques ou non. Cette entreprise s’est fait le plus souvent par l’intermédiaire et avec la collusion des partis politiques qui votent les lois et qui vont largement profiter de ce financement occulte et de ces mœurs de voyous.

La mafia, qui n’était à l’origine qu’un folklore de domination local comme dans le sud de l’Italie, a été supplantée au profit d’importants concurrents issus du crime organisé et du trafic de drogues. Sont apparues de gigantesques organisations internationales dominées, contrôlées et mises au pas par la véritable mafia contemporaine, celle des cols blancs. Cette mafia planétaire est à l’image de ce que fut la loge P2 en Italie, qui n’a d’ailleurs jamais réellement disparu. Elle est désormais constituée de responsables politiques, financiers ou policiers de premiers plans, avec une large contribution de l’armée, de la diplomatie et des services secrets. C’est cette mafia planétaire de gens au-dessus de tout soupçon qui domine et contrôle actuellement le trafic international de drogues, alors qu’ils laissent aux organisations criminelles — se déchargeant dessus — la responsabilité de faire le sale boulot. Ce n’est pas le milieu qui contrôle les politiques, mais bien le contraire. Le milieu n’est constitué que de pions que l’on laisse s’entre-tuer si nécessaire, dont on peut saisir les biens ou que l’on peut mettre en prison lorsqu’ils ont des velléités de tirer profit de leur pouvoir. Ils travaillent au profit exclusif de ces quelques hommes très puissants qui en tirent bénéfice pour s’enrichir, sembler faire fonctionner la démocratie qui est de plus en plus moribonde avec un tel fonctionnement mafieux, ou bien faire peur aux populations pour tout simplement se faire élire...

D’ailleurs, plus les enjeux financiers sont importants et plus ce système morbide se développe et avale tout sur son passage. La prohibition a vampirisé la société. Elle est comme un cancer qui développe ses métastases à l’intérieur d’un corps sain : elle a développé les siennes à tous les échelons de la société.

Rare sont ceux qui ont réellement pris conscience de l’importance de la prohibition et de ses conséquences, qui sont toutes délétères pour l’ensemble de la société, pour l’Humanité en général, notamment pour la santé publique et individuelle — sida, hépatites, septicémies, etc. — qui sont de prétendus objectifs affichés de la prohibition. Ces conséquences sont telles que le jour où toute la société en prendra réellement conscience, je peux vous dire que la prohibition s’écroulera d’elle-même. La prohibition est un monstre fragile qui ne tient que par un consensus artificiel véhiculé par une propagande forcenée et omniprésente.

Pourtant, devant le plus invraisemblable scandale du vingtième siècle qui continue au vingt-et-unième, les populations informées ne pourront plus dire qu’elles ne savaient pas, alors que les prohibitionnistes veulent pire que perpétuer un système qui roule pour eux, en créant cette société ultra-sécurisée sous nos yeux, qui se développe tous les jours, où nous serons tous surveillés, tous sous contrôle et ce sera pour notre bien ! Et ce n’est pas la moindre des conséquences de la prohibition, celle d’avoir créé ce sentiment d’insécurité permanente qui donne au citoyen le réflexe pavlovien de voter pour les perpétuels démagos, ceux qui vivent politiquement et financièrement de l’épouvantail sécuritaire, ceux qui sont les premiers défenseurs acharnés de la prohibition car ils en profitent toujours, directement ou indirectement. Les prohibitionnistes qui n’en profitent pas sont soit de très grands naïfs, soit ils ne peuvent que changer d’avis et condamner radicalement la prohibition.
La prohibition est devenue un monstre incontrôlable qui génère chaque année des milliards et des milliards de dollars. Par contre, impossible de donner un chiffre précis pour un commerce complètement clandestin qui ne devrait être exprimé que dans des fourchettes estimées, ce qui n’est jamais le cas. De même, impossible d’analyser les profits aux seuls bénéfices de quelques-uns, car la répartition s’effectue sur trois niveaux très distincts.

