Jeudi 22 septembre à Paris, une réunion rassemblant professionnels de santé, de terrain, usagers et riverains a permis enfin de se poser la bonne question : comment sortir de l’impasse ?
Une synthèse tirant le constat et faisant des propositions a été présenté lors de cette rencontre.
Dans son communiqué (lire ci-dessous), Médecins du Monde a réagi aux évolutions récentes relatives au "camp de forceval" situé à l’entrée des villes de Pantin et d’Aubervilliers, coincé entre une ancienne voie ferrée, le périphérique et la rue de Forceval où résident environ 150 UsagerEs de drogues en permanence et qui rassemble au quotidien plusieurs centaines de personnes.
Le constat : les publics d’usagers de crack qui vivent sur le site présentent des besoins importants en termes :
• de besoins primaires (hygiène, vestiaire, accès à l’eau, alimentation de proximité,…) ;
• d’accès aux soins somatiques, psychiatriques, addictologiques ;
• d’accès aux droits sociaux et aux droits au séjour ;
• de logement et d’hébergement ;
• de réduction des risques (espaces de repos, aller vers, accès au matériel,…) et d’aide à la régulation de la consommation ;
• d’espaces de consommation à moindre risque ;
• de prévention des violences et en particulier des violences sexuelles chez les femmes usagères de crack.
Quel plan concret pour mettre fin à la situation de crise ?
Ce plan, issu du travail des professionnels sur le terrain et d’une démarche de recherche participative du CEMS pour la partie « constat », comporte huit volets, cohérents les uns avec les autres :
Développer l’offre d’hébergement et de logement : places d’accueil d’urgences à Paris et en Île-de-France, accueil intermédiaire, hébergement de plus long terme
Proposer des lieux de repos
Créer de nouveaux espaces de consommation sécurisée : au moins quatre haltes soins addictions supplémentaires à taille humaine dans un délai de trois ans
Pouvoir mettre à distance la scène et les consommations, faciliter l’accès aux soins : créer des lieux d’accueil transitoire et faciliter les parcours de soins en limitant les délais d’attente, y compris en centres résidentiels, pour les consommateurs en demande de sevrage
Travailler à l’insertion professionnelle car la précarité socio-économique est un facteur important dans la consommation
Renforcer l’aller-vers et notamment les maraudes
Mieux prendre en compte les comorbidités psychiatriques
Concerter tous les acteurs et coordonner les dispositifs
Pour Marie Öngün-Rombaldi, déléguée générale de la Fédération Addiction :
« Résorber les scènes ouvertes de crack repose sur des solutions plurielles et coordonnées entre les différents acteurs. Il est temps de repousser définitivement l’opposition stérile entre réduction des risques et soin : les solutions sont là, il est temps pour l’État et les collectivités d’agir, avec les associations, les riverains, les usagers. »
Aussi, on peut lire le communiqué de presse de Médecins du Monde pour compléter cette intervention collective qui cherche à mettrre en oeuvre des solutions pérennes face à l’injonction du ministe Darmanin de régler d’ici un an le problème du Crack à Paris... promesse déjà faite il y a un an.
Saint-Denis, le 23 septembre 2022.
Depuis un an, des personnes extrêmement précarisées et consommatrices de drogues sont parquées dans le square de Forceval, aux portes de Paris. Médecins du Monde dénonce cette situation catastrophique, orchestrée par la préfecture de Police avec le soutien du gouvernement. Les personnes consommatrices, les riverains et les acteurs du secteur sanitaire et médico-social sont abandonnés par les pouvoirs publics, incapables de mettre en place une politique cohérente qui permette de sortir de cet embourbement honteux.
ICI, ON AMÈNE ET ON PARQUE DES GENS POUR MOURIR
« La santé des personnes ne cesse de se dégrader et les violences de se multiplier sous le regard des habitants excédés et des forces de l’ordre constamment présentes. Les acteurs du secteur sanitaire et médico-social sont mis en échec et épuisés par le manque de cohérence de nos politiques », s’alarme Marie Debrus, référente technique et plaidoyer sur la réduction des risques liés aux usages de drogues à Médecins du Monde. « Ici, on amène et on parque des gens pour mourir » alerte-elle.
Depuis un an, les communications et décisions prises pour la gestion de ce site sont faites exclusivement par le ministère de l’Intérieur et le préfet de police, laissant de côté l’urgente nécessité d’une prise en charge sanitaire et sociale. « Les pouvoirs publics laissent la santé publique se faire piétiner et enterrer » s’indigne Marie Debrus.
POUR LA MISE EN PLACE D’UNE RÉPONSE SANITAIRE ET MÉDICO-SOCIALE
Médecins du Monde appelle le ministère de la Santé et de la Prévention à mettre en place une réponse sanitaire et médico-sociale digne de la France, en s’inspirant des réponses faites par d’autres pays voisins (Suisse, Pays-Bas, Allemagne, Portugal, etc.) qui ont aussi dû faire face à ces problématiques.
Les acteurs du secteur sanitaire et médicosocial attendent une réponse positive à leurs propositions concrètes, travaillées depuis des années avec les personnes précarisées consommatrices de drogues, issues de leurs expériences sur le terrain et transmises pourtant de nombreuses fois aux pouvoirs publics. Un nouveau rapport, comprenant un bilan du dernier plan crack et le rappel de recommandations : « Plan pour la disparition des scènes ouvertes de drogues », a été présenté publiquement le 22 septembre par la Fédération Addiction, le Centre d’étude des mouvements sociaux (INSERM-EHESS), le programme « Sciences sociales, drogues et sociétés » et Politika.
Les scènes ouvertes de consommations et de trafics rassemblant des personnes extrêmement précarisées existent depuis les années 90. Elles n’ont fait qu’être déplacées et évacuées d’un quartier à un autre du Nord-Est parisien aux villes limitrophes de Saint-Denis, Pantin ou Aubervilliers en rassemblant de plus en plus de personnes. La tactique répressive retenue initialement consistait en une dispersion des personnes par le biais d’un harcèlement policier, y compris aux abords de structures spécialisées financées par l’Etat pour accueillir ces personnes. Une dynamique de concentration est désormais privilégiée par les forces de l’ordre tentant de contenir et de cacher une situation inhumaine semblable à celles dont Médecins du Monde est témoin à l’international.
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AURÉLIE GODET
Attachée de presse
aurelie.godet@medecinsdumonde.net
06 69 76 31 18
Voir en ligne : Pour lire la synthèse des propositions