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Revue de presse : la politique des Drogues dans les médias

Revue de presse du 1er novembre au 19 décembre 2010

Revue de presse du 1er novembre au 19 décembre 2010

Principales sources : Libération, Le Monde, Rue89, Courrier International

* SIDA, HEPATITES :

- A l’occasion du 1er décembre, les (mauvais) chiffres du sida dans les pays dépourvus de programmes de réduction des risques [mais il y avait peu de choses dans la presse, étrangement]

* POLITIQUES PUBLIQUES – INTERNATIONAL :

- Le Rapporteur spécial sur le droit à la santé de l’ONU lance un appel pour un changement fondamental de la politique des drogues ;

- Le PORTUGAL, qui a voté il y a dix ans une loi décriminalisant l’usage de stupéfiants, affiche aujourd’hui l’une des plus faibles consommations de drogues de l’Union européenne

* POLITIQUE PUBLIQUE – FRANCE :

- Une note publiée par l’OFDT (Observatoire français des drogues et de la toxicomanie) témoigne de l’ampleur des politiques répressives en France ;

- Jean-Paul Jean, Avocat général à la cour d’appel de Paris, décrypte les transformations de la politique criminelle envers les usagers de stupéfiants depuis la loi du 5 mars 2007 ;

- Cinq textes ou tribunes ont appelé ces dernières semaines dans la presse à réviser les politiques des drogues : après un « éloge du laxisme » dans Libération, on a pu lire quatre tribunes signées successivement par le Centre d’études pour la sécurité dans la démocratie (CESD), Sameer Ithier, médiateur social dans les quartiers nord de Marseille, Anne Coppel, sociologue, puis Anne Souyris (co-responsable du projet 2012 d’Europe Ecologie-Les Verts) et Marine Tondelier (porte-parole des Jeunes Verts)

* CONSOMMATION :

- Le Rapport annuel 2010 de l’Observatoire européen des drogues et des toxicomanies souligne notamment l’évolution du marché des stimulants et du cannabis et l’apparition continue de « legal highs » ou « euphorisants légaux » ;

- Une équipe du Laboratoire de santé publique et environnement (université Paris-Sud) publie les résultats de la première étude française sur la présence de drogues dans les eaux usées de 10 stations d’épuration.

* PRODUITS :

- La méphédrone est désormais interdite dans l’Union Européenne

* REDUCTION DES RISQUES :

SALLES DE CONSOMMATION :

- A Barcelone, quatre salles ont ouvert entre 2003 et 2005 ; Après Bordeaux et Marseille, la ville de Toulouse a voté à la quasi unanimité le principe de l’ouverture d’une "salle de shoot" ;

- L’ Assemblée nationale et le Sénat lançaient début décembre une mission d’information parlementaire commune sur les toxicomanies ;

- Les responsables PRG et Verts au Conseil régional d’Ile-de-France ont annoncé "leur souhait de défendre la participation du conseil régional à une expérimentation [de salle de consommation] dès 2011" ;

HEROINE MEDICALISEE :

- La ville de Liège, en Belgique, ouvre un programme d’héroïne médicalisée ;

ECHANGE DE SERINGUES EN PRISON :

- Les prisonniers français sont toujours privés de seringues stériles

* PREVENTION :

- Contre les drogues, le Tour de France en camping-car de Delarue ;

- La MILDT, associée à NRJ et Warner Music France, a choisi les trois lauréats de son concours de projets de sensibilisation des jeunes contre les drogues.

* AIDE AUX PARENTS :

- La Fondation de France organisait mi-novembre un colloque destiné à aider les familles des jeunes consommateurs de drogues.

* TRAFIC, POLICE, JUSTICE, etc. :

- Beaucoup de presse autour de la série de règlements de compte mortels en novembre à Marseille, puis des annonces et descentes policières qui y ont fait suite ;

- En Seine-Saint-Denis, 8% des halls d’immeubles du parc d’habitat social seraient squattés par des trafiquants de drogues ;

- A Sevran les autorités, après avoir tout essayé, envisagent de dynamiter une tour pour régler les problèmes de deal dans un quartier ;

- Un fermier qui donnait du cannabis à ses canards prend un mois de prison avec sursis ;

- Une Française a été arrêtée à Sao Paulo avec 9 kilos de cocaïne ;

- La culture de cannabis se professionnalise en France ;

- Comment des bouchers peuvent-ils devenir dealers ? ;

- 110 kilos de cocaïne saisis chez un particulier à Neuilly-sur-Seine.

*

INTERNATIONAL : ROYAUME-UNI :

- La future élite se défonce sur les plages thaïlandaises ;

- Au VIET NAM les enfants des familles fortunées savent très bien dépenser leur argent ;

- PORTUGAL : Un culte brésilien basé sur l’absorption d’un breuvage hallucinogène séduit la classe moyenne lisboète ;

- BRESIL : La police fait le ménage dans les favelas de Rio ; Une guerre sans vainqueur qui paraît sans fin : « Avoir la police qui tue et meurt le plus dans le monde ne résout rien » ;

- COLOMBIE : Le foot lave plus blanc ;

- MEXIQUE : Plus de 30 de journalistes enquêtant sur les cartels ont disparu depuis quatre ans ; 61 agents américains luttant contre les trafiquants de drogue ont été assassinés entre 2007 et 2009 ; Le trafic de drogue a coûté la vie à plus de 28 000 personnes dans le pays depuis décembre 2006, date de l’arrivée au pouvoir du président Felipe Calderón ;

- PAKISTAN, AFGHANISTAN, RUSSIE et TADJIKISTAN ont créé un "quatuor centrasiatique anti-drogue" ;

- ITALIE : coup de filet contre la ’Ndrangheta : 77 personnes visées par des mandats d’arrêt ; Une circulaire demandant au personnel d’un hôpital de ne pas sniffer de cocaïne durant ses heures de service cause du tort à son directeur ;

- ETATS-UNIS/ BOLIVIE : discorde diplomatique autour de la coca ;

- ETATS-UNIS : L’Arizona est le 15e Etat à avoir légalisé l´usage médical du cannabis ; La Californie en route vers une légalisation du cannabis en 2012 ? ;

- Le MOZAMBIQUE serait devenu "la deuxième place africaine la plus active pour le transit des narcotiques" ;

- ALLEMAGNE : Un plant de cannabis de deux mètres de haut décoré en arbre de Noël a été saisi chez un « vieux soixante-huitard » ; Les autorités mettent en garde contre les dangers des « drogues légales » ;

- La THAILANDE annonce une nouvelle campagne anti-drogue ;

- GUATEMALA : L’état de siège a été décrété pour lutter contre le trafic de drogue ;

- Les PAYS-BAS débattent d’un passeport cannabis qui serait réservé aux Néerlandais de façon à limiter l’approvisionnement transfrontalier.

* DROGUES LEGALES :

- Le prix du TABAC a augmenté de 6% début novembre ;

- Une mort sur cent à travers le monde serait imputable au tabagisme passif ;

- Les buralistes frontaliers ont eu beau manifester, les sénateurs ont décidé -contre l’avis de l’Assemblée- de supprimer les restrictions à l’achat de tabac à l’étranger, pour suivre les recommandations européennes ;

- Les hommes fument moins qu’il y a vingt ans, pas les femmes ; I-DOSER : Un site de fichiers audio prétend reproduire les sensations des vrais stupéfiants.

* FILMS :

- Mon Père, Francis le Belge, livre de la fille du caïd marseillais tué en 2000, a été adapté à l’écran par Canal+ ;

- Sortie en DVD du documentaire de Damien Raclot-Dauliac, Heretik - We Had A Dream, qui retrace l’histoire des freeparties et les débuts de la techno en France.

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SIDA, HEPATITES

Le sida en Europe de l’Est

LE MONDE 08.12.10

Personnes vivant avec le VIH En Europe orientale et en Asie centrale, le nombre de personnes porteuses du virus du sida a presque triplé entre 2000 (530 000 personnes) et 2009 (1,4 million).
Décès liés au sida : Ils ont été multipliés par quatre en moins de dix ans, passant de 18 000 en 2001 à 76 000 en 2009.

Pays les plus touchés : La Fédération de Russie et l’Ukraine concentrent près de 90 % des nouvelles infections déclarées. De 2000 à 2009, le taux d’incidence du VIH a augmenté de plus de 25 % dans cinq autres pays : l’Arménie, la Géorgie, le Kazakhstan, le Kirghizistan et le Tadjikistan.
Causes de l’infection Dans cette région du monde, l’épidémie de sida se concentre sur les consommateurs de drogues injectables, les prostitué(e)s et, dans une moindre mesure, les homosexuels hommes. En Russie, où l’on recense 1,8 million d’usagers de drogues injectables, 37 % vivent avec le virus.

POLITIQUES PUBLIQUES – INTERNATIONAL

Déclaration commune de l’ONUDC et de l’OICS sur le système international de contrôle des drogues, la santé et les droits de l’homme. [Texte mis en ligne sur le site de l’International Drug Policy Consortium le 30 novembre 2010] :
« Rapport thématique du Rapporteur spécial sur le droit à la santé.
« Le Rapporteur spécial sur le droit à la santé lance un appel pour un changement fondamental de la politique des drogues.
« Anand Grover est le Rapporteur spécial sur le droit qu’a toute personne de jouir du meilleur état de santé physique et mentale possible, dont le mandat émane du Conseil des Nations Unies sur les Droits de l’Homme. Le rapport annuel thématique de M. Grover énonce les violations des droits de l’homme qui ont résulté des politiques internationales de contrôle des drogues illicites.
« Ce rapport est la déclaration la plus claire à ce jour, à l’intérieur du système des Nations Unies, sur les dommages que la politique des drogues a causé sur la société, et sur la nécessité de changer fondamentalement la politique des drogues.
« Télécharger le rapport ici : http://idpc.net/fr/publications/anand-grover-thematic-report-right-to-health-fr OU http://www.cannabissansfrontieres.org/et-si-l-onu-sortait-de-son,383.html

Au Portugal, la drogue est une affaire de santé

LIBERATION 19/11/2010 - Par FRANÇOIS MUSSEAU Envoyé spécial à Lisbonne (Portugal)

Le pays affiche aujourd’hui l’une des plus faibles consommations de drogues de l’Union européenne après la vote, il y a dix ans, d’une loi décriminalisant l’usage de stupéfiants.

Il est entré avec la mine déconfite et le regard fuyant de celui qui a été pris en faute. Joao - appelons-le Joao - est jardinier municipal. La veille, des policiers l’ont surpris dans les toilettes du square qu’il bichonne, en flagrant délit de chinesa - l’équivalent portugais de la « chasse au dragon » qui consiste à inhaler des vapeurs d’héroïne. Comme dans n’importe quel pays, Joao a dû passer au commissariat pour y faire une déposition. Mais ensuite, au lieu d’avoir à faire au ministère de la Justice, on lui a donné « rendez-vous » avec le ministère de la Santé : les flics l’ont dirigé vers une commission dite « de dissuasion » où l’accueilleront une équipe de psychologues, un juriste, un sociologue et des assistants sociaux. Joao disposait de soixante-douze heures pour s’y rendre. Il n’a laissé passer qu’une journée. Ce matin, le voici donc qui déboule, de lui-même, dans les locaux de la commission, au centre de Lisbonne. Il passe trois entretiens successifs. On conclut bientôt qu’il est toxicomane.

Le trafiquant reste un criminel

« Dans un autre pays, on le considérerait comme un délinquant, passible d’une peine de prison. Au Portugal, c’est un patient. Les policiers et les juges n’ont pas leur mot à dire. C’est nous qui sommes en charge de son cas. Nous, les professionnels de la santé. » Vasco Gomes, psychologue, la trentaine avenante, n’est pas peu fier de diriger la commission de dissuasion de la rue José-Estevao, à Lisbonne. C’est la plus importante des 20 commissions que compte le Portugal (il y en une par province) : elle traite 2 000 dossiers par an. Dont 70 % de consommateurs de haschisch, 10 % de cocaïnomanes, 8 % d’héroïnomanes, les autres prenant de l’ecstasy et autres drogues synthétiques.

Le cas de Joao n’est pas des plus faciles. Père de famille, jardinier, il avoue se shooter à l’héroïne dans des toilettes publiques depuis environ huit ans, deux à trois fois par jour, en cachette bien sûr. « Avant de l’envoyer dans un de nos centres de désintoxication, on va l’intégrer dans un groupe de motivation : tant qu’il n’aura pas la volonté d’arrêter, cela ne sert à rien de le traiter »,dit Vasco Gomes.

Au chapitre de la lutte contre la toxicomanie,le Portugal est un cas unique en Europe. Depuis la loi votée il y a dix ans, en novembre 2000, et entrée en vigueur un an plus tard, l’achat, la possession et l’usage de stupéfiants pour une consommation individuelle ont été décriminalisés. Toutes les drogues sont concernées : du haschisch à la coke en passant par l’héroïne. Cette législation ne doit rien à l’exemple néerlandais, pourtant célèbre. Là-bas, point de décriminalisation de l’usage des drogues, seulement une tolérance, qui ne concerne d’ailleurs que la marijuana : on peut en consommer, certes, mais seulement dans les coffee-shops titulaires d’une licence. « Notre révolution au Portugal a consisté à changer le regard porté sur le drogué : il n’est plus un salaud qu’il faut envoyer au tribunal puis en prison, dit le psychiatre Nuno Miguel, un des instigateurs de la loi, mais un malade. Et en supprimant la différence entre consommation de drogues douces et dures, nous disons que le problème n’est pas la substance en elle-même, mais la relation à la substance. » En clair, le toxicomane est un patient qui doit être soigné. Le trafiquant est un criminel passible de sanctions pénales qui restent inchangées.
Encore faut-il distinguer le trafiquant de l’usager lors d’une arrestation… Celui qui est pris en possession de plus de dix jours de consommation (1 gramme d’héroïne, 2 grammes de cocaïne, 5 grammes de haschisch ou 2 grammes de morphine) est considéré a priori comme un trafiquant. Et, en-deçà, comme un usager qui sera dirigé vers une commission de dissuasion. Commission bien nommée, puisque l’essentiel de sa mission est de dissuader les consommateurs occasionnels, les plus nombreux, de récidiver. Par un entretien, ou alors, s’il y a récidive, en sanctionnant l’infraction par une amende, voire un travail d’intérêt collectif. Quant au toxicomane, qui n’a plus aucun moyen d’entendre raison et de contrôler sa consommation, il sera dirigé vers un des 63 centres de désintoxication mis en place au Portugal au fil des vingt dernières années.

Là, il sera pris en charge par des psychologues et des médecins. Gratuitement.
Bilan de cette politique ? En avril 2009, huit ans après l’implémentation de la loi, un rapport du Cato Institute, l’un des plus influents think tanks américains, décrit la réalité portugaise comme « un succès retentissant ». Analysant les données européennes et portugaises, il fait apparaître que le pourcentage d’adultes prenant des drogues au Portugal est devenu l’un des plus faibles de l’Union européenne : 11,7 % consommateurs de cannabis contre 30 % au Royaume-Uni, 1,9 % prennent de la coke contre 8,3 % chez le voisin espagnol. Les 100 000 héroïnomanes d’avant la loi ne sont plus que 40 000. Et la proportion des 15-19 ans qui se droguent est passée de 10,8 % à 8,6 %. A la fin des années 90, la drogue était la première préoccupation des Portugais, elle se situe désormais à la 13e place…

Certes, le Cato Institute est proche des « libertarians », ces Américains hostiles à toute intervention de l’Etat, y compris dans le domaine des drogues. Mais il fait l’effet d’une bombe. Le Portugal est devenu le laboratoire de la lutte contre la toxicomanie en ce début du XXIe siècle où des sommités (dont l’Espagnol Felipe González) proposent de décriminaliser le commerce des drogues afin d’affaiblir les mafias qui vivent - et tuent - pour en maîtriser le trafic.