D’abord, en bas de l’échelle, c’est la vente directe ou indirecte aux consommateurs, où les bénéfices sont faibles et sont directement réinvestis dans la consommation de drogues ou dépensés dans le petit commerce local.
Au second niveau, semis-grossistes et grossistes, l’argent recueilli est investi dans un réseau informel entre le légal et l’illégal tel que le financement de petits commerces, une formule de blanchiment efficace et accessible, ou alors de plus en plus dans la vente ou la production de contrefaçons. La prohibition est la cause première de l’explosion des contrefaçons.

Enfin, le troisième niveau n’est disponible qu’à ceux d’en-haut, les “puissants” qui sont en place dans tout le système politique, institutionnel et de production, de telle sorte que les plus grosses quantités d’argent sale sont investies dans toute l’économie légale par des systèmes de blanchiment très sophistiqués comprenant banques, institutions financières et paradis fiscaux. Pour finir, ces sommes sont réinvesties dans le capital de très grandes entreprises, incitant à la concentration industrielle par le volume d’argent en question, au détriment de la production et au profit exclusif du capitalisme financier. Les 15 à 20 % de rendement demandés aux grandes entreprises sur leurs actions sont la conséquence indirecte du système de blanchiment de la gigantesque manne financière fournie par le trafic international de drogues. Ce système s’est développé exclusivement au profit de cette grande mafia planétaire qui s’en nourrit et qui détient en fait la plupart des manettes institutionnelles.

La prohibition est une gigantesque imposture

Ainsi, la plus grande partie des revenus illégaux du trafic de drogues viennent pervertir l’économie réelle. C’est ce processus qui a été le moteur principal de ce que l’on appelle aujourd’hui et de manière mensongère la « mondialisation » : un surplus massif de capitaux qu’il s’agissait d’investir dans des secteurs de plus en plus larges de l’économie, qui demandait pour mieux se cacher une concentration accrue des entreprises — devenues dès lors des transnationales —, ayant besoin d’un volume proportionnellement toujours plus important d’argent « propre » en fonction des sommes croissantes à blanchir, les profits illégaux étant dissimulés de la sorte. Ces capitaux sont d’abord passés par des circuits financiers très complexes, dont les chambres de compensation comme Clearstream sont devenus la clé de voûte. En quelques dizaines d’années, l’économie légale a fait place à une économie complètement mafieuse, dont on voit tous les jours et à regret les résultats catastrophiques pour les hommes, pour le tissu économique et social des pays industrialisés ou pour les institutions de toutes les nations, qu’elles soient démocratiques ou non.
C’est aussi à cette fin, pour les besoins de capitaux en surnombre, que de nouvelle règles ont été instaurées comme la dérégulation boursière, avec toutes les conséquences économiques qui ont suivi. Depuis plus de quarante ans que la prohibition fonctionne à plein rendement dans à peu près tous les recoins de la planète, les sommes engrangées ainsi et qui ont été investies à parts inégales dans les économies légale, grise et illégale, sont incalculables. La quantité de capitaux générés est devenue considérable, répartie en trois niveaux de profit détaillés ci-dessus. Dans ces trois cas de figure, le blanchiment se fait différemment et surtout, la vraie manne financière du trafic de drogues est celle qui s’accumule au troisième niveau. C’est celle qui est investie indirectement dans l’économie légale des entreprises les plus grosses et les plus performantes, qui sont désormais sous le contrôle de grands capitaines d’industrie qui privilégient uniquement la rentabilité. C’est tout un système politique et industriel qui bénéficie directement ou indirectement des profits ainsi blanchis. Certains sont à la tête de gigantesques fortunes et sont devenus aujourd’hui nos nouveaux féodaux — et peut-être bientôt nos nouveaux fermiers généraux — dont on vante les exploits à longueur de presse.

