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Contrepoint (2) à la chronique de Raoul Anvélaut sur "le joint" paru dans le journal "La Décroissance"

Par Alain "Shilum" Meunier Baudelaire

Ces fumeurs de joints qui puent de la gueule : ils ont « le cerveau réduit à un sac de sable » !

Ces fumeurs de joints
qui puent de la gueule :
ils ont « le cerveau réduit à un sac de sable » !

Ça a commencé par un coup de fil. Avec cette question :
- T’as vu le dernier numéro de La Décroissance ?
- Euh, je ne suis pas sûr. Le dernier numéro que j’ai lu, c’est celui qui avait le tartuffe Cohn-Bendit en couverture...
- Nan, celui-là, c’est encore le numéro du mois dernier...
- C’est fort possible, car quand j’ai cherché à acheter le numéro de ce mois, il y a quatre-cinq jours en arrière, c’était toujours celui-ci qui était en kiosque...
- Sinon, devine à quoi était consacré « La saloperie que nous n’achèterons pas ce mois-ci ? »
A cette question, vu celui qui me la pose, il me semble deviner de quoi il peut s’agir… (…)
- Des fois, il ne s’agirait pas du shit ? Par hasard...
- T’y es presque, c’est sur le “joint”...
- D’accord, je vois, Raoul Anvélaut a encore fait des siennes...
- C’est bien ça, il faut absolument que tu le lises et que, peut-être, tu nous dises ce que tu en penses. Peut-être pourrais-tu en faire un papier ?
- Ecoute, je vais voir. Pour l’heure, je n’ai pas trop le temps de sortir. J’ai bien trop à faire ici, mais dès ma prochaine sortie, t’inquiète, je l’achète. Pour l’heure, je crois que j’ai déjà fait quelque chose sur le sujet, et il faudrait que je te l’envoie (voir : Les écolos fumeurs de joints ont-ils la gale).

Merci pour le taf !