« Tout n’est pas parfait »

« Et alors, ça marche vraiment votre système » Cette question, Joao Goulao, directeur de l’Institut des drogues et de la toxicomanie (IDT), chargé de la mise en œuvre de la réforme, ne cesse de l’entendre ces temps-ci. Elle lui est posée par des parlementaires, des experts, des médecins de toute l’Europe. La décriminalisation « à la portugaise » est abordée au Parlement britannique, les Norvégiens parlent de voter une loi similaire… Héraut de la réforme, Joao Goulao modère les enthousiasmes : « La consommation de hasch reste importante, la coke suit le boom en Europe, les morts par overdose sont toujours nombreuses. Et, surtout, notre système n’est pas exportable car il est le fruit d’un long processus. Mais notre réussite, c’est d’avoir changé l’image de la toxicomanie : c’était une fatalité, banalisée au point de faire partie du paysage portugais. Elle est devenue une pathologie. »

L’autre réussite, c’est l’absence de remise en cause de la loi depuis son vote. Même la droite dure de Paulo Portas qui prophétisait, en 2001, « des biberons remplis d’héroïne » et « des hordes de jeunes drogués européens venant se piquer au Portugal » se tait aujourd’hui. La catastrophe annoncée n’a pas eu lieu, le narcotourisme n’a pas déferlé. Et puis, la loi a permis de faire des économies. « L’effort sanitaire induit par la réforme - unités thérapeutiques, centres de désintoxication, commissions de dissuasion, internats pour toxicos, etc. - coûte 75 millions d’euros par an, dit Joao Goulao. Ce n’est rien dans le budget du ministère. Et sans doute très inférieur à ce que coûterait l’activité judiciaire et pénitentiaire que la loi a supprimée. On est en train de faire les calculs pour le vérifier. »

Le Portugal n’est pas pour autant un éden ignorant l’enfer de la drogue. Dans de nombreux quartiers de Lisbonne, à Quinta do Mocho, Chelas ou Cova da Moura, les trafiquants besognent activement. C’est même le cas à Casal Ventoso, en face du parc Monsanto (le poumon vert lisboète), l’ancien « supermarché de la drogue » rasé par les autorités. Ce dimanche après-midi, des dizaines d’acheteurs y défilent en voiture, les dealers vendent sans se cacher, et pas l’ombre d’un flic ou d’une unité de soins mobile à l’horizon ; en contrebas, dans une décharge jonchée de seringues usagées, on se pique à l’héroïne…

Luis Patricio fulmine : « Malgré tout le mal qu’on s’est donné, voilà que Casal Ventoso reprend du service ! » Luis Patricio est psychiatre, un autre « père » de la loi, venu à Casal Ventoso faire du « terrain ». « La vérité, c’est qu’on a relâché l’effort. Aujourd’hui, dans les centres, des médecins distribuent de la méthadone à l’aveuglette en se fichant pas mal du suivi psychologique des patients. Ça me rend fou de rage ! » A côté de lui, un de ses patients, Venâncio, ancien héroïnomane traité au Subutex depuis douze ans, témoigne : « Je vis ici, et il en faut de la volonté pour ne pas retomber. »
Dans le quartier d’Intendente, tout le long de la rua dos Anjos, les dealers se mêlent aux prostituées. Ici, un car de police fait le guet, et le trafic est plus discret. Dans une ruelle adjacente, Sandra, 47 ans, fume une pipe de cocaïne. Prostituée, « accro à la coke depuis toute jeune », elle se fiche de la loi, et des centres de désintoxication : en 2002, elle a été interpellée comme trafiquante, elle a passé huit ans dans la prison de femmes de Tires, près de Sintra : « C’est en taule que j’ai pris la meilleure héro », rigole-t-elle.

Dans une autre de ces ruelles, Antonio reconnaît avoir souvent vendu de la drogue pour pouvoir acheter celle dont il a besoin : « Dans les années 80, j’ai pris des années de taule pour 3 grammes de hachich. Aujourd’hui, avec la loi, ça ne m’arriverait pas. » Antonio est sous Subutex, tout en consommant de la coke. « Je sais pas si je m’en sortirai, mais au moins je suis traité dans un centre, je suis reçu par des psychologues. Je ne suis plus invisible. »

Les policiers, eux, se moquent de la décriminalisation de la consommation. Ils ne voient que son impact sur le trafic, nul. Beaucoup de petits dealers jouent avec la loi, se promenant avec la quantité maximale pour éviter le tribunal, et se réapprovisionnent plusieurs fois par jour. « En réalité, on ne donne pas souvent suite aux petites affaires de drogue, dit un commissaire de police. C’est de la paperasse pour rien, et on voit repasser souvent les mêmes dealers. Et puis, on a des problèmes autrement importants, les vols à la tire et les cambriolages. » Vasco Gomes, le psychologue qui dirige la commission de dissuasion de Lisbonne, n’est pas dupe : « Je sais bien que des dealers passent par chez nous, et aussi des usagers occasionnels qui se moquent de nos conseils. Mais croyez-moi, on parvient à en dissuader plus d’un, en discutant, en imposant des petits travaux communautaires : nettoyer des graffitis, ramasser des seringues usées, faire du bénévolat dans un centre de désintoxication… »

« Tout n’est pas parfait, loin de là, convient le psychiatre Nuno Miguel. C’est vrai que les trafiquants rusent avec le système. Mais, les toxicomanes sont mieux pris en charge. Ce n’est pas seulement grâce à la loi, mais à ce formidable arsenal sanitaire qu’on a mis en place depuis vingt ans et sur lequel la loi a pu s’appuyer. Il est là, le succès portugais. »

Drogues : prévention plutôt que prison, clé du succès portugais

RUE89 - Par Lisa Louis | journaliste | 27/11/2010 

(De Lisbonne) Alors que le gouvernement français s’oppose à l’introduction de salles de shoot en France, le Portugal, réputé pour être un pays conservateur, a depuis longtemps libéralisé sa politique anti-drogue.

C’est le seul pays européen à avoir décriminalisé la consommation de toute sorte de drogues pour des « raisons humanistes ». Les toxicomanes y ont un accès facilité aux traitements et se voient moins stigmatisés.

Le Portugal semble un lieu improbable pour une politique progressiste de drogues. Avec la Révolution des œillets en 1974, le pays sort de quarante ans sous la dictature de Salazar, dans un quasi-sommeil de Belle au bois dormant. Commercialement coupé du reste de l’Europe qui se trouvait en fortes expansion et modernisation, ce régime était basé sur la devise « Dieu, Patrie, Famille ».

Une influence qui, de nos jours, est reflétée dans des valeurs d’une société profondément conservatrice : presque 9 habitants sur 10 sont catholiques, des fêtes religieuses constituent un événement majeur et le pays reste très attaché à ses coutumes et cuisine traditionnelles.

Cependant, côté politique anti-drogue, ce pays a beaucoup d’avance. Certes, d’autres pays européens comme les Pays-Bas tolèrent de facto la consommation de drogues considérées moins dangereuses, comme le cannabis, mais ne l’ont jamais formellement décriminalisée.

Des commissions de dissuasion des drogues pour les toxicomanes
Dans le système portugais, le toxicomane est considéré comme un malade, non pas comme un criminel. Luis Ramos peut en témoigner. Ce Lisbonnais aux cheveux noirs a un lourd passé de drogué derrière lui. Tout commence à l’âge de 14 ans, quand il fume son premier pétard. Peu après, il passe à l’héroïne et à la cocaïne, mélangées avec des somnifères. Il finance d’abord son addiction par des petits boulots, comme serrurier ou voiturier, avant de se lancer dans la vente de drogues. Par la suite, et probablement parce qu’il a partagé des seringues, il attrape l’hépatite B. Puis l’hépatite C. Et le Sida. En 2000, sa première thérapie de méthadone en Espagne échoue.

De retour au Portugal, il tombe de nouveau sous l’emprise des drogues. Ce n’est qu’en 2009 qu’il retrouve espoir : la police de la capitale portugaise l’appréhende et le renvoie à la commission de dissuasion des drogues (CDD) de Lisbonne. Cet organisme lui fait faire sa deuxième thérapie de méthadone, qu’il suit avec succès jusqu’à ce jour. Ainsi, ce Portugais dispose maintenant d’un logement payé par l’État et reçoit régulièrement des traitements gratuits de méthadone et contre le sida. Luis Ramos profite d’une législation qui a été introduite en 2001 en réaction aux taux de consommation de drogues très élevés des années 90.

Après la dictature, une fièvre d’expérimentation

« Cette forte consommation était une conséquence indirecte de la fin de la dictature », se rappelle João Goulão, chirurgien pédiatrique et président du conseil d’administration de l’Institut de la drogue et de la toxicodépendance à Lisbonne, qui coordonne la politique anti-drogue du Portugal : « Après la Révolution des œillets, le pays s’est ouvert au commerce international, et nous pouvions pour la première fois importer des drogues. Le résultat était une vraie fièvre d’expérimentation, surtout en ce qui concerne la consommation d’héroïne. » Parmi les 10 millions d’habitants, on comptait ainsi jusqu’à 100 000 héroïnomanes. En 1998, le gouvernement a donc mandaté João Goulão et huit autres experts pour développer une nouvelle politique anti-drogue.

Résultat, le fait de consommer des drogues ne représente plus un délit criminel mais devient une infraction administrative. Seront renvoyés devant le tribunal ceux qui portent sur eux une dose supérieure à dix jours de consommation -par exemple 25 grammes de cannabis en forme d’herbe- et soupçonnés d’être des dealers.

L’enquête juridique suspendue pour faciliter le traitement

Le simple consommateur, lui, est redirigé vers l’une des dix-huit CDD du pays. Là, une équipe composée de psychologues et d’assistants sociaux s’enquiert de ses habitudes de consommation, de sa vie professionnelle et privée. Vasco Gomes, président de la CDD à Lisbonne, détaille la procédure : « S’il s’agit d’un consommateur récréatif et que c’est sa première infraction, nous suspendons l’enquête juridique -d’abord provisoirement, puis définitivement, s’il ne récidive pas pendant un certain temps. En revanche, pour les toxicomanes, une telle suspension n’est possible que s’ils font une thérapie. »

Un système devant « faciliter l’accès aux traitements et non pas pour stigmatiser les toxicomanes ».

Ana (le prénom a été modifé), étudiante en hôtellerie à Porto, dans le nord du pays, a bénéficié de ce principe de clémence. Il y a quelques années, la police l’a appréhendée avec quelques amis en possession d’une quantité de haschisch sous le seuil critique. Ce groupe de jeunes a ensuite été reçu l’un après l’autre par l’équipe d’une CDD. Aujourd’hui âgée de 23 ans, Ana explique : « Je me sentais vraiment bien accueillie. De plus, cela m’a fait prendre conscience des conséquences potentielles de mes actes. Maintenant, je réfléchis avant d’accepter un joint. »

Des chiffres bons, mais des experts qui restent prudents

Les chiffres confirment ce jugement positif :

entre 2000 et 2008, le nombre de patients dans les unités de traitement a augmenté de presque un tiers.

la stigmatisation des toxicomanes diminue.

entre 2001 et 2007, les dits « taux de continuité de consommation de drogues » -le pourcentage de gens qui ont consommé une certaine drogue pendant la dernière année- ont diminué pour presque toutes les drogues.
les nouveaux cas de sida en rapport avec une toxicodépendance ont baissé de trois quarts entre 2001 et 2008.

Un succès de la politique de dissuasion ? « Pas forcément », souligne Brendan Hughes, du Centre européen d’observation des drogues et de la toxicomanie : « On ne peut parler d’un lien de causalité direct, car, scientifiquement, il est impossible de prouver que les chiffres ont baissé grâce au dispositif en place. En revanche, il est intéressant que la consommation des drogues ne soit pas montée en flèche comparée à d’autres pays en Europe. » Et ceci alors qu’une telle crainte avait été évoquée avant la mise en vigueur de la législation actuelle. A l’époque, le leader du parti conservateur Partido popular Paulo Portas assurait que « des avions remplis d’étudiants européens arriveront au Portugal afin de consommer de la marihuana ou pire, parce qu’ils savent qu’on ne les mettra pas en prison ».

« Pas toujours les moyens de contrôler le respect des sanctions »

Si de tels avions n’ont évidemment jamais atterri sur le sol portugais, tout n’est pas parfait pour autant. Vasco Gomes le reconnaît : « Notre commission peut imposer des sanctions, mais n’a pas toujours les moyens de contrôler leur respect -par exemple, en ce qui concerne l’interdiction de fréquenter certains lieux à risque. » Mieux vaudrait, selon lui, remplacer cette interdiction par l’obligation de réaliser des missions d’intérêt général.
Luis Ramos, lui, voit plutôt les avantages du dispositif actuel. Et pour cause :
« Aujourd’hui je ne toucherai plus aux drogues, assure-t-il sourire aux lèvres, même si elles étaient étalées devant moi sur une table. »

POLITIQUE PUBLIQUE – FRANCE

La consommation de drogue de plus en plus réprimée
Selon une étude, les interpellations et les poursuites pénales ont fortement augmenté depuis vingt ans. 

LE FIGARO – 1er/12/2010 - Par Delphine Chayet

Quarante ans après son entrée en vigueur, la loi qui punit la consommation de drogue suscite toujours la controverse, mais elle est plus appliquée que jamais. « Contrairement à ce que l’on entend souvent, la pénalisation de l’usage de stupéfiants atteint des niveaux jamais égalés en France. Au point d’être devenu un contentieux de masse », souligne l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT), dans une étude analysant l’évolution des statistiques pénales et policières depuis les années 1970.

Premier indicateur de cette tendance, les interpellations ont connu une hausse continue. En 2009, près de 140.000 personnes ont été arrêtées pour usage, contre 20.000 vingt ans plus tôt. « C’est un taux particulièrement élevé », note Ivana Obradovic, auteur de l’étude parue en novembre dans la revue Tendances. Le cannabis est en cause dans plus de neuf cas sur dix, devant l’héroïne (5%) et la cocaïne (3%). Dans le même temps, les poursuites se sont diversifiées et sont devenues quasi systématiques. En région parisienne par exemple, le taux de réponse pénale atteint désormais 92%, alors qu’il était encore de 70% quelques années plus tôt.

« Ce résultat a été rendu possible par un travail de simplification et d’accélération des procédures », analyse Étienne Apaire, président de la Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie (Mildt). Les tribunaux piochent dans une palette de sanctions sans cesse élargie : avertissement, rappel à la loi, orientation vers une consultation spécialisée ou stage de sensibilisation obligatoire et payant. Conséquence : les classements sans suite sont devenus très rares. « Quant aux condamnations, elles suivent aussi une courbe à la hausse, ajoute Ivana Obradovic. Ce n’est pas anodin parce que l’inscription au casier judiciaire entraîne l’impossibilité d’accéder à certains métiers, comme la fonction publique ou la sécurité. » En 2008, près de 13.000 usagers ont écopé d’une amende, de travaux d’intérêt général ou même d’une peine de prison ferme -soit trois fois plus que dix ans plus tôt.

Interminable polémique

En se penchant sur l’application de la loi du 31 décembre 1970, qui a créé le délit d’usage en France, l’OFDT ne va pas manquer d’alimenter une interminable polémique. Alors que la loi aura bientôt quarante ans d’existence, plusieurs associations demandent en effet son abrogation. « On a donné trop de place à la contrainte, plaide Jean-Pierre Couteron, président de l’Association nationale des intervenants en toxicomanie et addictologie. Du coup, l’école et la famille se sont désinvesties du champ de la prévention : 60% des jeunes qui consultent sont aujourd’hui orientés par la justice, avec de fortes inégalités selon les villes ou les quartiers. »

Modifiée par petites touches, la loi de 1970 n’a jamais été réformée en profondeur. Les peines prévues à l’époque -jusqu’à 3.700 euros d’amende et un an d’emprisonnement- sont toujours d’actualité. En 2003, une modernisation avait été souhaitée par Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur, mais le gouvernement avait finalement renoncé.
Selon Ivana Obradovic, de l’OFDT, « une comparaison entre les législations des pays européens montre qu’il est impossible de faire un lien entre répression et niveaux de consommation en population générale » . Étienne Apaire, de son côté, relève toutefois que « la consommation a commencé à baisser à partir de 2003 en France », au moment, selon lui, où l’interdit devenait « plus clair ».

Drogue : une répression toujours plus forte

Par Luc Bronner – libertes.blog.lemonde – 3.12.2010
http://libertes.blog.lemonde.fr/2010/12/02/drogue-une-repression-toujours-plus-forte/

Quarante ans après la loi fondatrice du 31 décembre 1970 réprimant l’usage de drogues, la répression des infractions à la législation sur les stupéfiants atteint des niveaux inédits : 160.000 interpellations ont été recensées en 2009 par les services de police et de gendarmerie, très loin de la première année d’application de la loi (2.592 interpellations), trois fois plus qu’au début des années 1990.