La prohibition est une gigantesque imposture, quel que soit côté abordé du problème, quelle que soit la façon dont on tourne autour. C’est une supercherie si énorme qu’elle fait croire à tous que ce que l’on appelle désormais les Etats narco-trafiquants sont seulement de petits pays du tiers-monde. La réalité, c’est que les vrais enjeux financiers se font d’abord dans les pays les plus riches et industrialisés, là où arrivent les capitaux blanchis avant investissement. Ce sont les pays occidentaux qui sont les véritables bénéficiaires de ce trafic et qui sont de fait les premiers pays narco-trafiquants.

Le problème, c’est que l’on se retrouve confronté à des chiffres qui ne sont jamais vérifiés, donc jamais vérité, on a le plus souvent affaire à d’énormes mensonges car les chiffres en circulation sont presque toujours les chiffres fournis par les prohibitionnistes eux-mêmes. Des chiffres forcément douteux et systématiquement très largement sous-estimés, aussi bien au niveau de la production mondiale de substances illicites que pour la consommation mondiale. Il faut dire que chaque pays peut raconter ce qu’il veut sur sa situation. Rien n’est vérifié et d’ailleurs, comment vérifier des données qui sont par nature clandestines ? La vérité sur les chiffres n’est qu’un secret de polichinelle. En général, il suffit de les comparer les uns avec les autres pour en percevoir tout de suite les invraisemblances et les contradictions. C’est une vision tronquée d’autant plus facile à maintenir que les chiffres sont invérifiables et que l’essentiel des données existantes ne font que révéler l’activité — ou la passivité — des forces de l’ordre.

L’héroïne au centre de la prohibition moderne

Ce constat exprime le noeud central de la prohibition moderne et son fonctionnement. La vérité que l’on ne veut pas voir, donc largement dissimulée, mène au produit le plus diabolisé, qui rapporte le plus aussi bien par le chiffre d’affaire global que par les bénéfices les plus mirobolants de tous, devant toutes les autres drogues confondues : l’héroïne bien sûr. Le principe pervers du système (de profit ou capitaliste ou financier, à qualifier, ndc) s’applique au fonctionnement du marché clandestin, de sorte qu’une proportion non négligeable de consommateurs de cannabis, cocaïne ou autres ecstasy dérivent jusqu’à la consommation d’héroïne. Cette situation n’a rien à voir avec le mythe de l’escalade, elle est obtenue uniquement par les mécanismes du marché, gérés eux par l’action politique et policière, qui bien trop souvent privilégie la chasse aux consommateurs de joints plutôt que la poursuite des dealers d’héroïne, encore moins des véritables trafiquants, à moins que certains parmi ces derniers gênent d’autres intérêts, ils sont dès lors livrés en pâture aux forces de l’ordre de manière impitoyable.

L’héroïne, c’est cette drogue emblématique qui crée plus ou moins vite une forte dépendance, essentiellement chez les plus jeunes, les asservissant ainsi dans une consommation qu’il est difficile d’arrêter sur un simple claquement de doigt. Les consommateurs deviennent captifs et en conséquence, cela rapporte gros, très gros.

Le business de l’héroïne est la plus formidable ressource de la prohibition, car les retours sur investissements sont les plus conséquents et les avantages politiques que l’on peut en tirer sont des plus pervers. En effet, les conséquences négatives de l’héroïne consommée en cachette et à la sauvette se transforment très vite en un désastre social et humain dès lors que ce produit à deux facettes, entre plaisir absolu et dépendance complète, tombe dans la clandestinité. Ainsi, les résultats négatifs sont directement visibles par les populations défavorisées des banlieues, au point d’en ressentir un danger à même de les exaspérer et de les faire voter massivement dans le sens de la répression et des plus extrémistes politiquement, donc au final pour tous les prohibitionnistes qui en exigent toujours plus. Un système redoutable par son efficacité...