Dès lors, je savais donc que j’aurais un papier à écrire, une réponse à préparer, bien qu’à ce moment-là, j’appréhendais déjà quelque chose. En vérité, j’avais déjà bien trop peur qu’il me faille plusieurs jours pour l’écrire. Et pour l’heure je manque de temps pour ça. Mais qu’importe, je ne vois pas comment je pourrais faire autrement, sans tomber tout de suite dans les (invectives). J’ai déjà conscience que pour bien faire, ce sera un véritable labeur qui ne se fera pas en un instant. Il s’agira d’argumenter, de trouver les mots qui fassent mouche auprès de certaines personnes qui développent sur le sujet des drogues et de la prohibition un certain autisme. Il était donc fort peu probable que je puisse faire une réponse en quelques lignes, et qu’au contraire il me faille noircir quelques feuillets. [Car dans ce cas, je préfère toujours argumenter point par point, parce qu’il vaut toujours mieux débattre des idées qui nous opposent ; évidemment, avec ceux que nous considérons comme proches mais qui ne sont pas d’accord avec nous sur certains points précis, comme la prohibition des drogues, alors que tant d’autres choses nous rapprochent, plutôt que les invectiver, pousser une grosse colère, histoire de se défouler ou bien encore leur sortir leurs quatre vérités afin de déclencher une vendetta qui durera pendant des années, surtout si vous partagez beaucoup de leur préoccupation et leur manière de voir cette société post-moderne à la dérive.]
Je dis beaucoup parce que, je ne le cache pas, je suis bien loin d’être d’accord avec toute la philosophie qui est développée par La Décroissance, qui analyse avec justesse de nombreuses tares de la société, mais qui pèche néanmoins par un certain manque de réalisme ; ce journal est dans l’ensemble bien assez intéressant pour que je le lise depuis six ou sept ans, depuis le tout début ou presque. C’est donc un journal que je connais très bien, dont je soutiens ou j’approuve de nombreux combats, comme la dénonciation des écotartuffes médiatiques du genre Nicolas Hulot, Yann Arthus-Bertrand, Daniel Cohn-Bendit ou Bill Gates (dont vous faites un portrait exact et fondé, d’utilité publique, qui est d’ailleurs placé juste sous l’article de Raoul Anvélaut !), pour à peu près les mêmes raisons. D’autant qu’il nous faut le souligner, La Décroissance est l’une des rares tendances du mouvement écologiste — et c’est tout à votre honneur — qui ne se soit pas laissé empapaouter par l’opération élyséenne d’achat des consciences, par le biais d’une mascarade aussi énorme que le “Gredin” de l’environnement, comme l’avait appelé à juste titre Arthur dans vos propres colonnes. Une opération de communication de la part d’un président qui depuis toujours conchie l’écologie et les écolos et qui, pour résumer, était spécialement destinée à réhabiliter le nucléaire, pour justifier la construction de nouvelles centrales et la tentative d’en vendre aux premiers acheteurs venus, comme vous le rappelez avec raison dans ce même numéro. Un coup de bluff qui s’est appuyé sur certaines associations écolo-médiatiques qui ont révélé au passage leur vrai visage, alors qu’elles n’ont pas honte de recycler la défense de l’environnement auprès des transnationales. Des sociétés tentaculaires qui se veulent hors de toutes contraintes légales et qui sont devenues LE problème de nos sociétés post-modernes, alors qu’elles ne seront jamais la solution. En revanche, avec leur puissance financière, elles sont capables d’acheter les consciences (et même plus) qui veulent bien se vendre au plus offrant...
Cependant, ne nous égarons pas et revenons à nos moutons avec la lecture du numéro 68, que j’ai enfin pu acheter quelques jours plus tard. Un journal que j’achète chaque mois (depuis qu’il est passé mensuel) parmi tant d’autres, parmi tous les journaux que je lis régulièrement, comme Siné Hebdo (bien trop tôt disparu), Le Canard enchaîné, CQFD, Le Plan B, Charlie Hebdo ou encore Bakchich Hebdo. Non point que je partage forcément la philosophie de toutes ces publications, — dont certaines sont même un peu douteuses —, mais je préfère avoir des points de vue différents, plutôt que devoir me fier à une seule manière de voir. J’ajouterais que parmi toutes celles-ci, La Décroissance est celle qui a l’une des meilleures qualités éditoriales, avec des articles bien écrits qui vous apprennent tant de choses que l’on ne lit nul part ailleurs, et qui obligent à réfléchir, malgré nos éventuels désaccords. Un journal qui est loin d’être le représentant des ayatollahs intégristes de l’écologie, comme ce mouvement est souvent décrit par le reste de la presse aux ordres, même si quelques rédacteurs de ce mensuel ont quelques tendances à maintenir de biens mauvais réflexes. En tout cas, c’est un journal qui a cette grande qualité, qui vous permet de ressortir plus intelligent après qu’avant l’avoir lu, notamment pour ce qui concerne les articles de Jacques Testart et de Denis Baba, ou plus amusant avec « Les entretiens du Professeur Foldingue », ainsi que pour la BD de Druilhe et Domi et notre pauvre ami Steph le Décroissant. Ce dernier nous permet d’apprécier le fait que l’on parler de choses sérieuses sans se prendre forcément au sérieux. Ce qui est toujours une bonne chose. Reste que cela soit partagé par tous...