La note publiée par l’Observatoire français des drogues et de la toxicomanie (OFDT) témoigne de l’ampleur des politiques répressives. « La pénalisation de l’usage atteint des niveaux jamais égalés », souligne l’auteur de l’étude, Ivana Obradovic, relevant que ce constat va à l’encontre de l’idée, répandue, d’un usage de stupéfiants pas ou peu sanctionné. La nature des sanctions, en revanche, a évolué : plus systématiques, celles-ci sont moins lourdes.
L’explosion des interpellations - qui participe par ailleurs à l’explosion générale des gardes à vue en France - est largement due à l’augmentation des arrestations d’usagers de drogue, qui ont augmenté deux fois plus vite que les interpellations pour revente ou trafics. En clair, les forces de l’ordre, largement encouragés par la « politique du chiffre » mise en place par Nicolas Sarkozy lorsqu’il était ministre de l’intérieur, ont eu tendance à se focaliser sur les consommateurs. (cf. schéma dans l’article en ligne)

Ce qui s’explique : en termes d’affichage statistique, les usagers de stupéfiants présentent l’immense avantage d’offrir aux policiers des affaires résolues, puisque l’auteur de l’infraction est découvert en même temps que celle-ci… Et comme Nicolas Sarkozy a fait de la hausse du taux d’élucidation un des critères d’évaluation de sa politique, les policiers de terrain ont vite compris l’intérêt à faire du chiffre sur les usagers. Des consommateurs en nombre considérable : plus de 12 millions de personnes ont fait usage de cannabis au moins une fois au cours de leur vie. Quelque 550.000 personnes en consommeraient tous les jours. (cf. schéma dans l’article en ligne)

Mais l’accentuation de la répression ne s’est pas arrêtée à l’activité policière : en parallèle, ces dernières années, les classements sans suite pour usages de stupéfiants ont fortement régressé, passant de 29,3% des dossiers en 2001 à 8,5% en 2008 (en région parisienne). Les poursuites pénales ont augmenté (de 16% à 21,1%) mais ce sont surtout les alternatives à la poursuite (rappel à la loi, médiation pénale, injonctions thérapeutiques, etc.) qui ont progressé (de 54,7% à 70,4%).

Les sanctions prononcées sont très différentes selon la nature des infractions : des peines d’amende le plus souvent (41% des cas) pour les usagers, voire des peines de prison avec sursis total (27%). Les peines de prison ferme visent essentiellement des trafiquants ou des revendeurs. Mais des usagers continuent néanmoins d’être condamnés à la détention : 2.000 à 3.000 condamnations sont ainsi recensées par le ministère de la justice chaque année, un chiffre stable ces dernières années.

- > A lire. Le récent rapport de l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP) qui dresse une synthèse intéressante sur la répression en matière de stupéfiants

- > A relire. La drogue est-elle un problème ? Usages, trafics et politiques publiques, par Michel Kokoreff (Payot, 9 euros, 298 p.)

Cannabis : 1,2 million de fumeurs réguliers

libertes.blog.lemonde – 7.12.2010

http://libertes.blog.lemonde.fr/2010/12/07/cannabis-12-million-de-fumeurs-reguliers

Après le déluge de réactions suscité par le post « Drogue : une répression toujours plus forte », de Luc Bronner, voici une intéressante contribution de Jean-Paul Jean, avocat général à la cour d’appel de Paris, esprit éclairé et professeur associé à l’université de Poitiers. L’article est technique, et paru dans le numéro de janvier de l’AJ pénal, chez les très respectables éditions Dalloz. Pour ceux qui veulent aller plus loin que les habituels anathèmes et comprendre pourquoi l’accent est d’abord mis sur la répression systématique :

- > Les transformations de la politique criminelle envers les usagers de stupéfiants depuis la loi du 5 mars 2007 Par Jean-Paul Jean

L’Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT) a rendu publiques, en février 2010, deux études très documentées sur les évolutions des consommations des drogues illicites en France intégrant les modes de consommation et d’approvisionnement, le prix du marché des différents produits et leur diffusion dans les réseaux sociaux.

La banalisation de la consommation de cannabis y est mise en évidence, la facilité d’accès au produit en faisant le produit de loin le plus consommé, avec 1,2 million d’utilisateurs réguliers (au moins 10 consommations dans le mois), 550 000 consommateurs quotidiens, un quart des adolescents de 17 ans déclarant avoir consommé du cannabis au moins une fois le dernier mois.
La consommation de produits stupéfiants constitue un délit depuis la loi du 31 décembre 1970, puni d’une année d’emprisonnement mais intégré dans le code de santé publique depuis le nouveau code pénal afin de marquer la prééminence de la prise en charge socio-sanitaire sur la répression.

La loi n° 2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance, au milieu de multiples dispositions disparates participant à l’inflation législative, a été peu commentée dans ses dispositions concernant les réponses pénales aux usagers des drogues illicites.
Ce texte marque pourtant, comme dans d’autres domaines, une volonté de rupture. Fondée sur la théorie de la dissuasion, la priorité est désormais clairement donnée à la volonté de sanction systématique des simples usagers que le système judiciaire ne gérait pas jusque-là comme un contentieux de masse ordinaire, en essayant de façon réaliste de trouver un équilibre entre santé publique et ordre public. Faute d’études d’impact qui pourtant devraient être systématiques et resituées dans un cadre européen, toutes les conséquences de la volonté politique marquée par la loi nouvelle n’ont pas été mesurées. (...)

- > Intégralité de l’étude ici : http://libertes.blog.lemonde.fr/files/2010/12/jean-paul-jean.1291723261.pdf

Eloge du laxisme

LIBERATION 4/11/2010. Par Luc Le Vaillant, journaliste à Libération

Ce texte a failli s’intituler « Redonnons des ailes à l’angélisme. » Mais si la symbolique est agréable, avec chérubins ailés et clin d’œil à Wim Wenders, le sens est déficient. Ce titre aurait laissé entendre que l’homme est bon et que c’est la société qui le corrompt. Or il s’agit de penser au-delà du bien et du mal.
L’homme étant est un hybride de déterminismes et de libertés, on va plutôt en ces temps d’hystérie sécuritaire plaider pour une refondation de ce laxisme qui horrifie tant les pères fouettards de droite, bien sûr, comme de gauche, misère. Car il est assez affligeant d’entendre la gauche majeure et vaccinée plaider pour qu’augmente le nombre des représentants des forces de l’ordre et pour que ces brigades installent leurs campements dans les quartiers afin d’y restaurer un ordre juste. J’ai bien compris qu’il s’agit de revenir à une police de proximité. N’empêche. Le malaise enfle à mesure que la gauche responsable endosse la tenue de combat de la droite républicaine, tandis que l’UMP de Sarkozy se frontnationalise. J’ai bien peur que sous prétexte d’assurer la sécurité des plus faibles, la gauche finisse par inventer une société policière. Voici cinq pistes de réflexion à la fois jacobines et libertaires pour s’affranchir enfin des sales réflexes bastonneurs.

1. Fermer les prisons. Répétons que la prison est l’école du crime. Et que l’instauration d’établissements fermés pour jeunes délinquants revient à ouvrir des centres d’apprentissage en grande truanderie. Le port des bracelets doit être généralisé et les courtes peines bénéficier systématiquement de procédures de substitution. C’est la promiscuité inhérente aux établissements pénitentiaires qui fait office de bouillon de culture. Individualiser la sanction et consigner à domicile permettraient d’éviter la transmission des savoirs délinquants.

2. Ouvrir des hôpitaux psychiatriques. Il y aurait les brigands et les fous, les canailles et les dingues. Le distinguo n’est pas toujours criant mais la part des choses peut être faite. Une bonne partie de la population pénitentiaire relève de la psychiatrie. Détruisons les centres de détention, ouvrons des unités de soins. Qui, souvent, sont des lieux fermés. Devant les drames que peuvent créer les récidives pulsionnelles, il faut rappeler deux choses difficiles à entendre par les victimes et leurs familles. Une fois sa peine effectuée, le condamné a payé sa dette et ne peut être chimiquement dégradé contre son gré. Imposer des camisoles éternelles disqualifie toute la philosophie sanction-réparation-réinsertion à l’œuvre depuis 1945. Autre chose plus fondamentale et encore moins audible : vivre suppose une part de risque infragmentable, que Big Brother jamais n’éradiquera.

3. Nationaliser la distribution des drogues, étatiser la prostitution. Comme la prison, la prohibition déclenche des délits. Créer une régie des drogues comme il existe une régie des tabacs aurait bien des avantages. Garantie de la qualité des produits, perception de taxes, blanchiment d’une économie noire dans les quartiers, évolution des relations géopolitiques avec les pays producteurs (lire Libération du 16 décembre 2009). Idem pour la prostitution. Seul l’Etat est capable de garantir le volontariat des travailleurs du sexe, de couper l’herbe sous le pied des trafiquants d’êtres humains et de pourvoir aux besoins sexuels des hommes et des femmes afin de limiter les frustrations pathogènes.

4. Disséminer l’habitat social. Il s’agit d’en passer par un volontarisme immobilier et de proposer des logements à prix cassé aux résidents des quartiers afin de vider ces poches de pauvreté. Au-delà de l’excellente loi SRU, il revient à l’Etat de disséminer des habitats sociaux adéquats sur le territoire pour en finir avec le communautarisme de relégation. Les promoteurs seront tenus de mettre à disposition du logement social un faible pourcentage de leurs mètres carrés nouvellement construits. Pour l’ancien, la réquisition pourra s’exercer dans la même proportion. Cette politique a un coût certain et demande du temps. Mais elle peut aussi s’imposer en relais de croissance pour les entreprises du BTP (bâtiment et travaux publics).

5. Repenser le monde de l’après-travail. Il n’est pas avéré que l’oisiveté est la mère de tous les vices. Et je plaiderai volontiers pour le droit à la paresse. Mais dans notre société, l’activité reste un mode d’insertion majeur. Ennui, l’Occident repu, qui continue à faire flamber son PNB malgré les crises, est entré dans le monde de l’après-travail. Délocalisations, robotisations, etc. Si l’on veut éviter que prolifèrent frustrations, transgressions et appropriations interdites, il faut accélérer le partage du travail initié par les 35 heures et garantir des revenus d’existence à chacun. Sans cela, la machine infernale s’emballera. Déclassements, délits, répressions s’enchaîneront mécaniquement et feront monter les peurs, les angoisses et l’assujettissement à la logique policière. D’où l’intérêt de revendiquer un laxisme ailé.

Sécurité : une autre politique est possible

LIBERATION 17/11/2010. Tribune.

Par Le Centre d’études pour la sécurité dans la démocratie (CESD) Association composée de policiers, de hauts fonctionnaires, d’élus, de chercheurs et de responsables de la sécurité dans les secteurs publics et privés

Qu’a donné la politique de sécurité menée depuis huit ans ? Au départ, un reniement, celui de la police de proximité. Plus question d’endosser la priorité de la gauche, celle de la sécurité au quotidien confiée aux personnels de terrain. Place aux instructions du pouvoir central, aux polices spécialisées de renseignement, à la lutte contre l’immigration et au maintien de l’ordre. Pour quels résultats ? Policiers et gendarmes ont perdu l’appui de l’opinion et plus personne ne croit aux déclarations triomphales d’un pouvoir qui prétend avoir gagné la guerre contre les délinquants.

Il y a manipulation idéologique : prétendre que la sécurité est un droit, droit qu’apporterait un homme providentiel, maire, ministre ou président, relève de l’illusion. C’est au contraire notre droit fondamental à la sûreté qui est menacé par des gardes à vue abusives, les contrôles d’identité systématiques, les fouilles, les caméras de vidéosurveillance dans l’espace public, les fichiers en développement. La sécurité devrait être le champ idéal pour l’exercice de la démocratie dans nos quartiers et dans nos campagnes : au lieu de chercher un défenseur de notre droit à la sécurité, créons partout, localement, des « comités territoriaux de la paix publique et des droits » où élus, habitants, juges, policiers et gendarmes débattraient des problèmes et des stratégies locales, et évalueraient les résultats.

L’inflation législative des dernières années nous conduit vers une société de l’interdit qui néglige une part importante de la criminalité réelle : l’action des mafias, l’économie souterraine et la délinquance financière. Quelle est l’utilité des incriminations inventées ces dernières années ? Que le Parlement débatte plutôt de la pénalisation de l’usage du cannabis, à une époque où la détection des conducteurs sous l’emprise de stupéfiants commence à établir un niveau suffisant de contrôle. Doit-on continuer à faire chaque année 141 603 enquêtes pour consommation de stupéfiants ?

Au lieu de vitupérer contre les voyous, il faut agir contre les multidélinquants et individus violents. Que la police passe du soupçon généralisé et des vexations sur des pans entiers de la population (jeunes, immigrés, habitants de banlieues) à une action recentrée qui permette que le policier soit légitimé par sa compétence, et représente vraiment l’autorité. Sous le contrôle du juge, certains multirécidivistes recevraient des « injonctions préventives », interdictions limitées dans le temps et l’espace. Pour les violences compulsives, un traitement psychologique volontaire serait proposé dès le stade de l’enquête.

La culture du résultat devrait avoir pour objectif la diminution du nombre de victimes. Le culte de la performance fait courir les policiers après un chiffre mythique de baisse de la délinquance. Le mensonge officiel consiste à faire croire que 3 521 256 faits constatés, c’est 3 521 256 victimes. Près de 30% de l’activité des services concernent des infractions sans victime. Chercher à en diminuer le nombre, c’est faire rentrer nos services de sécurité dans une culture de protection qu’ils n’auraient jamais dû quitter.

Entendre le ministre de l’Intérieur et certains syndicats de police prendre à partie l’autorité judiciaire est insupportable. Il faut ouvrir aux magistrats les conseils de prévention, engager les juges des enfants à adapter les brigades des mineurs aux nouveaux enjeux et permettre aux policiers de faire de la médiation. Police et gendarmerie perdent leur logique de territoire et leur ancrage local. Elles n’ont plus de responsabilité ni de hiérarchie autre que la Place Beauvau. La gestion de la sécurité doit se faire à l’échelon local.

Le pouvoir actuel a confisqué à son profit le thème de la sécurité. Notre démocratie mérite que soit rendue à la police et à la gendarmerie leur vocation de service public en instaurant un contrôle démocratique qui passe par le Parlement et par le citoyen via un droit de pétition dans les comités territoriaux de la paix publique et des droits.

Dans le passé, avec l’îlotage, la formation, la gestion globalisée, la création de la police technique et scientifique, le code de déontologie, l’aide aux victimes, les contrats locaux de sécurité et la police de proximité, la gauche a montré qu’elle était une vraie force de progrès en matière de sécurité. Pourra-t-elle répondre à ces nouvelles demandes pour promouvoir avec efficacité la sécurité dans la démocratie ?

Pour venir à bout de la spirale de violence où nous sommes enfermés…

LEMONDE.FR | 08.12.10 | Point de vue.

Par Sameer Ithier, médiateur social dans les quartiers nord de Marseille
Médiateur social dans les quartiers nord de la cité phocéenne depuis plusieurs années, je constate avec amertume et colère la manière dont nos responsables ont choisi de réagir à la mort d’un adolescent et aux balles qu’on a logées dans le corps d’un enfant.

Faut-il que nos élus soient aveugles ! Faut-il qu’ils aient dévoyé la politique au point de ne pas voir, de refuser de comprendre, et de jouer leurs populistes partitions sur le dos d’une jeunesse et d’un avenir que nous partageons tous ! Et faut-il que nous soyons, nous leurs administrés, naïfs au point de croire sincères leurs déterminations et leurs chagrins ?

Car la gravité de la situation que nous connaissons ici à Marseille, et que le reste du pays connaît sous d’autres formes, mérite que l’on s’y penche avec honnêteté et que nos plus grands esprits fassent preuve de lucidité. Au lendemain du drame, les autorités ont décidé de nous envoyer un renfort de 350 CRS, et il ne fut bientôt plus question que de savoir si ce chiffre allait suffire. La clé de l’énigme fut forgée sans délai : il fallait que l’Etat réaffirme sa présence et sa force, et que la police fasse enfin ce grand ménage que tant d’ignorances et de démagogies appelaient de leurs vœux depuis si longtemps. Or il se trouve que nous savons tous, que l’on se l’avoue ou qu’on se le cache, que cette débauche de répression médiatisée n’est pas la solution. Non que la police n’ait pas son rôle à jouer bien sûr, non que la répression soit inutile, là n’est pas le fond de la question. Personne ne peut nier les vertus de la sanction quand elle est réfléchie. Mais ce qui se passe aujourd’hui n’a rien à voir avec les saines obligations régaliennes incombant depuis toujours aux autorités civiles.

En effet, la mise en scène médiatique est là pour prouver que la démarche est ridicule. Que ce que cherchent nos responsables politiques, ce n’est pas la paix civile et encore moins le bien-être des habitants des quartiers sensibles. L’objectif patent de la démarche médiatico-policière n’est autre que l’utilisation des tensions urbaines à des fins politico-marketing. Alors le spectacle commence et continue, et l’on nous montre ces gardiens de la paix si fiers d’avoir trouvé une kalachnikov dans le coffre d’une Porsche Cayenne rutilante. Ils ont le sens du symbole. Ces images hurlent au téléspectateur que la violence et la délinquance qui font aujourd’hui couler le sang dans nos rues n’ont rien à voir avec la misère. Non, puisque l’arme était cachée dans une voiture dont aucun travailleur honnête n’oserait même se payer le luxe de rêver. Et la magie de l’audiovisuel opère et nous fait oublier, comme à des enfants devant le lapin sorti du chapeau vide, que les armes à feu sont indénombrables dans la ville. Que la violence d’ailleurs, celle qui nous stupéfie chaque semaine au rayon faits divers, que cette violence ne se désarme pas. Parce qu’elle est un fait social en expansion et que les sources auxquelles elle s’abreuve ne sauraient être taries ou seulement découvertes par des hommes et des femmes dont la seule préoccupation porte les noms d’audimat et d’intention-de-vote.