Dans ce contexte, ce n’est pas pour rien que 36 ou 37 pays maintiennent leurs troupes actuellement en Afghanistan. Ils perpétuent ainsi une guerre dont on ne voit pas venir la fin, hormis dans une défaite des puissances occidentales face aux islamistes, ce qui n’est guère réjouissant. La guerre d’Afghanistan, ce n’est point la « guerre contre le terrorisme » comme la propagande le prétend, c’est un conflit de plus dans la « guerre à la drogue ». Cette guerre a été notamment déclenchée pour détenir et contrôler les parts de marché chez l’un des plus gros producteurs d’héroïne dans le monde. D’ailleurs la « guerre contre le terrorisme » est directement calquée sur la « guerre à la drogue », son véritable modèle. Ce sont les mêmes schémas de construction intellectuelle falsifiée, avec une sémantique perverse et du même acabit, avec un ennemi qui est à la fois autant indéfinissable qu’insaisissable.


La prohibition est un fléau qui se nourrit de ses échecs

Alors quand la prohibition nous parle du « fléau » des drogues pour justifier sa politique, ce n’est rien face à ce que représente le fléau de la prohibition dans le monde. La prohibition est un système sans fond qui ne peut jamais s’arrêter dans sa course folle, et qui à chaque échec prévisible de sa politique a toujours le même remède : prétendre que l’on est pas allé assez loin dans la politique de prohibition. Ensuite, il suffit d’expliquer que pour réussir, il faut persévérer et à cette fin ne pas hésiter à donner un coup de répression supplémentaire.

La prohibition fonctionne comme une vis sans fin qui embarque toute la société dans une dérive paranoïaque. Un constat s’impose : la prohibition s’est exportée partout sur notre bonne vieille planète, elle ne s’arrête pas aux frontières d’un pays ou d’un continent. Voilà la situation du monde aujourd’hui, la prohibition a participé à la montée en puissance du crime organisé, puis en définitive à la constitution de gigantesques mafias sous le contrôle du pouvoir politique. Ainsi, la prohibition a accru la criminalité en général, a généré une petite délinquance agressive et violente, a engorgé la justice puis a rempli les prisons un peu partout dans le monde, a favorisé la corruption du pouvoir politique, du pouvoir judiciaire, du pouvoir des forces de l’ordre et des douanes, a également perverti le pouvoir économique plus d’une quarantaine d’années en investissant à plein régime dans les principaux secteurs financiers.

La prohibition est coupable de tous ces crimes

- La prohibition sert ou a servi à organiser ou favoriser, sur toute la planète, dans des régimes démocratiques ou non et depuis plusieurs décennies, des élections truquées, des putschs militaires, des coups d’Etats ; a également permis la mise en place d’Etats dictatoriaux, de régimes corrompus, de fausses démocraties qui n’en portent souvent que le nom, a également permis la dérive des services secrets des Etats occidentaux et de bien d’autres, permis la participation active de la diplomatie, des militaires, de policiers, de douaniers, de juges ou d’hommes politiques au trafic international de drogues ; ce sont des schémas de fonctionnement que l’on retrouve dans à peu près tous les pays du monde et d’ailleurs, la liste de tous ces responsables, chefs d’Etat, ministres, généraux, chef des services secrets ou de la police convaincus ou suspectés d’être liés au trafic de drogues ces quarante dernières années mériterait d’être réalisée, une liste si longue que l’on en a déjà le tournis.

- La prohibition permet ou a permis de financer des rebellions, des guerres civiles, le terrorisme international, qu’il soit indépendantiste comme en Corse, au Pays Basque ou en Irlande du Nord ou sème la terreur sur la planète au nom de l’islam ou de tout autre fondamentalisme ; de plus, cela permet ou a permis de financer de nombreuses guerres entre nations qui perdurent des années, tant que l’argent ne manque pas ; la prohibition est devenu le premier facteur d’instabilité sur la planète, elle s’oppose ainsi à la paix dans le monde et ne garanti pas, bien au contraire, un monde plus sûr à nos enfants.