Poser le journal et réfléchir

Sitôt rentré à la maison, mes journaux en main, je me suis précipité sur la rubrique en question : une courte libelle qui paraît chaque mois et autant j’apprécie souvent sa dénonciation d’une société dévouée au Dieu Consommation, autant je peux rester stupéfait par les arguments avancés pour certaines choses ou certains objets par Raoul Anvélaut, qui ne fait pas vraiment dans la dentelle. Très souvent, il sait dénoncer certains de ces objets technologiques devenus pour quelques-uns objets de consommation obligatoire, du genre de ceux qui nous les gonflent. Il n’empêche que des fois ses obsessions ressortent et qu’il dérape lourdement. Dès lors, « La saloperie que nous n’achèterons pas ce mois-ci » dépasse largement la dénonciation d’un objet précis et nous fait ressortir une idéologie qui est, me semble-t-il, carrément à l’opposé de la « Joie de vivre » annoncée par le journal, mais qui est rarement exprimée en tant que telle. Au contraire, la défense de cette idéologie de l’interdit envers tout ce qui est superflu ou défini comme tel démontre ce mal-être qui anime les radins, qui savent cacher leur vilain défaut sous une idéologie décroissantiste. En conséquence, l’éloge du radinisme constitue l’un des principaux écueils de La Décroissance.
C’est exactement cet effet que m’a fait la lecture de l’article polémiste sur « Le joint », sous la plume de quelqu’un qui ne peut pas aimer la « Joie de vivre » ! Ce n’est pas possible autrement... comme une douche froide. Plus que ça, d’ailleurs, car à vrai dire, j’en suis resté sur le cul ! Heureusement, et soyez rassuré, je l’avais bien calé sur le dessus de mon lit. Cependant, pas de panique à bord, j’ai reposé mon journal pour en lire un autre, et je me suis dit dans cet intervalle qu’il valait mieux réfléchir un petit moment à la question, plutôt que chercher à se lancer bille-en-tête contre ce genre de triste papier. Et comme je ne considère pas La Décroissance comme des ennemis, tandis que les principales têtes-de-Turcs de La Décroissance nous sont communs, dès lors une réponse intelligente s’imposait.
En définitif, ce serait bien plus utile et efficace pour faire face à un écrit aussi lamentable. Evidemment, pour écrire une réponse circonstanciée, cela demande une bonne dose de réflexion, qui passe obligatoirement par la lecture du reste du journal. C’est donc ce que j’ai fait...

Une condamnation idéologique

Quelques jours de réflexion après. Le petit moment a pris plus de temps que prévu. Avec une première constatation : l’article de Raoul a été conçu pour régler des comptes, contre les Verts et le NPA de Besancenot précisément. Tous deux sont accusés, en sous-entendu, de dérive antiprohibitionniste : du moment que la consommation de drogues a été décrétée par La Décroissance — comme les idéologues staliniens ou trotskistes, avant que ces derniers ne virent leur cuti —, comme une consommation inutile et dangereuse, leur démarche consiste à la fois à condamner son usage qu’à prohiber sa vente. On ne rigole pas à La Décroissance avec l’usage de drogues, sauf pour une seule drogue, celle qui est ancrée dans nos cultures au plus profond de nos mémoires, l’alcool, même si un mauvais usage peut en faire l’une des pires drogues qui existent. « Et nous aimons bien boire des coups » avoue Raoul, qui aime se saouler la gueule, mais seulement avec modération et sans joie excessive ! En tout cas, il n’a toujours pas digéré que les leaders de ces partis aient osé proposer, dans des temps déjà lointains, la dépénalisation ou la légalisation du cannabis. Seulement, derrière cette mise en cause aussi absurde que tardive, c’est la question idéologique qui prédomine. Un conflit imposé entre une pensée “néo-libérale” qui autoriserait tout — donc l’usage et la vente de drogues —, et la pensée des grands sages de la modération volontaire, qui s’y opposerait : nous devons nous restreindre de manière obligatoire... mais volontairement !
Cependant, étant donné le niveau des comparaisons qu’il nous propose, nous avons bien du mal à comprendre le fond de sa pensée. Notre polémiste se cantonne dans les comparaisons absurdes, alors que ces arguties incompréhensibles ne servent que de pauvres arguments pour justifier son attitude prohibitionniste. Un prohibitionnisme honteux d’ailleurs, qui ne s’assume pas, même si c’est pour dire un peu plus loin : « Le régime de prohibition n’est pas notre tasse de vin » ! Il faudrait savoir ! Seulement, vu toute l’ambiguïté que résume cette phrase, il ne fait que nous confirmer qu’il est bien un prohibitionniste honteux. D’ailleurs, il le reconnaît encore un peu plus loin : « nous préférons que nos enfants fassent cet apprentissage en expérimentant avec le frisson de l’interdit... ». Phrase de celui qui veut se masquer la figure pour ne rien voir, qui résume brièvement toute une partie de ses conceptions philosophiques, et sur laquelle nous sommes (nous serons) bien obligés de revenir un peu plus loin.