C’est donc en toute humilité que je souhaite ici apporter mon témoignage et mon analyse. En faisant taire la colère et l’amertume du mieux que je le peux. Pour venir à bout de la spirale de violence où nous sommes enfermés, je ne vois que deux axes de travail :

Le premier porte sur la légalisation et l’encadrement citoyen du cannabis et de la marijuana. On ne le répètera jamais assez, la consommation de ces stupéfiants concerne à l’heure actuelle l’ensemble de notre corps social. On peut fumer trop ou avec modération, on peut fumer seul ou en groupe, on peut se détruire ou se détendre avec le THC, mais tous ces comportements et ces usages ne diffèrent en réalité qu’assez peu de ce que l’on connaît avec l’alcool.

La France fume donc à grande échelle, ni plus ni moins qu’elle ne boit. Il y a comme de l’inconscience à poursuivre la stigmatisation de cette drogue et de son commerce alors même qu’on s’enorgueillit de la diversité de nos alcools.

On divise ce faisant la population de manière parfaitement artificielle et inconséquente, et l’on ne règle rien. D’autant que le trafic de cannabis est le principal agent de développement de la petite délinquance. La porte d’entrée dorée pour tous ceux que l’argent facile appâte et séquestre ensuite dans sa logique. La légalisation est le seul moyen sûr de désintégrer tous les réseaux de France et de Navarre. On n’échappera pas à cette solution inéluctable, dont le rythme et les modalités restent bien entendu à définir ensemble. Se voiler la face plus longtemps en la matière relève de l’absurde volonté qu’a parfois le cancéreux de ne pas se soigner par crainte des épreuves impliquées par la thérapie. Nous avons laissé se développer une situation de prohibition sans issue, extrêmement proche de celle qu’ont connu les Etats-Unis dans les années 1920. Avec son cortège funèbre d’Al Capone et de syndicats du crime en tous genres. La France fume et fumera encore longtemps, et si l’arabophobie ambiante ne nous empêche pas trop d’y réfléchir, il faudra bien que nous prenions ce taureau-ci par les cornes un jour ou l’autre.

Le second axe de travail est celui de la prévention. Ce mot devenu presque tabou de nos jours tant il sent la faiblesse et l’échec d’une France qui ne veut plus comprendre mais seulement cogner. Là aussi, nous ne ferons pas l’économie de l’effort et de la réflexion. D’un travail dont les fruits ne sauraient se satisfaire du temps d’un quinquennat pour arriver à maturité. Il va nous falloir planter des médiateurs et des animateurs, des éducateurs et des profs sur tout le territoire. Pour une moisson qui viendra dans dix ans, dans vingt ans, mais qui viendra. Parce que ces jeunes que nous ne supportons plus ne sont autres que les nôtres, nos enfants, notre avenir. Et si l’on veut qu’ils arrêtent de vendre et de voler, de détruire et de se détruire, il est indispensable de les considérer. De dépasser la logique du conflit et de la guerre civile pour réintégrer cette jeunesse dans le giron de notre solidarité nationale. De lui parler, de l’éduquer, de lui rendre la certitude que l’étude et le travail ont un sens et que le respect et la droiture ne sont pas des mots creux. Si les hommes et les femmes qui nous dirigent veulent sincèrement "mettre le paquet" dans les domaines de la sécurité, qu’ils le mettent. Mais au bon endroit.

Drogues : consensus sur la dépénalisation

LIBERATION. 10.12. 2010. Tribune. Par ANNE COPPEL, sociologue

Encore une fois, la France s’enferme dans une conception archaïque de la politique des drogues qui ignore les avancées de l’expertise internationale.
Encore une fois, la France s’enferme dans une conception archaïque de la politique des drogues qui ignore les avancées de l’expertise internationale. Or cette expertise propose désormais une stratégie cohérente et réaliste. Le 26 octobre, à l’ONU, un expert, Anand Grover, a fait cinq recommandations, dont l’adoption des mesures de protection de la santé et la dépénalisation de l’usage et de la détention, validées par des collectifs d’experts internationaux. Lors de la conférence internationale de lutte contre le sida en juillet à Vienne, Michel Kazatchkine, directeur du Fonds mondial de lutte contre le sida, a été très clair : « L’une des priorités pour le monde est de faire cesser les fonds alloués à la soi-disant "guerre contre la drogue" qui s’est révélée être un échec et s’est trop souvent transformée en une guerre contre les usagers… Les fonds publics devraient au contraire fournir à tous ceux et celles qui en ont besoin un accès aux services de réduction des risques. »

Cette remise en cause de la guerre à la drogue est un tournant majeur. Ces dernières années, les politiques de réduction des risques ont fait la preuve de leur efficacité dans la protection de la santé. En août 2009, ces politiques ont été adoptées par l’ONU, conformément aux recommandations de l’OMS, puis validées en France par l’Inserm. Des synthèses internationales ont démontré que la criminalisation de l’usage et de la détention a des effets dévastateurs sur la santé et la sécurité. Il est également prouvé que la dépénalisation, ou décriminalisation (qui n’implique pas de renoncer à l’interdit) n’augmente ni la consommation ni le trafic de drogue. Par contre, elle permet de surmonter les obstacles créés par la criminalisation dans la protection de la santé, obstacles qui s’accompagnent de graves violations des droits de l’homme.

Car le rapport Grover relève du Conseil des droits de l’homme de l’ONU.
Invoquer les droits de l’homme pour justifier la dépénalisation de l’usage, voilà qui en France est impensable, assimilé à la revendication du « droit de se droguer ». Le rapport rappelle seulement que tout être humain, fût-il consommateur de drogues, a des droits, dont le droit à la santé. Les recherches démontrent les conséquences catastrophiques des politiques de tolérance zéro qui, aux Etats-Unis, ont abouti à un triplement des incarcérations en vingt-cinq ans. La protection de la santé ne peut être invoquée pour justifier la criminalisation de l’usage : il est prouvé que plus la répression augmente, plus la mortalité augmente.

Si le rapport Grover appelle à une refonte du cadre international, il propose surtout des mesures qui peuvent être mises en œuvre immédiatement. Les experts ne s’aventurent pas à recommander le renoncement pur et simple de la prohibition des drogues. Chacun peut avoir ses convictions et cette mesure radicale n’est pas envisageable dans un avenir proche. Il en est de la politique des drogues comme des paradis fiscaux. Le changement de cadre proposé par les experts se limite à des mesures dont l’efficacité est prouvée en matière de protection de la santé mais, si modeste soit-il, ce changement ouvre de nouvelles perspectives. Un exemple, la lutte contre le trafic. Plutôt que de lutter contre le trafic lui-même qui conduit à un renforcement des organisations clandestines, la répression devrait privilégier les conséquences du trafic telles que la violence, le blanchiment et la corruption.

Ce changement de perspective est ignoré en France où le consensus sur la guerre à la drogue est plus large que jamais. La politique de tolérance zéro a été appliquée aux usagers, délinquants selon la loi, sans que personne ne proteste. L’immobilisme français sur la loi de 1970 a longtemps reposé sur la croyance qu’il y avait « une dépénalisation de fait », que l’interdit avait une fonction purement symbolique, et qu’il n’y avait pas d’usager en prison pour usage. Les statistiques montrent au contraire que la répression a été continue depuis 1970, avec deux fois plus de condamnations pénales de 2002 à 2008. Or, plus la répression progresse, plus elle s’impose à l’opinion comme une évidence. Les Français restent persuadés que la peur du gendarme est la seule protection efficace, mais ils sont également convaincus que la réponse médicale est la meilleure face à l’usage. Il appartient aux experts de santé publique de se faire entendre et aux médias de communiquer l’état du débat au niveau international.

Drogues : mettons fin à 40 ans d’hypocrisie !

LEMONDE.FR | 16.12.10 |Tribune.

Par Anne Souyris, co-responsable du projet 2012 d’Europe Ecologie-Les Verts, et Marine Tondelier, porte-parole des Jeunes Verts.

Les drogues restent un sujet passionnel en France, ce qui rend les partis comme les élus particulièrement frileux quant à la réforme de nos politiques en la matière, et ce, malgré leur flagrante contre-productivité.
Notre politique française – la plus répressive d’Europe –, montre clairement ses limites. La plupart des experts reconnaissent que comme la prohibition l’alcool aux Etats-Unis dans les années 1920, elle nourrit les trafics en tout genre, précarise les usagers les plus vulnérables et engendre des violences, que la simple présence de policiers sur le terrain ne permet plus d’endiguer. Dernier symptôme d’inefficacité, et non le moindre, la France détient aujourd’hui un des taux records de jeunes utilisateurs de stupéfiants en Europe.
En effet, malgré l’arsenal répressif mis en œuvre, les statistiques de l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies révèlent que même interdite, la drogue est facile d’accès et les drogues dites "dures" (cocaïne, héroïne, LSD, etc.) sont plus populaires parmi les jeunes qu’auparavant. Enfin, la répression entraîne une consommation de drogue forcément clandestine, qui précarise les usagers : la diminution des moyens mis en œuvre pour les accompagner et les aider au quotidien ont fait une fois de plus repartir leur mortalité à la hausse.

Depuis 2003, la politique gouvernementale a accordé la priorité à la criminalisation de l’usage des drogues, qui mobilise des milliers de policiers et de gendarmes, gèle des moyens très importants, coûte un temps précieux, et encombre souvent inutilement les douanes, les tribunaux et les prisons. Une politique de la drogue pacifiée permettrait de libérer de précieux moyens de sécurité, qui pourraient être ré-affectés à d’autres types de missions. Cela est d’autant plus nécessaire que la répression se trompe de cible : on estime que les interpellations pour stupéfiants concernent dans 90 % des cas les usagers de cannabis, alors que les interpellations pour trafic se montent à environ 9 %.
Quant aux condamnations, elles sanctionnent essentiellement l’usage et la détention-acquisition, délits associés à l’usage. Il s’agit le plus souvent d’amendes – mais contrairement à ce qui se dit, il y a aussi des incarcérations pour usage, soit en 2008, 3 111 peines ferme pour usage illicite de stupéfiant et 5 456 peines ferme pour détention-acquisition de stupéfiants soit au total 8 567, les incarcérations pour usage étant plus nombreuses les incarcérations pour trafic.

Depuis plus de quarante ans, les gouvernements de droite comme de gauche ne se sont jamais détournés de la surenchère répressive comme le montrent les chiffres publiés la semaine dernière par l’OFDT : depuis 1970, la répression de l’usage a augmenté chaque année, parallèlement à l’augmentation régulière des moyens des services répressifs. Or des solutions alternatives existent ! En témoignent notamment les derniers rapports d’institutions aussi réputées pour leur sérieux que l’Organisation mondiale de la santé, l’Organisation des Nations unies ou encore l’Institut national de la santé et de la recherche médicale.
Une expertise confrontant les données internationales a en effet démontré que la répression de l’usage et détention était inefficace pour limiter les consommations et encore moins pour le trafic. Les chiffres récemment publiés sont clairs : la plupart de nos voisins en Europe ont déjà dépénalisé l’usage, soit de toutes les drogues (Espagne, Italie, Pays Bas) soit seulement du cannabis (Allemagne, Belgique, Autriche) au cours des années 1990, sans constater d’augmentation de la consommation. La même démonstration a été faite au Etats-Unis, avec les douze Etats qui ont dépénalisé l’usage et la détention du cannabis pour consommation personnelle.

CHANGEMENT RADICAL

Ce qui est efficace en matière de protection de la santé, c’est une information fondée sur la réalité des risques, information qui réduit effectivement les risques et s’accompagne aussi souvent d’une stabilisation des consommations. Le développement des salles de consommation s’inscrit dans la logique ces politiques de santé publique. Le consensus des experts est international, et certains pays – dont la Suisse, les Pays-Bas, le Portugal, l’Allemagne, la Norvège et l’Espagne –, ont déjà réagi en autorisant l’ouverture de salles de consommations, en dépénalisant la consommation de cannabis voire en mettant en œuvre une distribution contrôlée d’héroïne dans certains cas très spécifiques et très lourds de dépendance.

Les Jeunes Verts et Europe Ecologie-Les Verts insistent aujourd’hui pour que la France adopte à son tour des politiques de santé et de solidarité publiques qui soient basées non sur la peur et l’épouvantail sécuritaire mais sur l’humanisme, la lucidité et la responsabilité. Une politique des drogues efficace ne pourra faire l’économie à terme d’un changement radical d’orientation. Et nous avons le courage de dire que seule une légalisation contrôlée à tous les niveaux – autant en termes fiscal, sanitaire, qu’en termes de prévention et de sécurité pour tous –, est nécessaire, voire urgente. Cela induirait de changer les traités internationaux ? Alors engageons la réflexion pour ce changement ! Mais agissons dès aujourd’hui, localement, et appliquons des mesures capables de sauver des vies, en commençant par l’installation de salles de consommation à moindres risques !

Plus généralement, nous devons nous engager sans attendre dans un changement des pratiques, pratiques de santé publique d’une part, pratiques répressives d’autre part. Dans un cas comme dans l’autre, il s’agit de se donner des priorités : la protection de la santé exige le développement de politiques de santé qui intègrent la réduction des risques ; la protection de la sécurité impliquerait que la définition de priorités, la lutte contre la violence, le blanchiment et la corruption. Le développement de mafias internationales représente une réelle menace pour la démocratie : les services de police et justice doivent s’y consacrer au lieu de s’épuiser à lutter contre l’usage de la drogue. Ce détournement de moyen est inutile et contre-productif : plus les usagers sont interpellés, moins les trafiquants le sont !

Nous espérons qu’Europe Ecologie-Les Verts, parti actuellement très seul à réfléchir sans démagogie sur ce terrain très controversé, ne le restera pas longtemps : examiner les solutions que représenteraient la dépénalisation de toutes les drogues, la production locale en circuits courts de cannabis, la distribution médicalisée de certaines drogues dans des cas bien précis, et le recentrage de la répression sur le démantèlement des mafias… est aujourd’hui de l’ordre de l’urgence et de la responsabilité collective.

Aujourd’hui, nous fêtons les quarante ans d’un système législatif à bout de souffle : il est temps d’en finir, non ? De nombreuses pistes existent, et nous invitons nos responsables politiques à les explorer, plutôt que de s’obstiner dans l’impasse dans laquelle les politiques des drogues françaises se sont engagées.

CONSOMMATION

Rapport annuel de l’Observatoire européen des drogues et des toxicomanies
[synthèse trouvée dans la Lettre de la MILDT de décembre 2010]

Le Rapport annuel 2010 sur l’état du phénomène de la drogue en Europe, publié le 10 novembre par l’OEDT, décrit les nouveaux défis auxquels l’Europe doit faire face dans les 27 pays membres de l’UE, ainsi qu’en Croatie, Turquie et Norvège.

Parmi les principaux thèmes abordés figurent l’évolution du marché des stimulants et du cannabis ainsi que l’apparition continue des « legal highs », « euphorisants légaux ». Le rapport traite également des soins offerts aux usagers de drogues en particulier aux usagers problématiques d’opiacés.
En ce qui concerne la cocaïne, expérimentée par quelque 14 millions d’adultes européens et consommée dans l’année par 4 millions d’entre eux, le rapport analyse les techniques de plus en plus sophistiquées mises en oeuvre pour dissimuler et introduire clandestinement de la cocaïne en Europe. Les saisies de cocaïne opérées en Europe en 2008 sont estimées à 96 300 .

Il souligne l’augmentation des décès liés à la consommation de cocaïne (environ 1 000 décès signalés chaque année en Europe) en particulier dans les pays où les niveaux de consommations sont les plus élevés (Espagne et Royaume-Uni). Ailleurs, la consommation reste faible.

La consommation d’amphétamines (amphétamine ou méthamphétamine) reste globalement inférieure à celle de la cocaïne, les tendances de consommation demeurant stables. Environ 12 millions d’Européens (15–64 ans) ont expérimenté les amphétamines au cours de leur vie, et environ 2 millions en ont consommé au cours de l’année. La consommation de méthamphétamine reste limitée en Europe, et largement circonscrite à la République tchèque et à la Slovaquie. Le produit semble aussi être de plus en plus disponible dans certaines parties d’Europe septentrionale (par ex. Norvège, Suède, Lettonie, Finlande), Les saisies de méthamphétamine ont augmenté ces dernières années.

