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Un certain 16 février...

Le 16 février 2010 était un jour comme les autres.

Ce jour-là était votée, à l’Assemblée nationale, la loi de programmation pour la performance de la sécurité intérieur, dite LOPPSI 2. Sans “bataille d’amendement”, la loi était votée après quelques discours d’explication de vote des porte-paroles des divers groupes politiques de l’assemblée, parmi lesquels on notera celui de Patrick Braouzec, dont le discours est annexé à ce document.

Ce jour-là, exceptionnellement, le Conseil des ministres ne se tenait pas le mercredi mais le mardi, en raison du voyage annoncé du Président de la République en Haïti. À ce Conseil des Ministres était présenté le décret relatif au pouvoir des Préfets,et à l’organisation et à l’action des services de l’État dans les régions et les départements. Le texte vise notamment à affirmer “l’unité de la parole” et de “l’action de l’État” autour du Préfet, et désormais “le cadre de l’action de l’État est régionalisé”, alors qu’il était départementalisé depuis Napoléon.

Le rapport au pouvoir central est complètement modifié pour les élus locaux. Auparavant, il y avait une concertation entre les représentants du peuple, municipaux ou départementaux, et le Préfet de département, maintenant, ceux-ci dépendront désormais d’un pro-consul régional. “L’unité territoriale de l’État est confortée”, écrit Hortefeux dans sa présentation du décret en Conseil des ministres. Comme si “l’unité territoriale” était menacée…

Article 2 du décret : “Le Préfet de région est garant de la cohérence de l’action de l’État dans la région.” “Il a autorité sur les Préfets de département”, sauf en matière d’entrée et de séjour des étrangers, ainsi qu’en matière de droit d’asile. Le Préfet de département conserve aussi la responsabilité de la sécurité, de “l’ordre public”.

Mais le Préfet de Région prend la responsabilité de l’application des politiques nationales ou européennes. Ils donnent à cet effet leurs instructions aux Préfets de département qui les exécutent. Et le Préfet de région peut à tout moment décider, par arrêté, de la suspension de tout ou partie de compétences du Préfet de département pour une durée donnée. Le Préfet de Région sera également Préfet du département où est installée la Préfecture de région.

En présentation, pour souligner le caractère historique de cette “modernisation” de l’État, le ministre de l’Intérieur l’a placée sous le signe du 210ème anniversaire de la loi du 28 Pluviôse an VIII, promulguée sous le Consulat de Napoléon Buonaparte, qui instituait la “division du territoire de la république et de l’administration”, en cent départements et préfectures. Un décret en catimini, remplace un vote du corps législatif.

Ce même jour, était annoncé, le discours du Président Sarkozy sur les ruines du Palais présidentiel de Port-au-Prince.Mais qui a souligné les rivalités souterraines qui s’entrechoquent mesquinement, dans un mépris parfois ahurissant de la population devant être secourue.

Beaucoup d’informations sur un missile mistral découvert dans un fossé, ce même mardi 16 février. Il s’agissait en fait d’une maquette, dépourvue de tout danger.

Encore le 16 Février, à l’aube, la police anti-terroriste procédait à l’interpellation de huit personnes, à leur domiciles, soupçonnées d’avoir pris part à des manifestations de soutien aux sans-papiers, et particulièrement d’avoir dénoncé le fait que des agences bancaires procèdent à la délation de sans-papiers.

Ce 16 février sera aussi l’occasion d’une “alerte-enlèvement” , et la sirène résonnera sur l’ensemble des ondes, régulièrement à la télévision, toute la journée, tous les quarts d’heure à la radio, comme dans le métro. “Alerte-enlèvement, écoutez la radio !”, s’affichaient sur les panneaux sur les routes et autoroutes.

La personne recherchée s’appelait Mahamadou, et on découvrira le lendemain dans le Parisien que sa femme porte le voile islamique. Sur le site du dispositif Alerte-enlèvement, il y a un spot de présentation dans lequel l’individu recherché est décrit, comme par hasard, avec un “type méditerranéen”.

Autre information du jour : les restaurants Quick ne serviraient plus que de la nourriture Hallal. Il s’est avéré que cela ne concerne que huit restaurants sur les 356 établissements de cette chaîne.

Pas un mot dans la presse écrite sur l’adoption de la loi LOPPSI 2, prête depuis 2008. Première mention sur le site du Monde le lendemain soir, en une brève rapportant les réserves de grands groupes informatiques sur des dispositions de cette loi qui instituent un “délit de substitution de l’identité informatique”. Tout petit angle d’attaque pour un grand ensemble "sécuritaire", encore et toujours, qui contribue à restreindre les libertés autrefois garanties par la constitution.

Peut-être y a t-il une explication au black-out médiatique des décisions gouvernementales : l’ensemble du personnel politique, élus et militants, avait d’autres soucis que celui des réductions démocratiques.
En effet, ce 16 février correspondait aussi à la date de validation en préfecture des listes déposées pour les élections régionales. Et on aura pu constater dans la région où le ministre de l’intérieur est lui-même candidat, le rejet d’une liste d’opposants ...
A la lumière de la prochaine réforme territoriale, re-centralisation annulant les contre-pouvoirs qui pouvaient s’exercer dans les territoires, ces élections régionales risquent d’être les dernières à permettre un vote reflétant ses convictions.

Et à ce jour, toujours aucune information sur le décret "révolutionnaire" du ministre de l’Intérieur par au Journal Officiel le 17 février 2010. Tellement significatif pourtant.

Cannabis Sans Frontières (alternative écologique) - Mouvement pour les Libertés

Voir en ligne : L’adoption de la LOPPSI 2

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