Attention à l’excès de fumée !

Le clou dans son raisonnement incertain et simplificateur, c’est lorsque Raoul nous explique que la légalisation du cannabis serait du même tonneau que la “libéralisation” de la recherche et de l’économie. Que veut-il dire par là ? C’est à rien n’y comprendre ! En gros, ce serait une contradiction que développerait les antiprohibitionnistes, alors qu’ils s’enferreraient dans le raisonnement suivant : « Interdire favoriserait le trafic et rendrait impossible la régularisation. » Des arguments qui sont justes et incontournables, frappés au coin du bon sens, lorsqu’il s’agit du problème des drogues. En revanche, quel est le rapport entre les effets néfastes et manifestes de la prohibition, avec une telle conception “libérale” en faveur de l’économie et de la science ?
Certes, pour cette dernière, en dehors de voir trop souvent des scientifiques — indignes de porter le nom de chercheurs — se fourvoyer dans des études fallacieuses et tronquées pour justifier “scientifiquement” un interdit absurde : les drogues seraient dangereuses, il faut donc les interdire, avec la caution scientifique. De sorte que nous avons bien du mal à comprendre : quel peut-être le rapport entre une légalisation des drogues et une science de plus en plus dévoyée, qui s’est vendu au profit du système économique dominant ? Voilà un pas allégrement franchi par notre auteur, sans autre explication, ce qui lui permet d’oser plus gros encore, et affirmer par une pirouette digne des meilleurs beaufs, que la « fumette » n’est pas « davantage [dangereuse] que ne peut l’être l’alcool ». En somme, il nous signifie que le cannabis serait une drogue dangereuse — comme l’alcool — aux « conséquences graves [...] pour la santé », mais pas davantage. Bien qu’en vérité, c’est pire, car la fumée du cannabis pollue les bronches de notre ami Raoul et ça, il ne le supporte pas. Une aversion contre la fumée, presque autant, si ce n’est plus que contre la fumée d’une automobile, surtout lorsqu’elle ne roule pas, car notre ami est tellement bourré par les effets de la fumée, que désormais il ne prend plus la voiture ! Heureusement, il lui reste son vélo...
Pourtant, s’il y a quelque chose sur laquelle il est difficile de se tromper, avec deux échantillons de plusieurs millions à plusieurs dizaines de millions et plus encore, de tous les consommateurs de cannabis d’un côté, et d’alcool de l’autre, c’est que la consommation régulière de boissons alcoolisées, est incomparablement plus dangereuse que l’usage excessif de cannabis, où la différence entre les deux usages correspond à celle qu’il y a entre le jour et la nuit. L’alcool est une drogue majeure et c’est l’une des plus dangereuses qui existent sur le marché, dès lors que l’on en abuse, aussi bien pour la santé de millions d’individus (et je vous passe l’ensemble des effets cliniques) avec des milliers et des milliers de morts chaque année, que pour tous ces effets délétères sur la société, comme la violence familiale, les bagarres entre buveurs, ou les meurtres stupides et crapuleux, sans compter tous les accidents de toutes sortes, et de bien d’autres choses encore. Tandis que le cannabis, malgré toutes les bêtises les plus grossières véhiculées à son sujet — qui ne sont jamais vérifiées —, malgré la prohibition, cela reste une drogue mineure qui comporte bien peu de danger pour la santé de ses consommateurs (et encore moins de ses voisins !), même avec une forte consommation. De sorte que les fumeurs de joints (à l’exclusion de tous ceux qui fument en même temps qu’ils mélangent ou consomment différentes autres substances) ont bien peu de problème de santé, n’ont aucune maladie chronique liée au cannabis et en conséquence, ils ne remplissent pas les cimetières à cause d’un abus de joints, comme c’est malheureusement le cas avec l’alcool. Aussi le cannabis, quand il est de bonne qualité, est un précieux médicament qui fait la nique à beaucoup de produits de merde issus de l’industrie pharmaceutique, avec des effets secondaires particulièrement agréables et sans danger, contrairement aux médicaments, dont nombre d’entre eux se sont révélés dangereux, avec des effets secondaires redoutables, malgré tous les tests effectués et leurs autorisations de mise sur le marché.