La consommation d’ecstasy affiche une tendance généralement stable. Quelque 11 millions d’Européens l’ont expérimentée et environ 2,5 millions de personnes en ont consommé au cours de l’année écoulée. On estime que les saisies ont baissé de 14 % en 2008.

Le produit illicite le plus consommé en Europe reste le cannabis expérimenté par environ 75,5 millions d’Européens (un adulte de 15–64 ans sur cinq ).Quelque 23 millions d’Européens en ont consommé au cours de l’année écoulée. Et on estime à plus ou moins 4 millions le nombre d’Européens dont la consommation est quotidienne.

Les niveaux de consommation de cannabis semblent augmenter dans certains pays d’Europe orientale. Ainsi les niveaux de consommation les plus élevés au cours de l’année écoulée parmi les 15–34 ans ont été relevés en République tchèque (28,2 %), en Slovaquie (14,7 %) et en Estonie (13,6 %). En Europe occidentale, la plus forte prévalence a été observée en Italie (20,3 %), en Espagne (18,8 %) et en France (16,7 %).

La tendance générale est à la stabilisation ou à la baisse de la consommation de cannabis en Europe. Mais on relève des schémas divergents. Cinq pays (Bulgarie, Grèce, Hongrie, Finlande, Suède) se démarquent par leurs niveaux globalement stables et faibles (moins de 9 %). Six pays (Danemark, Allemagne, Espagne, France, Pays-Bas, Royaume-Uni) font état de niveaux supérieurs, mais en baisse ou stabilisation ces dernières années. En revanche, quatre pays (République tchèque, Estonie, Italie, Slovaquie ) font toujours état de tendances à la hausse.

En 2008, quelque 900 tonnes de résine de cannabis ont été interceptées en Europe, presque 10 fois le volume d’herbe de cannabis saisi. Cependant, l’herbe est à présent fréquemment produite à l’intérieur de l’Europe (29 pays européens ont signalé une production domestique en 2008). Le nombre de saisies de plants de cannabis augmente avec 19 000 saisies en 2008.
Du côté des nouvelles drogues, commercialisées sur internet, un nombre record de nouvelles drogues (24) a été officiellement signalé en 2009 grâce au système d’alerte précoce de l’UE. Le rapport insiste sur la popularité croissante des cathinones de synthèse, dérivés de la cathinone (dont fait partie la méphédrone ayant une structure proche de celle de l’amphétamine). Plus de 15 cathinones de synthèse font actuellement l’objet d’une surveillance.
Le phénomène du « spice » (herbe à fumer couplée à des cannabinoïdes de synthèse) continue également de se développer.

En matière de soins, le rapport explique qu’environ 670 000 Européens usagers problématiques d’opiacés suivent un traitement de substitution et que leur nombre a décuplé depuis 1993. En parallèle le problème de l’héroïne demeure en Europe. Entre 6400 et 8500 décès liés à l’usage de drogues ont été chaque année déclarés en Europe de 1995 à 2007, la plupart d’entre eux en lien avec des consommations d’opiacés. L’usage de drogues par voie intraveineuse ne progresse pas mais reste néanmoins un problème majeur en Europe.


De la drogue dans les réseaux de canalisation
Les scientifiques ne se montrent toutefois pas très inquiets quant à la pollution de l’eau du robinet.

LE FIGARO 22/12/2010 | Par Marielle Court

Les traces de drogues dans les eaux usées permettent de suivre les consommations de ces toxiques dans la population. L’eau n’a peut-être pas de mémoire, mais elle conserve d’encombrants souvenirs. Après les résidus de médicaments, de pesticides, de métaux lourds… Les chercheurs se penchent désormais sur un dossier tout aussi explosif : les traces de drogues.
Une équipe du laboratoire de santé publique et environnement (université Paris-Sud, UMR 8079) a ainsi effectué la première étude française sur le sujet (1) en analysant des eaux usées collectées dans six stations d’épuration.
Les scientifiques, qui ont publié leurs résultats dans la revue Forensic Science International se sont intéressés à quatre substances : la cocaïne, l’ecstasy, l’amphétamine et la buprénorphine (un médicament de substitution à l’héroïne). Et les résultats sont là qui montrent des traces plus ou moins importantes de chacune des substances dans les eaux des égouts. Les teneurs en cocaïne notamment « varient entre 5 et 336 ng/l et entre 37 et 850 ng/l pour la benzoylecgonine (principal métabolite, soit une substance dérivée de la cocaïne, NDLR) », précise Thomas Nefau, l’un des chercheurs. Les résidus d’ecstasy sont rarement détectés et parfois à des doses de l’ordre de 28 ng/l.
Ces résultats ne permettent qu’une estimation globale du nombre de personnes qui se droguent et des quantités consommées, mais ils donnent deux types d’information intéressants : quelle est la tendance de la consommation et quelle zone géographique est concernée. « C’est un très bon outil de mesure », explique Yves Levi, qui a piloté la recherche, car désormais « n’importe quelle commune peut suivre au rythme qu’elle souhaite la consommation de drogues sur son territoire et y répondre », ajoute-t-il.
Les prélèvements effectués en région parisienne sont riches d’enseignements.

Ils soulignent notamment qu’il n’y a pas de différence de consommation entre communes riches et pauvres. En revanche, les consommateurs sont plus nombreux à Paris qu’en banlieue et le week-end est pire que la semaine. « Le pic le plus élevé a été observé lors de la Fête de la musique », précise également Sara Karolak, maître de conférences à l’université. Cette dernière montre également que si la France se situe a peu près au même rang que la Belgique ou la Suisse elle est loin derrière l’Espagne ou l’Italie qui, la première, a lancé des études à partir de 2005.
« Cette méthode doit permettre de compléter les autres indicateurs qui existent déjà », commente Étienne Apaire, le président de la Mildt (Mission interministérielle de la lutte contre la drogue et la toxicomanie). « Cette technique ne peut pas fonctionner pour toutes les drogues et notamment l’héroïne, qui contient des opiacés comme certains médicaments, rappelle Jean-Michel Costes, directeur de l’OFDT (Observatoire français des drogues et des toxicomanies), mais elle peut permettre un suivi et une spatialisation », confirme-t-il.

L’effet cocktail. Elle ouvre également un autre champ d’investigation, celui de la pollution de l’eau. Les stations d’épuration en effet n’éliminent pas la totalité des molécules. À l’instar des autres micropolluants, elles traitent entre 50 et 90% des substances », rappelle-t-on chez Suez Environnement. Quels sont les effets sur les écosystèmes ? « Pour l’heure, il n’existe aucune donnée », souligne Yves Levi. Les scientifiques ne se montrent toutefois pas très inquiets quant à la pollution de l’eau du robinet. Les traces de drogues sont en quantité inférieures à celles des médicaments dans les ressources en eau.
Reste une interrogation de taille : l’effet cocktail. Si les substances isolées semblent sans danger vu les très petites quantités, « il est impératif que l’on mette au point des tests prenant en compte l’ensemble », insiste Hervé Suty, directeur des centres de recherche de Veolia Environnement, qui soutient financièrement la suite de la recherche sur les aspects environnementaux. Des mélanges de molécules dont chercheurs, grandes entreprises ou services de santé aimeraient tellement pouvoir s’assurer de l’innocuité.

(1) Étude cofinancée par la Direction générale de la santé, le Siaap et l’association Safe

PRODUITS

La méphédrone interdite au sein de l’UE

LEMONDE.FR avec AFP 03/12/2010

Les ministres de la Justice de l’Union européenne ont décidé d’interdire la fabrication et la commercialisation en Europe de la méphédrone, une drogue de synthèse aux effets proches de la cocaïne ou de l’ecstasy. Disponible sur internet, cette drogue demeurait jusqu’à présent licite dans 12 pays de l’UE. La Commission européenne avait recommandé son interdiction le 20 octobre dernier.

Apparue en 2007 en Europe, elle est rapidement devenue très populaire, notamment au Royaume-Uni.
La méphédrone est impliquée, selon la Commission, dans au moins trente-sept morts suspectes au Royaume-Uni et en Irlande. La commissaire chargée de la justice, Viviane Reding s’est félicitée de la décision rapide des gouvernements européens.

Commercialiser de la méphédrone dans l’UE sera désormais considéré comme une activité criminelle. La méphédrone était déjà interdite dans quinze Etats de l’UE – dont la France, l’Allemagne et le Royaume-Uni. Le plus souvent vendue sous forme de poudre, la méphédrone se trouve aussi en gélules. Elle est vendue notamment sur Internet sous les noms de "Bubbles", "NeoDove" ou encore "Miaou Miaou" à un tarif très bas, 10 à 15 euros le gramme (plus de deux fois moins cher que la cocaïne). Elle est fabriquée à partir d’une forme synthétique de cathinone, le constituant naturel du khat, une plante aux effets stimulants.

Certains spécialistes estiment que l’interdiction de la méphédrone risque d’accroître encore sa récente notoriété et d’encourager ainsi des jeunes à en faire l’expérience. Et plusieurs scientifiques estiment que, désormais interdite, elle risque d’être vite remplacée par un produit de synthèse similaire.
Si 2009 avait été une "année record" avec l’apparition de vingt-quatre nouvelles substances de synthèse, 2010 l’a déjà battue : "Trente-trois nouvelles substances ont déjà été signalées" alors que l’année n’est pas finie, a ainsi indiqué, il y a moins d’un mois, Wolfgang Götz, directeur de l’Observatoire européen des drogues et des toxicomanies.

REDUCTION DES RISQUES

SALLES DE CONSOMMATION. "Shoot" sous assistance à Barcelone

BARCELONE (AFP) - 10.11.2010 18:49

"Si tu te +shootes+, ne te tue pas" : cet avertissement à l’adresse des toxicomanes est aussi la priorité de ceux qui les encadrent dans cette "salle de shoot" de Barcelone : éviter l’injection mortelle.

Professionnels et usagers rappellent que la mise en place de ces centres, dont quatre ont ouvert à Barcelone entre 2003 et 2005, a été difficile dans cette ville qui a connu une explosion de la consommation d’héroïne dans les années 90. Les critiques, émanant pour l’essentiel de riverains mécontents, se font plus rares aujourd’hui, même si l’opposition municipale de droite maintient que ces centres ne doivent exister "qu’en dernier recours". Mais les résultats sont là. Les morts par overdose ont fortement diminué à Barcelone : 37 de janvier à septembre, contre 53 sur la même période de 2004, selon l’Agence de santé publique (ASPB). Le plus important : aucune mort par overdose dans les quatre centres, que les professionnels préfèrent appeler "salles de consommation".
Sans oublier les avantages que représente l’usage de seringues neuves dans la lutte contre le sida. Et le fait que ces seringues disparaissent de la rue. "On a utilisé près de 100.000 seringues l’année dernière dans les salles de consommation. Si ces seringues s’étaient retrouvées dans la rue, on serait tous morts !", souligne la psychiatre Carmen Vecino de l’ASPB.

L’inscription "Si tu te +shootes+, ne te tue pas" est scotchée au mur à l’entrée du centre de la Croix Rouge, la plus ancienne des salles de Barcelone. D’autres existent à Bilbao (nord) et Madrid. A l’intérieur, tout est médicalisé, aseptisé. L’une des salles fait d’ailleurs partie du service de psychiatrie de l’hôpital Vall d’Hebron.

Pas de drogués avachis sur des matelas. Les espaces pour s’injecter par intraveineuse l’héroïne ou la cocaïne se résument à une chaise et à une petite table en métal avec tout le matériel nécessaire : seringues, élastiques et petits récipients pour liquéfier la drogue.

A la salle Baluard, la plus grande, qui accueille chaque jour de 150 à 180 personnes, il existe aussi un espace pour fumer la drogue. Evidemment les salles ne fournissent pas la drogue. Le consommateur apporte sa dose d’héroïne, qui coûte de 10 à 30 euros selon la qualité. Après son "shoot", supervisé par un infirmier ou un éducateur, l’usager se voit offrir une boisson chaude et des petits gâteaux. C’est parfois l’occasion pour les professionnels d’évoquer une éventuelle réinsertion sociale. La majorité des consommateurs -surtout des hommes, de 20 à 35 ans- sont dans une situation d’extrême précarité. Il y a aussi beaucoup d’étrangers (57%), de plus en plus venant d’Italie et des pays de l’Est.
"Bien sûr que nous essayons de faire en sorte qu’ils arrêtent", assure Olga Diaz Grau, de la Croix Rouge, avant de préciser que seulement 7% des cas débouchent sur un traitement. Miguel, à Barcelone depuis huit ans, a réussi à arrêter pendant un an et demi. Mais il est retombé, "presque par habitude". "Je me drogue depuis que j’ai 14 ans".

Au moment de l’ouverture de la salle du Vall d’Hebron, les riverains ont vigoureusement protesté. Le climat est plus apaisé aujourd’hui mais les opposants restent nombreux. "Tout le monde sait que les +narcosalas+ ont un impact négatif autour. Nous pensons juste qu’il faut les éloigner des bassins à forte population", avance Angels Esteller, porte-parole du parti d’opposition conservatrice (PP, droite) à la mairie.
Les usagers savent qu’ils ne laissent pas indifférents. "Les gens normaux ne voient pas tout cela d’un bon oeil", confie Tina, une consommatrice italienne. "Et puis il y a la partie politique. S’ils le pouvaient, ils nous mettraient tous dans un avion et nous balanceraient dans l’Atlantique".


SALLES DE CONSOMMATION. Drogue : Toulouse prête à tester les salles de shoot

LA DEPECHE – 26/11/2010

Aujourd’hui au conseil municipal, un élu Vert soumet un vœu au vote de ses collègues dans lequel il propose que Toulouse soit candidate pour expérimenter le dispositif des salles de shoot si le gouvernement, comme il le souhaite, en accepte le principe.

Il s’écoulera peut-être du temps avant que les toxicomanes disposent à Toulouse d’une salle de shoot où, comme dans d’autres pays en Europe, il sera permis de consommer ou de s’injecter de la drogue sous assistance sociale, médicale et psychologique. Encore faut-il, au préalable, que le gouvernement adopte sur cette délicate question une posture définitive et clarifie sa politique sanitaire après les contradictions estivales d’une Roselyne Bachelot, plutôt tentée par l’expérience et d’un François Fillon totalement hostile au projet.

Ce vendredi au conseil municipal, le Vert Antoine Maurice soumettra aux élus toulousains l’adoption d’un vœu dans lequel il demande au nouveau gouvernement de soutenir l’expérience des salles de consommation à moindres risques (SCMR), et propose également qu’en pareille hypothèse, Toulouse puisse être candidate pour tester ce dispositif.
« Le sujet est complètement déconnecté du débat sur la dépénalisation des drogues dites douces », avertit Antoine Maurice dont la chef de parti, Cécile Duflot, s’est encore prononcée récemment en faveur de la légalisation de la consommation de certains produits stupéfiants. Dans ce cas, explique l’élu écologiste, c’est un problème de santé publique auquel doivent être associés la municipalité, l’Agence régionale de Santé (ARS), la préfecture de police et l’ensemble des services compétents.
« Dans d’autres pays, ce type de programme a permis de réduire considérablement les risques sanitaires liés à la consommation de drogue, les morts par overdose ou la progression du VIH chez cette population », observe le Vert. Il relève aussi que des villes comme Marseille et Paris notamment, partagent sur la question le même point de vue. « C’est bien la preuve que l’enjeu est d’importance et qu’il se situe au-dessus des clivages politiques classiques ».
Antoine Maurice croit pouvoir compter sur le soutien de l’ensemble des élus de la majorité de gauche, ce qui suffira à valider son vœu auquel pourrait ensuite succéder un diagnostic de la toxicomanie locale. « Bien entendu, Toulouse n’est pas épargnée. Il est de notoriété publique que certaines cages d’escalier, rue Bayard par exemple, sont des salles de shoot clandestines… », conclut Antoine Maurice.

- > Les socialistes voteront

Interrogé par « La Dépêche du Midi », François Briançon, président du groupe socialiste, radical et républicain de la mairie de Toulouse, annonce que les élus de gauche adopteront le vœu proposé par Antoine Maurice. « Nous en avons discuté au sein du groupe et il n’est pas apparu de problème particulier. Pour tout dire, il n’y a même pas eu vraiment de débat sur ce sujet et sur l’intérêt de mener ce type d’expérience qui participe d’une politique de santé publique », a souligné l’élu PS.

- > Le chiffre : 6 pays européens > Favorables. Selon Antoine Maurice, six pays européens, dont l’Espagne et la Suisse, testent les SCMR et obtiennent des résultats salués par l’INSERM.