- La prohibition permet le développement et la prospérité du commerce d’armes, légal ou illégal, au point que celui-ci serait bien à la peine sans les revenus illimités du trafic de drogues ; en outre, elle favorise ce commerce à grande échelle et son explosion s’étend à tous les pays du monde, mêmes les plus déshérités, avec la vente ou le troc d’armes de toutes sortes et de tous calibres jusqu’aux plus lourds des matériels de guerre tels que les avions de chasses, les sous-marins ou les missiles balistiques, voire même du matériel radioactif pour fabriquer des bombes.

- La prohibition est aussi une captation parallèle des richesses, une sorte d’impôt mafieux qui draine les richesses des plus petits vers les poches de quelques grands prédateurs planétaires. Ceux-ci ont toutes les raisons de s’accrocher à leur joujou qui leur amène pouvoir politique et financier.

- La prohibition a contribué à la concentration de l’économie, à la dérégulation boursière, a accompagné et a même été le modèle de ce que l’on appelle désormais la « mondialisation », configuration inédite dans l’histoire du monde avec l’apparition de transnationales privées qui veulent dicter leurs lois de la jungle aux Etats pilotés par une part de plus en plus importante de fonds indirectement issus du trafic de drogues ; au bout du compte cela constitue un système financier opaque qui a évolué en fonction de législations ad hoc, pour aboutir aux chambres de compensation du type Clearstream ou bien aux paradis fiscaux que l’on maintient en place, vent debout contre les différentes tempêtes médiatiques ou parlementaires, en dépit donc de tout logique.

- La prohibition contribue énormément à la spéculation immobilière, au bétonnage des côtes ou aux incendies de forêts qui sont la conséquence directe de la poussée spéculatives dans toutes les zones touristiques, comme l’avait si bien démontré Haroun Tazieff en 1990 ; elle contribue très largement à la production massive de contrefaçons, qui permet à des capitaux qui ne peuvent transiter directement par les banques de se blanchir dans un commerce qui est à la fois lucratif et bien moins risqué pénalement.

- La prohibition favorise le développement de nombreuses sectes, dont les plus dangereuses comme la Scientologie qui recrute beaucoup dans le milieu des consommateurs ou anciens consommateurs de drogues, considèrés comme des être faibles et manipulables, pour s’en servir comme de nouveaux esclaves modernes ; ou bien ce sont de jeunes maghrébins qui sont dépendants à l’héroïne et attirés par des imams qui leur tendent la main pour venir en religion, en échange d’arrêter leur consommation de drogues ; ceux-ci sont alors souvent utilisés pour rapporter de l’argent avec leurs anciennes activités délictueuses qui se fait cette fois au nom de Dieu, servant de proies dans le recrutement de nouveaux terroristes.

- La prohibition permet de financer en toute discrétion de nombreux attentats ciblés, des assassinats d’opposants, des empoisonnements, accidents ou autre « suicides », sans que cela n’apparaisse jamais dans le budget des Etats ou des services spéciaux.

- La prohibition favorise les drogues les plus dangereuses au détriment des drogues plus anodines, avec notamment la diffusion massive d’héroïne ; cette consommation illégale et son coût deviennent vite problématiques, obligeant le plus souvent à dealer, à voler ses proches ou dans les magasins, à organiser des cambriolages, ou encore à se prostituer pour se payer sa consommation journalière ; ainsi se développe une petite criminalité vécue de plein fouet, de manière très sensible et à juste titre dans les cités et autres lieux à forte consommation de drogues ; cette petite délinquance crée rapidement un sentiment d’insécurité très propice à la mise en place de politiques sécuritaires, racistes, et anti-immigrés ; en bref, il s’agit de convaincre l’électeur de voter aveuglément pour tous ceux qui promettent de poursuivre l’investissement dans la répression.