Assez de mensonges

Précisons aussi, pour ne rien oublier, que les fumeurs de cannabis ne sont pour rien dans les problèmes de santé, personnels ou ceux des autres (à l’exclusion des produits frelatés, l’une des conséquences de la prohibition) ou dans leur mise en danger, malgré la mise en scène — très réussie d’ailleurs — sur le danger du cannabis au volant, qui est un problème bien plus fantasmé que réel. Les conducteurs cannabinophiles sont parmi les usagers de la route ceux qui présentent un moindre danger, comme le prouve tous ceux qui ont tous leurs points sur leur permis, avec le bonus maximum auprès de leurs assurances. D’ailleurs, il ne peut en être autrement. Dans ce cas-là, la statistique est imparable, d’autant qu’elle ne peut être contestée par personne. Une statistique qui nous montre comment les deux courbes ont évoluée à l’opposé l’une de l’autre, et qui démontre de la sorte qu’il n’y a aucune corrélation entre les deux. Ainsi, la courbe des morts au volant a diminué de manière constante depuis 1972, alors que l’on était à cette époque, tout juste au début de la consommation massive de cannabis dans notre pays. Une consommation qui va grimper en flèche et s’amplifier d’années en années. Dès lors, comme ces deux courbes sont complètement contradictoires, elles prouvent, sans contestation possible, qu’il n’existe pas de rapport de près ou de loin entre usage de cannabis et accident de voiture. Au contraire, il tendrait à prouver que le cannabis est plutôt bénéfique pour la conduite d’une voiture... mais, chut ! Cela ne doit pas se dire, et pourtant, ces deux courbes innocentent complètement le cannabis.