SALLES DE CONSOMMATION. Une salle dédiée aux toxicos à Toulouse : « c’est courageux »

LIBETOULOUSE - 28/11/2010

Après Bordeaux et Marseille, la ville de Toulouse a voté à la quasi unanimité ce vendredi 26 novembre le principe de l’ouverture d’une "salle de shoot", espace de consommation médicalisé destiné aux toxicomanes les plus précaires qui se piquent dans la rue ou les cages d’escaliers.
Devant la recrudescence des overdoses et des contaminations au VIH et hépatites, la plupart des pays européens ont adopté ce dispositif. Pas la France, où le sujet ne fait pas l’unanimité politique.
Le chef du gouvernement François Fillon y est opposé tandis que sa ministre de la Santé s’est prononcée pour leur ouverture dans une interview à Libération.
Pour les associations qui prennent en charge les toxicomanes, le dispositif a pourtant fait ses preuves. La déléguée régionale de l’Association des intervenants en toxicomanie et addictologie (Anitea), Martine Lacoste salue l’accord de principe voté par la Ville de Toulouse : « c’est une décision courageuse. Ces salles de consommation sont un outil de plus dans une politique globale de santé ». Entretien (propos recueillis par Jean Manuel ESCARNOT) :

LibéToulouse : En quoi consistent les salles de shoot ?

Martine Lacoste : Je n’aime pas le terme de "salle de shoot", il est péjoratif et réducteur. Il s’agit de salles de consommation supervisées dans lesquelles les toxicomanes majeurs s’injectent, sniffent ou fument en présence de médecins, d’infirmiers et de travailleurs sociaux, les produits tels héroïne, cocaïne ou produits de substitution détournés dont ils sont usagers.
Dans les pays comme Suisse, Grande Bretagne, Espagne ou Portugal où elles existent, ces salles sont ouvertes 7 jours sur 7, de 8h du matin à 8 h du soir. Dans certaines d’entre elles, le personnel médical supervise les usages derrière des vitres sans tain en privilégiant l’aspect sanitaire. Dans d’autres lieux, l’encadrement est plus visible de façon à encourager le dialogue dans une approche plus sociale.

Á quel public s’adressent ces salles supervisées ?

Martine Lacoste : Elle s’adressent en priorité à ceux qui ne veulent pas ou ne peuvent pas arrêter. Les personnes qui sont à un tel degré de dépendance sont le plus souvent dans une immense solitude. Il y a parmi elles des migrants et des personnes en errance qui ne viennent pas dans les structures existantes. Outre le fait de réduire les risques sanitaires liés à la consommation, ces salles sont aussi des espaces de lien social et de prévention. Le personnel est là pour aider à engager une réflexion sur la dépendance et les moyens de s’en sortir. Tout en facilitant l’accès aux soins médicaux et à la prévention vis-à-vis des risques d’infection, notamment aux virus du VIH et de l’hépatite.
Le but, c’est d’adresser un signe à toutes ces personnes exclues. Leur monter qu’on ne les ignore pas. Qu’ils font partie d’une humanité. C’est la preuve d’une société qui se respecte.

Que répondez vous à ceux qui s’y opposent ?

Martine Lacoste : Que leur réticence est légitime et compréhensible ! Au début, je n’étais moi-même pas d’accord car j’estimais qu’il y avait un seuil d’intimité qu’on ne pouvait pas franchir. J’ai changé d’avis au vu des résultats en termes de prévention et de réduction des risques. Cela dit, ces salles ne sont pas une fin en soi.

Le Conseil municipal vient de voter à la quasi unanimité son accord pour expérimenter ce dispositif à Toulouse...

Martine Lacoste : C’est courageux. Même si ce dispositif dépend du gouvernement, toutes les expériences de ce type nous montrent qu’elles ne peuvent fonctionner que dans une sorte de contrat social approuvé par les citoyens et leur représentants.

Quid de l’attitude des services de police dont la mission est de réprimer l’usage et le trafic de stupéfiants ?

Martine Lacoste : La décision d’ouverture de ces salles est prise au plus haut niveau de l’État. Cela implique une concertation interministérielle pour définir un cadre commun. Á Toulouse, la mise en place de bus d’échanges de seringues, centres d’accueils de jours pour les toxicomanes, s’est toujours faite dans le respect des prérogatives de chacun avec les services de police. Ces derniers ont toujours été respectueux des dispositifs de santé publique. Dans la réflexion commune, il serait certainement utile d’aller visiter une salle de consommation avec des élus de la Mairie de Toulouse, des représentants de la police et de l’Agence régionale de santé (ARS).

SALLES DE CONSOMMATION. "Salles de shoot" : lancement de la mission Assemblée-Sénat sur les toxicomanies

AFP/Archives - 5/12/10 - Martin Bureau

L’ Assemblée nationale et le Sénat ont lancé mercredi une mission d’information parlementaire commune sur les toxicomanies, consécutive au débat sur les "salles de shoot", a-t-on appris de source parlementaire.
La mission d’information, composée de 15 sénateurs et 15 députés, est coprésidée par le député PS Serge Blisko et le sénateur UMP François Pillet. Les deux rapporteurs sont la députée UMP Françoise Branget et le sénateur radical Gilbert Barbier.
"Sujet de société et de santé publique, (la toxicomanie) mérite d’être abordée avec une certaine hauteur de vue. Il convient aujourd’hui d’en actualiser la réflexion", déclaraient en octobre les présidents UMP du Sénat Gérard Larcher et de l’Assemblée nationale Bernard Accoyer.
Des élus de droite, de gauche et centristes ont demandé que l’Etat adopte les mesures juridiques permettant l’ouverture, "au moins à titre expérimental", de salles de consommation de drogue en France (injections supervisées de substances comme la cocaïne ou l’héroïne).
En août, le Premier ministre François Fillon avait jugé ces dispositifs "ni utiles, ni souhaitables".

SALLES DE CONSOMMATION. La sécurité, argument pour défendre les salles de consommation de drogue

De Sophie LAUTIER (AFP) – 8.12.2010

PARIS — A droite comme à gauche, des élus se battent pour convaincre des
collègues et des citoyens sceptiques sur l’utilité des salles de consommation de drogues, mettant en avant leurs bienfaits en terme de sécurité publique.
"Nous devons convaincre nos instances supérieures de leur utilité, notamment en terme de sécurité", déclare Patrick Padovani, médecin et adjoint UMP au maire de Marseille, qui n’hésite pas à parler de "mission" au vu de l’urgence sanitaire.

Une fois n’est pas coutume, l’élu UMP partage les convictions de ses collègues socialiste et écologiste de Paris, Sylvie Wieviorka et Véronique Dubarry, au coude à coude lors des 6e Etats généraux des usagers de substances licites et illicites (Egus), mercredi [8.12] à Paris.
Sur ces salles de consommation à moindre risque - destinées en priorité aux drogués les plus marginalisés et qui n’ont pas accès au système de santé, soit quelques milliers de personnes en France - "il ne s’agit pas d’idéologie mais de pragmatisme", affirme le Dr Padovani.
Il a rappelé que c’était la droite qui avait fait avancer la réduction des risques en 1987 avec Michèle Barzach (vente libre de seringues) et 1994 avec Simone Veil (produits de substitution aux opiacés).

Ancien président de la Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie (Mildt) de 2002 à 2007, Didier Jayle a même révélé qu’une expérimentation des salles de consommation avait figuré dans le plan gouvernemental sur les drogues 2004-2008 jusqu’à la veille de sa présentation publique.

D’après les exemples internationaux, comme à Vancouver (Canada) ou Bilbao (Espagne), l’ouverture de salles s’est accompagnée d’une baisse de l’insécurité et des nuisances dans le quartier d’implantation. Mais cela a nécessité un consensus pour avoir la coopération de la police et finalement emporter l’adhésion des riverains.
"Dès qu’on ouvre une structure sociale, ça suscite des réticences, à part les crèches, évidemment ! Il va falloir aller dans les conseils de quartier et tout expliquer", prévoit Véronique Dubarry (Europe-Ecologie, Paris). "Même si pour moi pour le principal argument est sanitaire, d’aucuns sont sensibles à la question sécuritaire", reconnaît l’élue du Xe arrondissement, qui comprend les gares de l’Est et du Nord, lieux de consommation notamment par injection.
"Il est évident que la sécurité publique est importante", renchérit Sylvie Wieviorka (PS, 2e arrondissement de Paris). Elle raconte comment l’ouverture d’un centre de soins pour toxicomanes aux Halles avait provoqué des réticences, levées par un travail de liaison avec le commissariat de quartier et des compromis avec les habitants, comme la fermeture du centre le mercredi, "jour des enfants" pour contrer leur "crainte irrationnelle".

Pour le directeur d’Asud (réduction des risques parmi les usagers de drogues), Fabrice Olivet, "l’opposition entre usagers et riverains est totalement artificielle : tout le monde a intérêt à un environnement calme".
Pour ouvrir des salles de consommation, "le simple argument sanitaire et prouvé scientifiquement (par l’Inserm, ndlr) est malheureusement inefficace parce que le citoyen moyen ne se sent pas concerné, même s’il consomme par ailleurs de la drogue", explique M. Olivet.
La violence sur les scènes ouvertes, c’est-à-dire la vente et la consommation dans un lieu public, "les riverains en sont spectateurs et c’est insupportable, mais les premières victimes sont les usagers", souligne le directeur d’Asud, assumant des propos "politiquement incorrects".

SALLES DE CONSOMMATION. IDF/drogue : PRG et Verts pour expérimenter une salle de consommation

AFP / 13 décembre 2010

PARIS - Les responsables PRG et Verts au conseil régional d’Ile-de-France ont annoncé lundi "leur souhait de défendre la participation du conseil régional à une expérimentation en faveur d’une salle de consommation de drogues à moindre risque" dans la région "dès 2011".
Dans un communiqué commun, Eddie Ait, président du groupe PRG au conseil régional, et Cécile Duflot, présidente du groupe EELV (Europe Ecologie Les Verts), affirment que "plusieurs études ont révélé l’impact positif" que l’ouverture de telles salles "peut avoir sur la prévention de l’usage de drogues et l’accompagnement des personnes victimes de toxicomanie".
"Pour l’heure, aucune expérimentation n’a pu être engagée en France", soulignent-ils, deux mois après que le Conseil de Paris a voté en faveur de l’ouverture d’"au moins" un centre de consommation de drogue dans la capitale, souhaitée par le maire PS, Bertrand Delanoë, et rejetée par l’UMP.
Les groupes PRG et EELV proposeront au conseil régional l’ouverture d’une ligne budgétaire spécifique à hauteur de 300.000 euros pour accompagner les communes qui pourraient être candidates, précisent les deux élus, selon qui "l’opinion publique y est majoritairement favorable".
"Il ne s’agit pas de renoncer à lutter contre les drogues et de banaliser son usage, mais bien de répondre à une urgence sanitaire et sociale qui concerne des personnes malades, et non pas délinquantes", écrivent-ils.

HEROINE MEDICALISEE. Héroïne sur ordonnance

FRANCE SOIR - De notre correspondant, Gabriel Thierry 30/11/10

http://www.francesoir.fr/faits-divers/heroine-sur-ordonnance.62800

A Liège, en Belgique, des médecins vont prescrire de l’héroïne, gratuite, à une centaine de toxicomanes locaux triés sur le volet.
 Les locaux – l’emplacement des anciennes rotatives d’un quotidien local – sont prêts. Il ne manque que les patients. Et l’héroïne, commandée à une firme des Pays-Bas. A l’image de ce qui se fait déjà en Suisse, au Canada, au Royaume-Uni, aux Pays-Bas, en Espagne et en Allemagne, Liège a inauguré ces derniers jours son centre « Tadam », pour « Traitement assisté par diacétylmorphine ». En clair, centre de délivrance d’héroïne. Sous la surveillance d’infirmiers et d’aides-soignants, les toxicomanes pourront s’injecter ou inhaler de l’héroïne avec une prescription maximale de 900 mg par jour. « Ils la fumeront à “la tache”, c’est-à-dire petit à petit », précise Dominique Delhauteur, le coordinateur du projet.


« La tache ». Dans la salle d’inhalation, trois cabines avec extracteurs de fumée. En face, la salle d’injection, avec deux éviers, l’un pour les bras, l’autre pour les jambes, censés faciliter la dilatation des veines. Entre les deux, le comptoir, où un infirmier délivrera l’héroïne, gratuite, conservée à l’abri dans un réfrigérateur. A Liège, où vivraient environ 1.500 toxicomanes, « la tache » se vend dans la rue aux alentours des 10 € le gramme. A Genève, où il existe un centre comparable, « les dealers ont cassé les prix », note Dimitri, un infirmier.
Tout a été prévu pour que le centre fonctionne bien. Exemple avec le coin repos : c’est ici que les toxicomanes devront attendre une vingtaine de minutes après la prise. La salle n’est pas chauffée, pour éviter les overdoses. Et il n’y a pas d’accoudoirs sur les chaises. « Pour qu’ils tombent plus vite en cas de malaise », explique simplement l’équipe soignante. « On ne craint pas l’overdose, mais le surdosage, précise Dimitri. Notre travail sera de déceler ces signes-là. »

« Junk-city ». Quelques mois après la polémique en France sur les salles de shoot, les Belges ont donc décidé de suivre l’exemple néerlandais ou suisse, en lançant cette expérimentation. « Je suis étonné de la frilosité des autorités politiques françaises, dévoile Dominique Delhauteur. Je ne dis pas qu’on n’a plus d’hésitations en Belgique, mais lorsque l’on parle de toxicomanie, on tombe souvent dans les travers moraux. » Au plat pays, cela fait une quinzaine d’années que le projet Tadam existe. Quinze ans qu’il fait polémique aussi. Il y a peu, un journal flamand avait, ironiquement, rebaptisé Liège « Junk-city », la ville des drogués. Il faut dire qu’ici, les toxicomanes ne se sont jamais cachés : injections dans les parkings ou dans les rues, trafic à la vue de tous en centre centre-ville…
Dans cette ville pilote en matière de traitement de la toxicomanie, à deux pas des frontières néerlandaise et allemande, des associations locales avaient fait le constat, dès 1995, que le traitement par méthadone, un substitut à l’héroïne, « n’était pas la panacée ». « 25 % des toxicomanes ne supportent pas le produit et n’ont pas les mêmes sensations de plaisir », précise Dominique Delhauteur.

« Le but ultime : le sevrage ». Depuis, l’idée d’une distribution médicale d’héroïne a fait son chemin. Sous haute surveillance, puisque l’expérimentation n’est lancée que pour deux ans, sous le patronage de l’université de Liège. Deux groupes de toxicomanes seront comparés : ceux à qui l’on délivre de l’héroïne gratuite, et ceux qui sont traités sous méthadone. Etat de santé, suivi du programme de traitement, consommation parallèle ou encore évolution de leur délinquance permettront alors de dire si l’héroïne gratuite peut être une bonne solution pour traiter les toxicomanes. « Le centre Tadam n’est pas ce que l’on pourrait appeler une “salle de shoot” : ici, on ne pourra pas consommer des produits de “rue” », avertit Dominique Delhauter.
D’ici quelques jours, l’héroïne médicale devrait arriver au centre. La « marchandise » sera gardée derrière un local grillagé et sécurisé, le coin « Guantanamo » du centre. Dès réception, ce dernier aura l’obligation de commencer le traitement dans les dix jours. Une cinquantaine de toxicomanes devraient débuter le programme. Agés de plus de vingt ans, résidents liégeois et accros à l’héroïne depuis au moins cinq ans, ils bénéficieront de leur drogue, gratuitement, pendant un an. Au mieux, ils tenteront alors un sevrage. Au pire, espère le coordinateur, « ils iront vers la méthadone ».

HEROINE MEDICALISEE. Liège, héroïne de lutte contre la dépendance

20minutes – 3.12.2010

La Belgique expérimente un nouveau traitement pour aider les toxicomanes à s’en sortir

Adieu dealers, bonjour médecins. A Liège, en Belgique, on va désormais distribuer de l’héroïne médicalisée. C’est Tadam, une fondation regroupant collectivités et hôpitaux, qui va mener cette expérience inédite dans ce pays, mais déjà menée par six pays européens. Ici vivraient 1 500 toxicomanes, ce qui a valu à la cité wallonne le surnom ironique de « Junk-City » par un journal flamand. Et des commentaires acerbes dans la presse, car « les journalistes se sont braqués sur la gratuité », relève Dominique Delhauteur, coordonnateur du projet.

Traitement d’un an au maximum. Cet homme s’est installé avec médecins et infirmiers dans l’ancienne salle des rotatives d’un quotidien, situé près du quartier chaud, mais, surtout, à deux pas du commissariat. Les toxicomanes pourront ici s’injecter ou inhaler l’héroïne. Eviers pour dilater les veines (en utilisant de l’eau chaude), salle de repos avec des sièges sans accoudoirs « pour qu’ils tombent plus vite en cas de malaise » : tout est prêt. Ne manque plus que l’héroïne, importée des Pays-Bas et en attente de l’autorisation d’exportation.