- La prohibition est aussi un moyen d’asservissement ; de nombreux réseaux de prostitution ne fonctionnent que par la dépendance des filles à l’héroïne, où cette habitude est imposée de gré ou de force ; et puis, il s’agit de pas oublier les conséquences sanitaires du marché clandestin : ces produits ne sont ni suivis ni surveillés, ce qui permet toutes les arnaques sur la qualité et la quantité des drogues proposées et aboutit souvent à des produits frelatés ou dangereux, avec comme conséquence directe l’aggravation des problèmes de santé chez un grand nombre de consommateurs et leur environnement ; ceci va à l’opposé des objectifs que la prohibition est censée atteindre.

- La prohibition est ainsi responsable du sentiment d’insécurité qui règne dans nos villes et nos banlieues ; des quartiers entiers sont devenus avec force propagande des « zones de non-droit » et fonctionnent désormais très largement sur cette économie illégale ; ainsi, la prohibition permet d’atténuer les conséquences de la crise économique car elle permet d’assurer des revenus substantiels et rapide, elle permet également de détenir du pouvoir dans la cité, ce qui renforce les mécanismes pervers de la prohibition ; dans ce système, le cannabis fait surtout office de cache-sexe à ce business souterrain en favorisant notamment la diffusion de l’héroïne, du fait aussi d’une attitude stupide et démagogique des autorités qui se focalisent principalement sur la répression des fumeurs de joints.

- La prohibition permet une remise en cause régulière de la jeunesse, de ses rites et modes de vie ; elle peut être ainsi stigmatisée, suivant son origine sociale et ethnique, comme une bande de paresseux incapables de se lever tôt pour faire un travail de merde avec un salaire de misère, alors qu’un seul jour de deal permet de gagner ce qu’un ouvrier récolte en un mois de travail ; il est de la sorte normal d’assimiler une grande partie de la jeunesse à un groupe de fainéant, de bons à rien ou de drogués, autorisant de nombreuses tentatives de reprises en main de la jeunesse par le retour aux bonnes vieilles méthode d’autrefois ; enfin la prohibition participe à une trahison des principes éducatifs par le rôle de propagande qu’elle donne à l’école, dont cet aspects négatif qui veut que plus ils sont jeunes et plus ils sont (dés)informés des dangers des drogues et plus cela stimule leur future consommation ; un enseignement de plus en plus propagandiste qui trahit la confiance des parents d’élèves envers le système éducatif.

- La prohibition aboutit aussi un peu partout au non respect de la loi ; avec la transgression systématique des lois prohibitionnistes, celle-ci a grandement perdu de sa valeur morale, de sorte que de trop nombreuses personnes ne lui donnent plus qu’une valeur relative et considèrent les forces de l’ordre, qui ont tendance à se durcir partout, seulement comme un ennemi à combattre ; surtout la prohibition a été le champ d’expérimentation de l’abus de lois et d’un système de lois qui se surajoutent à la loi, comme dans un château de cartes, où les plus malins se sortent sans dommage de ce maquis juridique pendant que les autres remplissent les prisons ; depuis, ce modèle a contribué à l’inflation de lois telles que celles qui naissent à l’occasion de chaque fait divers, ou comme c’est devenu le cas, par exemple, pour les lois sur l’immigration, la sécurité ou le terrorisme.

- La prohibition, plus spécifiquement aux Etats-Unis, s’est substituée progressivement à la ségrégation raciale, où la communauté noire — ainsi que les hispaniques et les pauvres — est très largement surreprésentée parmi les plus de deux millions de personnes qui remplissent les prisons de ce pays, et dont l’augmentation spectaculaire en vingt ans est la conséquence directe de la prohibition lorsqu’elle fonctionne à plein régime ; cela se fait en général au détriment de la poursuite de nombreux autres crimes et délits, qui dès lors sont minorés ou ignorés.