Ne pas se voiler les yeux

Après ces nécessaires mises au point, revenons aux propos de l’ami Anvélaut sur les relations, telles qu’il nous les a révélées, entre une volonté de libéralisation des drogues et sa vision rigide de la société. Le plus rigolo, c’est donc cette comparaison avec la libéralisation de l’économie, une comparaison qui est complètement à côté de la plaque, car il voit les choses au contraire de ce qui se passe ; alors que c’est la prohibition qui a été le moteur essentiel de toute cette libéralisation débridée de l’économie, qui s’est faite à l’image du marché noir des drogues et de son fonctionnement, de cette image que nous impose la pensée prohibitionniste par tous ses relais dans les médias. Pour autant, celle-ci n’est pas plus claire, en revanche, elle est bien plus intéressante, car elle nous montre, qu’à La Décroissance comme tant d’autres, on préfère se voiler les yeux sur certains sujets comme celui-ci, afin de ne pas regarder toutes les réalités en face. Des vérités qui dérangent au point qu’il existe une sorte d’omerta sur le sujet. Alors que, probablement, c’est la pire des tares de la prohibition des drogues, avec l’impact économique considérable que ce système pervers produit sur l’économie légale, au point de la vampiriser totalement, avec des apports de capitaux gigantesques, acquis par des millions de petites mains de par le monde avant de remonter vers les sommets de la pyramide politico-mafieuse. Ce qui est donc devenu l’un des tous premiers commerces au monde — probablement le premier, mais il n’est pas possible d’avoir des statistiques fiables sur un phénomène clandestin, constitué par des fortunes bien plus énormes que tous les faux chiffres qui nous sont donnés par ceux-là même qui en profitent — et qui sont réinjectés dans l’économie légale par des systèmes financiers qui ont été créés progressivement pour cela : pour lessiver des capitaux afin de les rendre plus blancs que blanc. Dès lors, il ne faut pas s’étonner de ce qui arrive et de la situation actuelle, qui pousse le monde à la faillite et à sa ruine. La prohibition, avec ces dizaines ou centaines de milliards générés chaque année, a permis le passage progressif d’une économie capitaliste dominatrice à une économie purement mafieuse, où l’aspect financier est toujours prioritaire par apport à la production — quitte à la faire disparaître —, dont les mafias se contrefoutent. C’est ce qui a poussé ces nouveaux actionnaires aux capitaux illimités, tout à la fois autistes et sans scrupules, d’exiger jusqu’à 15% de rentabilité annuelle, au point de mettre en péril tout le secteur productif. Un taux de spoliation qui s’est imposé parce qu’une grosse partie de l’économie légale est tenue par des mafieux en col blanc, qui sont parvenus au plus haut sommet du pouvoir comme Berlusconi en Italie ou Uribe en Colombie, qui ont envahi tous les secteurs de la politique, des affaires, de l’industrie et des médias, qui ont bien sûr pris l’habitude de travailler avec des marges bien plus considérables… L’économie est à cette image, celle d’une domination politico-mafieuse qui s’appuie sur les entreprises transnationales ; il n’est pas possible de comprendre ce qui se passe aujourd’hui, afin de proposer des solutions adéquates, sans tenir compte de ce phénomène qui est complètement sous-estimé par les économistes, qui trop souvent n’existe même pas dans l’étude de l’économie et de ses dérives.
La prohibition a eu un impact considérable sur l’économie de la plupart des pays du monde, par le volume démentiel des capitaux issus de cette économie parallèle qui a investi une grande partie de l’économie réelle depuis quelques dizaines d’années. Refuser d’en voir les conséquences, c’est se voiler la face, notamment parce que ce système pervers a précipité à la longue toute la production dans le cours terme, le consommable et le gâchis le plus total, par rapport à une vision plus saine, plus locale et plus durable des choses. (de l’économie.( ?))

Des propos inquiétants

En fin de compte, il est donc amusant de la part de Raoul, pour tenter d’enfoncer le clou, de mettre en exergue un Daniel Cohn-Bendit comme l’étendard de la fumette, alors que chez cet opportuniste de première bourre ce n’est qu’un positionnement, qui paie électoralement parlant, mais qu’il aurait tout aussi vite fait d’oublier à l’appel d’un ministère, comme le premier Kouchner venu. En vérité, il n’est pas un véritable antiprohibitionniste : il est juste pour la libre “fumette”, ce qui n’est pas loin de la situation actuelle, et c’est bien pour cela qu’il se garde de fréquenter les antiprohibitionnistes, qui dénoncent la prohibition pour ce qu’elle est.
Au final, pour finir en beauté, comme nous l’avons vu plus haut, Raoul Anvélaut nous fait le coup de la culture de l’interdit : cette méthode d’apprentissage à la fois obsolète et rétrograde qui serait structurante pour l’adolescent, alors que c’est pourtant la pire des éducations que l’on peut donner à ses enfants. C’est une éducation de la soumission qui aboutit souvent au contraire du but recherché et parfois au pire, une méthode qui est digne des parents les plus réactionnaires. Ainsi il y a de quoi s’inquiéter de la vision idyllique que prônent certains dans La Décroissance, surtout lorsqu’il s’agira de sa mise en œuvre. Quant à penser que dans ces conditions son enfant va se contenter de fumer du shit… Alors que ce système pousse à consommer tout ce qui se trouve sur le marché clandestin, tout ce qui est stigmatisé au mépris de la réalité — comme l’est le cannabis —, avec des risques bien plus conséquents que celui de fumer des joints, qui sont dans ce cas presque uniquement des risques policiers. Seulement, la plupart des problèmes liés à l’interdiction de drogues bien plus dangereuses, surtout lorsque cela passe par une consommation sans contrôle et sans limite, sont trop souvent mis sur le dos du cannabis, qui sert un peu trop souvent de cache-sexe aux problèmes de la prohibition de toutes les drogues.