« Ils sont encore une fois en avance sur nous, on est à mille lieues [ici] d’une démarche pragmatique », regrette Pierre Chappard, le président d’Act Up-Paris, pour qui ce centre « permettra de remettre les plus précarisés dans le système de soins ». Or tous les toxicomanes n’auront pas droit à l’étylmorphine, le nom pharmacologique de l’héroïne. Ils seront une centaine à bénéficier du programme pour une durée maximale d’un an.

« Dès 1995, on avait fait le constat que la méthadone était un échec pour un quart des toxicomanes », rappelle Dominique Delhauteur. Quinze ans plus tard, les médecins vont pouvoir faire l’essai clinique permettant de comparer ces deux traitements. De son côté, Etienne Apaire, président de la mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie (Mildt) dénonce cette initiative qui « fournit les toxicomanes en drogue ».
Projet. La distribution médicalisée d’héroïne en France n’existe pas, Mais trois villes se sont prononcées pour l’ouverture de salles de shoot, des lieux où les toxicomanes peuvent consommer leur propre drogue : Paris, Toulouse, et Marseille. Un vœu pieux car c’est l’Etat qui est compétent. « Elles pourraient ouvrir après 2012 », espère l’association Act Up qui a préféré ne pas militer pour la distribution d’héroïne médicalisée, pour « ne pas brouiller le message »


ECHANGE DE SERINGUES EN PRISON. Les prisonniers toxicos toujours privés de seringues stériles

Par Marie Kostrz | Rue89 | 02/12/2010 | 13H38

Alors que l’usage de drogue est le premier facteur de propagation du sida en prison, l’Etat bloque l’accès au matériel stérile.
Selon l’étude Coquelicot publiée en 2006, 12% des drogués incarcérés ont continué à s’injecter un produit lors de leur séjour en prison. Parmi eux, un sur trois a partagé son matériel d’injection. Les prisonniers toxicomanes seront pourtant toujours privés de seringues stériles. Ainsi en a décidé le gouvernement qui a choisi la politique de l’autruche.

Experts, élus et associations de lutte contre le sida accusent une décision lourde de conséquences sur le plan sanitaire. Ancien détenu et membre d’Act Up, Laurent Jacqua ne décolère pas contre le plan d’action stratégique pour l’amélioration des conditions sanitaires. Dévoilé fin octobre par le gouvernement, il trahit selon lui l’état d’esprit du pouvoir actuel : « La drogue en prison, c’est une évidence, mais il ne veut pas le reconnaître. » Ce qui lui laisse penser cela ? Sur les 86 pages du texte qui planifie l’action du gouvernement jusqu’en 2014, pas une ligne sur un programme d’échange de seringue (PES), qui permettrait aux détenus de disposer de matériel stérile. François Bès, président de l’Observatoire international des prisons, regrette aussi cette impasse : « L’Inserm et le Conseil national du sida ont pourtant tous deux recommandé que cette mesure soit appliquée en prison. »

En prison, le sida circule comme la drogue

Après trente ans passés derrière les barreaux, Laurent Jacqua est persuadé de la nécessité des PES en prison. Il raconte : « Il arrive parfois que trois ou quatre détenus partagent une même seringue. Quand ils n’en ont pas, ils en fabriquent avec une aiguille ou un stylo. Que se passe-t-il quand l’un d’entre eux a le sida ? Et quand ils retrouvent la liberté ? C’est autant de gens de contaminés. C’est criminel de ne pas agir. » Car la came n’est pas la seule à circuler en prison : le sida aussi. L’usage de drogue est le premier facteur d’infection au VIH en milieu carcéral. Selon le Conseil national du sida, le risque d’être contaminé est de quatre à huis fois supérieur en prison qu’à l’extérieur. Il est environ dix fois plus important pour l’hépatite C.
Lors de la présentation du plan, l’ancienne ministre de la Santé Roselyne Bachelot a justifié l’exclusion des PES. Selon elle, cela poserait des « problèmes de sécurité ». Un argument non-recevable pour François Bès : « Les PES sont mis en place dans de nombreux pays : en Espagne, en Suisse, même en Iran. Jamais un détenu n’a agressé le personnel pénitencier avec une seringue. »

Interrogé à l’Assemblée lors des questions au gouvernement, Michel Mercier, garde des Sceaux, justifie l’absence des PES du plan : « Le ministère suit les préconisations d’une mission interministérielle qui souligne le caractère inopportun de ces échanges en prison. » Pierre Chappard, président d’Asud, association pour les usagers de drogue, n’est pas satisfait de la réponse : « Monsieur Mercier parle de la Mildt [Mission interministérielle de la lutte contre la drogue et la toxicomanie, ndlr]. ll s’agit toujours du même qui s’y oppose. Son président, Etienne Apaire, refuse toute avancée sur la réduction des risques. »

De l’eau de Javel en guise de désinfectant

Pour réduire les risques de contamination, pas de PES donc, mais de l’eau de Javel. La généralisation de son usage est en effet programmée pour désinfecter les seringues. La recommandation fait bondir les associations et les élus. Déjà répandue dans certaines prisons, la méthode est contestée par les experts.
Dans une note publiée en 2009, le Conseil national du sida précisait que : « La probabilité d’une désinfection efficace n’est pas garantie. […] Même correctement utilisée, l’eau de Javel ne permet pas d’éliminer avec certitude le VHC [virus de l’hépatite C, ndlr]. »

Pour Laurent Jacqua, l’utilisation de l’eau de Javel est une proposition inutile : « Quand un prisonnier voit sa drogue arriver, vous croyez franchement qu’il va prendre le temps de désinfecter sa seringue ? Non, il va se piquer directement. De toute façon, seule une eau de Javel à 12% a des chances d’être efficace, mais celle distribuée en prison a une concentration inférieure. »
Autre point d’achoppement : le développement des produits de substitution, de plus en plus répandus en prison. S’ils présentent un intérêt, leur efficacité est remise en cause. Pour éviter le deal de ces substances, le personnel soignant pile souvent les cachets, annulant leur efficacité.

L’équité citoyens libres-détenus, un principe non-respecté

En faisant fi de ces revendications, le gouvernement est-il hors la loi ? Médecin psychiatre ayant exercé quatre ans en milieu carcéral et membre de l’Inserm, Laurent Michel rappelle : « En 1994, le principe d’équité des soins entre prisonniers et citoyens libres a été inscrit dans la loi. Or, la vente libre de seringue stérile en pharmacie est autorisée depuis 1987. En interdisant les PES en prison, la France continue à ne pas appliquer la loi. » Ce principe a pourtant été réaffirmé en 2009, dans le projet de loi pénitentiaire adopté par le Sénat. Nicole Maestracci, ancienne présidente de la Mildt, nuance les accusations émises contre le gouvernement. Tout en considérant que les propositions du plan sont « dérisoires », elle relève : « Il faut bien reconnaître que les PES sont difficiles à mettre en place en prison. Les surveillants seraient soumis à des injonctions contradictoires : distribuer des seringues et lutter contre le trafic de drogue, qui est interdite en prison. »

Un blocage très politique

Pierre Chappard a une conviction : les PES ont un jour été envisagés par le ministère de la Santé, qui a finalement fait marche arrière : « Les PES et la mise en place d’un réel programme de réduction des risques pour les usagers de drogues en prison étaient l’un des points phares du plan, jusqu’à ce que François Fillon refuse les salles d’injection. En juin, nous avions été informés de la volonté du ministère de mettre en place des projets pilotes dans les prisons volontaires. Puis, après l’été, plus rien. »
Ces possibles blocages n’ont en rien altéré la détermination de Pierre Chappard : « Nous essayons de sensibiliser les élus le plus possible… On essaye de faire le maximum en attendant 2012, en espérant que le contexte politique changera. »

PREVENTION

Contre les drogues, le Tour de France en camping-car de Delarue

LIBERATION 10/11/2010 (Source AFP)

Le producteur-animateur Jean-Luc Delarue, actuellement en cure de désintoxication, va créer une fondation sur les dangers de l’addiction aux drogues et se lancer dans une tournée d’information à bord d’un camping-car pour alerter les jeunes.
« Début 2011, j’aurai terminé la première étape de ma guérison. La deuxième étape de la méthode Minnesota consiste à rendre ce que l’on vous a donné et a transmettre ce que l’on a appris », annonce Jean-Luc Delarue dans un entretien à TV Magazine. « C’est pourquoi, j’ai décidé de créer une fondation qui aura pour mission d’informer les collégiens et les lycéens sur les dangers de l’addiction aux drogues, dont fait partie l’alcool », ajoute Jean-Luc Delarue depuis la clinique suisse où il est en cure.

Revenir avec « une deuxième partie de soirée »

« Je vais donc prendre la route avec un camping-car et partir dans une cinquantaine de villes en France, en Suisse et en Belgique pendant trois mois a raison de quatre à cinq jours par semaine. Je pense commencer en février ou en mars et je dormirai dans mon camping-car », confie-t-il à TV Magazine.
Jean-Luc Delarue veut organiser des réunions dans les collèges, les lycées, les salles polyvalentes et les MJC « pour partager [son] expérience et aider les jeunes qui courent le risque de se retrouver un jour dépendants de la drogue ou de l’alcool ».
« Un vrai débat avec questions et réponses, et surtout pas un cours magistral ! L’après-midi, je rencontrerai les parents qui le souhaitent », précise le producteur qui, par ailleurs, confirme son intention de revenir à la télévision avec « une deuxième partie de soirée », mais en « prenant le temps ».

Le plan anti-coke de Delarue « peut faire sourire… dommage »

RUE89 – Entretien avec Michel Reynaud. Par Sophie Verney-Caillat | 11/11/2010

Création d’une fondation, tournée en camping-car… Selon un médecin, les engagements pris par l’animateur ne sont pas si farfelus.
Jean-Luc Delarue, tout juste rentré d’un mois de cure de désintoxication dans une clinique suisse, a donné cette semaine une interview « exclusive » à TVMag. Création d’une fondation, Tour de France des MJC en camping-car… L’animateur sera-t-il le nouveau porte-drapeau de la lutte contre la cocaïne ? Décryptage de ce plan anti-coke avec l’addictologue Michel Reynaud.

Reportage-photo léché, confidences intimes, projets de télé… Le fondateur de Reservoir Prod, remplacé par l’animatrice Sophie Davant dans son émission « Toute une histoire », a soigné son retour médiatique -exprimant « [son] souhait de créer une émission de deuxième partie de soirée ».
Nous avons demandé au professeur Reynaud, chef du département psychiatrie de l’hôpital Paul-Brousse de Villejuif et auteur de nombreux livres sur l’addiction, de commenter le programme anti-addiction de Delarue. Il prévient d’entrée de jeu : « J’ai comme habitude de partir avec un a priori positif pour les malades, penser qu’ils peuvent s’en sortir, j’ai toujours eu de bonnes surprises, même dans les cas les plus désespérés. »

« Des objectifs qui motivent autant que la drogue »

TVMag : « Détendu et enjoué, [Jean-Luc Delarue] répond sans détour à toutes nos questions. Dans la douleur parfois. Avec sincérité toujours. »

Rue89 : « Sincérité », vraiment ?

Michel Reynaud : Je vois surtout quelqu’un qui se redonne des valeurs, et on sait que pour sortir de l’addiction, il faut se trouver de nouveaux objectifs qui motivent autant que la drogue. On sait que la drogue est le détournement, au profit du produit, des voies de gestion du plaisir, de la motivation, et des émotions. Les drogues viennent se mettre à la place des neuromédiateurs naturels, opèrent un détournement de cap pour nous permettre d’être en paix avec nous-mêmes. Jean-Luc Delarue s’est redonné des motivations fortes : son fils, l’amour, l’envie de faire partager son expérience, et sous la protection du groupe d’entraide rencontré lors de la cure. Il dit qu’il a retrouvé du plaisir et du bien-être dans son corps, c’est essentiel.

« Les six premiers mois sont les plus difficiles »

Delarue : « J’ai un parrain que je peux appeler vingt-quatre heures sur vingt-quatre et sept jours sur sept ! C’est très important. Il faut prendre l’habitude d’appeler, même quand ça va bien. Et puis je vais revenir un jour par mois à la clinique pendant au moins un an. Ce programme s’inscrit dans la post-cure. »

Quelle est la vraie durée de la « post-cure » ?

Ne pas se retrouver seul, être dans une structure, tout cela est positif. Après, il y a tout le mauvais génie de ces troubles, et les six premiers mois sont les plus difficiles. Une fois ce cap passé, le cerveau est mieux adapté et les rechutes, moins graves. Dans ces groupes, on apprend à gérer la rechute, qui fait partie de la maladie addictive, et qui est généralement entraînée par les mêmes causes :
le stress professionnel ou émotionnel (il en aura de nouveau) ;
les tentations du produit si on a l’occasion de le recroiser (il en trouvera partout) ;
le fait de revivre des situations où on consommait (il apprendra à faire avec).

« Il est dans une période où il faut être optimiste »

« Le mois que j’ai passé en cure a été une renaissance pour moi. C’est un tournant dans ma vie et je n’aurais jamais pu revenir comme avant. […] J’ai aujourd’hui le souhait de créer une émission de deuxième partie de soirée. Mais, par expérience, je sais que je dois prendre mon temps pour être sûr de moi avant de la proposer. Pour l’heure, c’est d’abord à mon rétablissement que je dois penser. »

N’est-ce pas trop tôt, au sortir d’une cure de désintoxication, pour annoncer un projet professionnel ?

Il est dans une période où il faut être optimiste. Mieux vaut être prudent, il se prend à témoin comme quand on annonce qu’on va arrêter de fumer. Dans son cas, il est tellement public qu’il a intérêt à en faire une force, à utiliser sa publicité pour le protéger, même s’il n’est pas plus protégé qu’un autre malade. Il ne faut pas se griser des premières semaines de sevrage.

« Certains profils génétiques sont plus à risques »

« J’ai découvert avec surprise que la dépendance est une maladie primaire. Elle fait partie de l’inné, non de l’acquis. Les dépendants naissent même avec une sensibilité cinq à sept fois supérieure à la moyenne ! …
[Il réfléchit, très ému.] J’ai découvert que ce n’était pas de ma faute si j’étais dépendant… Que c’était inscrit dans mes gènes… Et que je devais me défaire de cette culpabilité et de cette honte. »

La dépendance est-elle aussi « innée » que Delarue le dit ?

Les addictions sont toujours l’interaction entre un sujet, un environnement et un produit. Elles ont une composante génétique importante, mais selon la manière dont on a intégré les souffrances dans son psychisme, on est plus ou moins fragile. Certains profils génétiques sont plus à risques, des sujets ont besoin de vivre des choses fortes, ou d’apaiser un malaise, mais des recherches sont en cours pour déterminer la part du génétique, et il n’y a pas de chiffres. Quand on est plus vulnérable, il faut aussi plus se protéger.

« Ce n’est pas parce qu’on le dit qu’on y arrivera »

« Cela faisait longtemps que je voulais arrêter la drogue et quitter le monde de la dépendance. J’avais prévu de m’arrêter fin septembre après mes tournages J’avais consulté un médecin pour cela, mais le calendrier m’a rattrapé… »

Delarue n’exagère-t-il pas son intention de s’arrêter ?

Beaucoup de gens veulent s’arrêter mais n’y arrivent pas. C’est le propre des drogues : notre partie raisonnable cherche à nous convaincre d’arrêter, mais au fond de vous, vous vous dites : « J’en ai besoin. »
Ce n’est pas parce qu’on le dit qu’on y arrivera. Il était sûrement sincère mais ce n’est pas pour ça que ça aurait marché.

« Pas de contradiction entre les méthodes »

« Le travail des thérapeutes est très subtil… Ce sont tous d’anciens dépendants qui ont la passion d’aider les autres et qui connaissent leur sujet. Nous avions chaque soir un groupe de parole avec des intervenants extérieurs. C’était des témoignages soit d’alcooliques anonymes (AA), soit de narcotiques anonymes (NA) qui nous apportaient leur expérience. »

Le « sevrage Minnesota » dont parle ici Delarue est-il efficace ?

Tous ces groupes d’auto-support fonctionnent pareil, prendre appui sur le groupe est une des méthodes qui a fait ses preuves. Dans notre centre de traitement des addictions, on fait de la motivation comportementale mais on conseille aussi ces groupes, qui apportent une chaleur humaine car il y a une disponibilité chez les militants bénévoles qui complète l’aide des soignants. Il n’y a pas de contradiction entre les méthodes. Ce qu’il a suivi peut aussi se pratiquer en France si l’on n’a pas de moyens, il a sans doute eu plus de confort hôtelier et été plus protégé des paparazzis.