- La prohibition contribue à la destruction de l’environnement et aux gaspillages d’énergies, aussi bien dans les méthodes de production clandestines qui saccagent de nombreux espaces boisés et empoisonnent ces terres, que dans la manière de lutter contre les plantations illégales ; ce fut le cas par exemple avec le Plan Colombie et ses fumigations à haute altitude, à base du glyphosate du Round Up, créant des ravages considérables dans toute la jungle, hommes et animaux compris, sauf sur la coca, du moment où les feuilles ont été arrachées immédiatement après l’épandage ; on note que le défoliant modifie la structure ADN de la plante, ce qui permet aux pieds de coca de repousser plus touffu et bien plus vigoureusement.


La prohibition est un désastre sans fin

La liste de ses méfaits est longue, bien trop longue, presque sans fin, et chacune de ces conséquences mériterait un développement circonstancié plutôt qu’une simple citation dans une liste de catastrophes, touchant tout autant l’homme, les animaux que la planète, il serait impossible de détailler dans un simple discours. Enfin, tous ceux qui penseraient être épargnés par la prohibition ont tort de ne pas se croire concernés, car tous les jours ils subissent une part des nombreuses conséquences négatives énumérées ci-dessus, qui à la longue leur font renoncer à des droits essentiels de liberté, d’égalité et démocratie, au nom de la sacro-sainte sécurité. Tout homme sur cette terre est désormais une victime, à de nombreux titres, des conséquences de ce régime prohibitionniste mondialisé. Ceci en fait un système unique dans l’histoire, sans que jamais l’avis des peuples n’ait été entendu ou consulté, qui s’est imposé par le sommet des nations par des conférences internationales, pour redescendre au niveau des nations et ensuite toucher tous les peuples et tous les individus.


La prohibition est un crime contre l’Humanité.


Agissons sur l’opinion publique

Comme le dit le Tao : « Plus il y a de règlements et de prohibition, plus la criminalité augmente et plus le peuple s’appauvrit ». Une réflexion qui date de plus de 2000 ans et qui est plus que jamais d’actualité.

La prohibition est une régression de la civilisation et un retour à des valeurs barbares, où la loi du plus fort s’impose de fait.

Enfin, il ne s’agit pas seulement de critiquer, nous devons faire des propositions pour sortir de là.

La loi doit être là pour réguler les choses et non point prohiber aveuglement, de sorte que les produits les plus dangereux ne soit pas accessibles aussi facilement que sous la prohibition, qu’ils le soient néanmoins de manière raisonnable et suivant des critères qui dépendent des caractéristiques intrinsèques de chaque catégorie de produits. Surtout, il faut arrêter avec le trop de lois qui étouffent les plus faibles et arrangent les affaires des plus aisés. La loi doit être simple, tolérante et comprise par tout le monde.

En tant que société évoluée ou qui se veut telle, nous devons gérer nos usages des drogues par la seule régulation du marché, en protégeant les plus faibles, c’est la seule manière de se prémunir de leurs éventuels méfaits, alors que les interdire nous amène directement vers des régimes totalitaires qui n’auront rien à envier avec les régimes fascistes qui ont existé en Europe dans les années trente.

La prohibition est d’essence totalitaire

Il nous faut le dire et le répéter, l’expliquer régulièrement autour de nous pour faire changer en profondeur l’opinion publique, et le jour où cette opinion publique sera derrière nous, avec raison, nous aurons alors gagné et la prohibition n’aura plus qu’à s’effondrer.

Evidemment, celui qui m’a posé la question, un peu par provocation, ne pouvait se rendre compte — on fait tout pour le lui cacher — que combattre la prohibition est une nécessité vitale pour l’avenir démocratique de la planète.

Ne rien faire nous plongera directement dans un monde totalitaire qui s’avance jour après jour et en comparaison duquel le Big Brother de George Orwell ne sera qu’une agréable fantaisie.

Alain

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