Il faut choisir son camp

Ainsi, avant de conclure, il me vient l’envie de donner un dernier conseil. Il serait tout de même plus plaisant que Raoul nous ponde dans La saloperie que nous n’achèterons pas ce mois-ci, quelques pour nous déconseiller de l’achat, par exemple, d’un nouveau EPR, puis aussi de quelques Rafales supplémentaires à ne pas mettre dans notre jardin, et encore renoncer aux chars Leclerc ou d’envoyer le porte-avions Charles de Gaulle directement à la ferraille plutôt que d’en acheter un second. Voilà bien des saloperies qui tachent, qui tuent et qui salopent, et qui méritent d’être dénoncées pour ce qu’ils sont : des parasites ! D’ailleurs, sur ce dernier point, je trouve La Décroissance timorée sur la question des armes, de l’armée et de la guerre, qui ont été bien tardivement évoquée, alors qu’elle me semble une question primordiale, où le gâchis à grande échelle est roi, dont les conséquences sur l’écologie et l’environnement, notamment dans les nouvelles guerres coloniales, sont des catastrophes absolues. Mais c’était sans compter avec la digression surréaliste de Paul Ariès, à propos d’un rapport concocté par des militaires, bien qu’il désapprouve les solutions proposées, il en approuve néanmoins le point vue initial, comme si derrière ces considérations militaires, alors qu’ils sont l’une des plaies de la planète, et qui ce secteur est largement financé par le trafic de drogues, alors qu’il ne constitue qu’un innommable gâchis et que le secteur militaire est l’un des principaux responsables de la catastrophe écologique.

Autrement, comme il n’y a pas que ce genre d’article, nous devons remercier La Décroissance pour son papier sur ce qui passe dans le réseau Sortir du nucléaire, que je soutiens depuis des années, même si j’ai guère le temps de m’en occuper pour actuellement. Voilà bien un sujet d’inquiétude, où le rédacteur dénonce avec raison l’entrisme de pro-nucléaire déguisés en militants écolos. Des infiltrés qui veulent se débarrasser de son porte-parole, Stéphane Lhomme, alors que c’est quelqu’un de remarquable, qui a été le véritable moteur de la lutte contre le nucléaire en France depuis des année. Et que son expulsion aujourd’hui de son poste, signifierait la victoire du lobby pro-nucléaire qui a attendu son heure, mais qui n’avait pas dit son dernier mot.

Alors, comme il faut choisir entre le joint et la prohibition, il faut toujours se souvenir qu’une grosse partie du trafic de drogues est directement liée au commerce et au trafic d’armes, ce qui permet de faire vivre et prospérer ce commerce mortifère, et autrement, que l’argent du trafic est entre autre blanchi dans les comptes des grandes compagnies pétrolières, comme dans ceux de nombreuses transnationales. Il serait temps d’en prendre conscience et faire ensemble tout le nécessaire pour que cela cesse, plutôt que d’opter pour une position infantile, qui est, sur ce point essentiel de l’avenir de la planète et de la démocratie, dans la même ligne que celle prôner par les prohibitionnistes qui nous gouvernent.

Il faut donc choisir son camp, entre prohibitionniste qui veulent une planète à leur image, celle de la guerre, de la misère et du chaos, et ceux qui veulent en finir avec tout ce système mafieux qui bousille la planète, pour s’enrichir plus et dominer le monde, sinon, à refuser d’en tenir compte, c’est prendre le risque de pédaler dans la semoule !

Voir en ligne : Pour lire le Contrepoint (1)

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