« La cocaïne est associée à d’autres produits »

« Quand je suis arrivé à la clinique pour arrêter la cocaïne, j’ai finalement décidé d’arrêter aussi l’alcool. Même s’il ne s’agit que de quelques verres par semaine, je ne peux pas prendre le risque qu’une dépendance verse dans une autre. Vous comprenez, en arrêtant la cocaïne, je ne voulais pas risquer de me réfugier dans le vin ou le whisky… »

Est-on alcoolique en buvant un verre d’alcool par jour ?

Non, ce n’est pas un verre par jour qui pose problème, mais la consommation de cocaïne est souvent associée à d’autres produits. Dans toutes les cliniques de traitement des addictions, il y a souvent plus de gens qui sont là pour l’alcool, le personnel y est donc très attentif, et a du l’inciter à l’abstinence.

« Les idoles font passer des messages »

« J’ai décidé de créer une fondation qui aura pour mission d’informer les collégiens et les lycéens sur les dangers de l’addiction aux drogues, dont fait partie l’alcool. Je vais donc prendre la route avec un camping-car et partir dans une cinquantaine de villes en France, en Suisse et en Belgique pendant trois mois à raison de quatre à cinq jours par semaine ! Je pense commencer en février ou en mars et je dormirai dans mon camping-car, voire parfois dans un hôtel s’il fait trop froid… Et, à chaque étape, j’organiserai des réunions dans les collèges, les lycées, les salles polyvalentes et les MJC. »

L’image de cet homme de télé dans son camping-car n’a-t-elle pas quelque chose de grostesque ?

Il est dans un monde de communication, de l’extrême… Moi je fais le pari qu’il est sincère et je ne veux pas me moquer. Vouloir rendre ce qu’on a reçu, soigner ce dont on a souffert est une motivation pour s’en sortir. Après, la présentation du camping-car peut faire sourire et c’est dommage…

Peut-il avoir une action efficace sur la prévention auprès des jeunes ?

Oui, car les idoles sont une bonne façon de faire passer des messages. Ils sont souvent montrés comme consommateurs, mais ils peuvent aussi donner des identifications positives. Aux USA, on utilise beaucoup les anciens dépendants pour promouvoir des stratégies de prévention. Quelqu’un qui a une visibilité médiatique a toujours un message plus fort que quelqu’un qui n’en a pas. Après, on ne sait pas quelle image il a auprès du public.

Trois lauréats au concours "Exprime ton talent contre la drogue"

Le Monde.fr | 26.11.10.Par Martine Laronche

La mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie
(MILDT), avec la collaboration de NRJ et de Warner Music France, a présenté, vendredi 26 novembre, les lauréats du concours de projets créatifs destiné à sensibiliser les jeunes contre les drogues.

Les gagnants, Jean-Thomas Vigan, musicien de 23 ans, Ronan Hervé, infographiste de 28 ans, et Guillaume Hamon, étudiant en communication multimédia de 21 ans, ont été respectivement sélectionnés dans trois catégories (musique, vidéo et image) parmi 684 jeunes participants
Cet appel à contributions artistiques a été lancé le 4 octobre, pour dénoncer les méfaits des drogues. Par cette démarche, la MILDT souhaite moderniser sa façon de communiquer en pariant sur une campagne plus mobilisatrice parce que faite par des jeunes.

En France, les adolescents et les jeunes adultes consomment de plus en plus de cocaïne. L’expérimentation chez les jeunes de 17 ans est passée de à 0,9% en 2000 à 3,3 % en 2008. Et même si la consommation de cannabis baisse, elle reste l’une des plus élevées d’Europe : 42,2 % des jeunes de 17 ans déclarent avoir déjà fumé un joint au moins une fois et 7,3 % sont des fumeurs réguliers de cannabis.

"L’ITINÉRAIRE DE LA DROGUE EST TACHÉ DE SANG"

Jean-Thomas Vigan et son groupe Blessin Fire voient dans le thème du concours – talent contre drogue – "un thème inspirant, un bon moyen pour parler simplement aux jeunes, sans dramatiser le discours". Ronan Hervé, de retour d’un tour du monde, a réalisé un film sur le monde de la cocaïne, de ses réseaux, de ses trafics, pour sensibiliser les jeunes, "au delà des risques directs pour la santé", au fait que "l’itinéraire de la drogue est taché de sang".
Guillaume Hamon, lui, a choisi de dessiner un "visage dévasté par la drogue et partagé entre la douleur et l’euphorie (...) reflet des ravages de la drogue, du mal-être et de la déchéance que cela provoque et du voyage infernal vers la mort que cela entraine".

Les trois lauréats finalistes vont maintenant travailler ensemble pour réaliser un projet artistique complet (musique, clip et jaquette). Warner Music France produira et enregistrera le single et les différents partenaires médias le diffuseront en janvier 2011.

AIDE AUX PARENTS

Parents à cran d’ados accros

LIBERATION 23/11/2010

Faire le joint. La Fondation de France organise aujourd’hui à Valence un colloque destiné à aider les familles des jeunes consommateurs de substances psychoactives. Au programme, la déculpabilisation.

Souvent, ce sont les mères qui font la découverte. « Pas forcément parce qu’elles fouillent dans les affaires de leur ado, mais parce qu’elles rangent sa chambre, font le ménage, vérifient qu’il n’y a rien dans les poches des vêtements avant de lancer une lessive », raconte Brigitte Cadéac, directrice du Fil santé jeune, un service de téléphonie anonyme et gratuit. Et que trouvent-elles, ces mères ? Un bout de shit, des mégots, une bouteille de vodka plus qu’entamée… Plus l’ado est jeune, plus la secousse est forte. « Les parents sont souvent totalement désemparés », souligne Geneviève Noël, responsable du programme santé des jeunes au sein de la Fondation de France. Forte de ce constat, la fondation organise aujourd’hui à Valence (Drôme) un colloque sur le thème : « A la rencontre des parents de jeunes consommateurs de produits psychoactifs ».

« Étiquette ».

Pourquoi se préoccuper en particulier des parents ? « Le discours ambiant a tendance à les rappeler en permanence à leurs devoirs, à les culpabiliser, sans chercher à les aider », reprend Geneviève Noël. La Fondation de France a donc pris l’initiative de financer dans tout l’Hexagone des structures qui accueillent les jeunes consommateurs ainsi que leurs parents. Les réponses y sont variées : groupe d’entraide, accueil individuel, thérapies familiales, consultations psy, accompagnement ponctuel ou dans la durée…

Au café de l’Ecole des parents, à Paris, Nathalie Isoré, sa responsable, organise des groupes de parole : « On aide les parents à distinguer ce qui est la réalité et ce qui relève de leurs peurs ; à ne pas coller une étiquette de toxicomane sur leur enfant, ce qui aurait pour effet de le pousser à se conformer à cette image en cas de conflit ; et à ne pas dramatiser. Il y a certes des jeunes qui vont très mal, mais aussi beaucoup d’autres qui croisent ces consommations sans basculer dans une addiction durable. »

Dans les statistiques comme sur le terrain, le constat est cependant le même : les ados goûtent aux produits psychoactifs de plus en plus jeunes. Parfois dès 13 ans, en cinquième ou en quatrième. Et tout y passe, selon sa bourse. De la cigarette aux champignons hallucinogènes, de l’alcool au shit, des cachets à la cocaïne… Tout cela ne laisse pas indifférent. Et n’épargne aucun milieu social.
« Il est indispensable de changer nos regards sur ces consommations », prévient Alain Morel, psychiatre et secrétaire général de la Fédération française d’addictologie. D’ailleurs, chacun est plus ou moins concerné. Des parents fument, boivent de l’alcool, avalent des médicaments. Mais, lorsque leurs enfants s’y mettent, ils sont submergés par l’émotion et ne discernent pas toujours ce qui relève d’une expérimentation (une spécialité d’ados) ou d’une consommation avec une dépendance installée. « Leur désarroi intense pèse dans leurs échanges avec leurs enfants », souligne Marie Villez, directrice du Cèdre bleu, un centre de soin en addictologie à Armentières (Nord). Soutenir les parents dans leur rôle, les aider à poser des priorités, peut parfois suffire à dénouer des situations.

« Passerelle ».

Mais les addictologues en conviennent : ce phénomène qui touche de plus en plus d’individus de plus en plus jeunes a aussi à voir avec « l’hyperconsommation, le plaisir, l’immédiateté » qui sous-tendent l’ensemble de la société. Paradoxalement, les messages sanitaires restent axés sur le danger et l’interdit. Pour les professionnels, « il manque une passerelle qui permettrait peut-être d’apprendre à expérimenter ».

« J’ai trouvé du cannabis dans sa chambre »

Interview. Trois mères dont les enfants fument ou picolent témoignent de leur angoisse.

LIBERATION 23/11/2010

A qui s’adresser quand on panique face à un ado qui boit, fume, etc. Le plateau d’Inter Services Parents (01 44 93 44 93), ouvert aux heures de bureau, offre les services de psychologues, juristes… Témoignages de trois mères inquiètes. Les deux premières se sont confiées à ce service d’écoute téléphonique comme on lance un SOS, la dernière a parlé à Libération.

Annie - Mère d’un apprenti de 18 ans

« Comment dire ? J’ai eu une intuition au sujet de mon fils. Je regarde dans sa chambre et je crois que je viens de trouver une tablette de cannabis… Je suis complètement retournée. Je lui ai toujours dit de ne pas toucher à ça. Mon mari est taxi. Je vais attendre qu’il rentre pour qu’on gère ça ensemble. Mais en l’attendant, qu’est-ce que je fais ? Je remets le cannabis où je l’ai trouvé ? Si je lui en parle, il va me répondre qu’il garde ça pour un copain. Ou va me reprocher d’avoir fouillé. Je ne comprends pas pourquoi mon fils fait ça. C’est notre seul enfant, il n’a à se plaindre de rien : il a tout. On lui a payé une moto, la conduite accompagnée, et on voulait lui offrir une voiture. Mais là, il ne respecte pas le contrat, il n’aura rien.

« Mon fils m’a toujours dit que la drogue ne l’intéressait pas et que, si on avait des doutes, il suffisait de lui faire faire un test. Qu’est-ce que je dois faire, l’emmener chez le médecin ? Faudrait déjà qu’il veuille me suivre. Il va avoir 18 ans. Il est en apprentissage, il gagne sa vie… On ne peut pas l’enfermer, on a de moins en moins de mainmise sur lui. Mais j’ai tellement peur qu’il foute sa vie en l’air… On peut tomber là-dedans et se détruire. Il a un copain qui fume, ça, mon fils me l’avait dit. Il fume du cannabis sur le parking et il entre en cours complètement shooté… et les profs ne réagissent pas ! Ses parents ne voient rien ! Oh, j’ai tellement peur ! Je ne sais pas si sa consommation est régulière. Il n’est pas mou, pas nonchalant, en fait je n’ai pas remarqué de changement de comportement. Mais je n’y connais rien. Je ne sais pas, par exemple, si on peut s’arrêter comme on veut… »

Vanessa - Mère d’un collégien de 13 ans

« Mon fils a 13 ans. Il fume des cigarettes et du haschich. On s’en est aperçu il y a deux mois parce que ses résultats scolaires dégringolent par rapport à l’année dernière (elle retient ses larmes). Il ne travaille plus, nous explique qu’il a découvert la cigarette et qu’il ne pense plus qu’à ça. Nous, on n’est pas fumeurs, mais on sait qu’il n’y a pas que la cigarette. La dernière fois qu’on l’a interrogé, il a fini par avouer qu’il avait fumé un joint et que ça ne lui avait pas du tout plu, mais que ses copains fument du haschich depuis la rentrée.
« On a fait la démarche d’aller à la gendarmerie parce que la vente se passe apparemment devant le collège. Les gendarmes lui ont fait un rappel à la loi et demandé de décrire les personnes qui vendent aux collégiens. On est très inquiets. »

Dominique - Mère d’une lycéenne de 17 ans

« Ma fille Fanny avait 15 ans quand j’ai découvert pour la première fois un cadavre de bouteille de vodka presque vide dans sa chambre. Comprendre que ma fille buvait des alcools forts a été un choc. Aujourd’hui, Fanny a 17 ans. Elle est toujours en train d’essayer de négocier le droit de boire une petite bière avant le dîner. C’est niet. Mais elle insiste :"C’est pas fort, ça fait pas de mal…" Dimanche matin, en rangeant sa chambre, j’ai trouvé une bouteille de whisky. Elle était sortie la veille et avait fait un raffut terrible en rentrant. Elle était complètement bourrée. Je l’ai secouée : "Tu multiplies les risques ! Regarde-toi ! Tu trouves que tu prends soin de toi, de ta santé ?" Elle, elle considère qu’elle a le droit à certains débordements les week-ends.
« Quand elle fume de l’herbe, elle essaie de masquer l’odeur en brûlant de l’encens, ça me met la puce à l’oreille. Je jette tout ce que je trouve. Mais je ne peux pas tout interdire. Les lycéens courent les soirées où ça fume et picole pas mal. J’essaie de tenir un discours pragmatique : "Un joint dans une soirée avec tes potes, peut-être, mais ça doit rester exceptionnel et festif." Un jour, j’ai trouvé des cachets pilés, du Doliprane. Elle comptait en mettre dans des cocktails. J’ai tout balancé dans l’évier.
« Je n’oublie pas que moi aussi, ado, j’ai fait les pires conneries. Mais je ne le lui dis jamais. Mon expérience me permet de ne pas tout gober, d’être suspicieuse sans céder à la panique. Je discute beaucoup de tout ça avec mes amis. C’est comme ça que je trouve des solutions, des réponses. »

(Les prénoms ont été modifiés)

TRAFIC, POLICE, JUSTICE

Un jeune tué lors d’un règlement de comptes à Marseille

LIBERATION 13/11/2010 (Source AFP)

Un jeune homme de 22 ans, déjà connu des services de police, a été tué jeudi soir d’une rafale de Kalachnikov dans les quartiers nord de Marseille.
Les faits ont eu lieu devant plusieurs témoins. Il s’agissait des amis de la victime qui squattaient une petite habitation dans une zone pavillonnaire de la Rose dans le 13e arrondissement. Vers 22h15, deux individus au moins à bord d’une berline allemande volée se sont immobilisés à hauteur du petit groupe sur la voie publique et ont tenu en respect les personnes présentes avec une arme de guerre de type Kalachnikov. La cible des tueurs a été séparée de ses camarades et froidement exécutée d’une rafale, selon les témoins impuissants.
Le procureur de la République de Marseille, Jacques Dallest, s’est rendu sur place et a saisi la brigade criminelle déjà en charge depuis le début de l’année d’une quinzaine de règlements de comptes similaires non élucidés dans le département, sur fond de trafic de drogue. Parmi les premières pistes retenues dans cette affaire, celle d’une vengeance pour avoir contrevenu aux règles habituelles des participants à ce type de trafic qui génère d’importants revenus occultes, selon un policier syndicaliste.

Marseille : exécution à la kalachnikov

LIBERATION 13/11/2010 Récit. L’assassinat jeudi de Franck Notta, 22 ans, est le 21e homicide dans le département depuis janvier.

Jeudi, 22 h 15, un petit vent frais souffle sur Marseille. Une dizaine de jeunes discutent sur un trottoir de l’allée des Chardonnerets, une impasse plutôt paisible du quartier de La Rose, dans le XIIIe arrondissement de la ville. Occupés par leur conversation, ils ne remarquent pas une Volkswagen Golf qui s’engage dans la rue, bordée de part et d’autre de hauts grillages rouillés et, plus loin, de petites villas construites après-guerre. Arrivée à leur hauteur, la voiture s’arrête. Selon les enquêteurs, deux hommes cagoulés en descendent tranquillement, un pistolet-mitrailleur de type kalachnikov à la main. D’un geste, l’un d’eux désigne un jeune au milieu du groupe et fait signe aux autres de s’écarter. Les deux hommes cagoulés ouvrent alors le feu sur leur cible, qui se tient debout dos au grillage, à moins de 3 mètres de distance. Dix balles atteignent Franck Notta, 22 ans, déjà connu des services de police pour divers délits mineurs, liés en partie au trafic de stupéfiants. Touché au thorax et à l’abdomen, il s’écroule mort sur le trottoir, alors que ses comparses prennent la fuite. Les tireurs remontent aussitôt dans la voiture, effectuent un demi-tour puis redémarrent en trombe vers la sortie. Dans la manœuvre, le chauffeur accroche un jeune de 16 ans qui faisait partie du groupe et le traîne sur plusieurs mètres, avant que la voiture ne disparaisse au coin de la rue. Conduit à l’hôpital, l’adolescent souffre de plaies et de traumatismes aux jambes.

Territoire.
« Une affaire tristement banale pour Marseille », commente Jacques Dallest, procureur de la République à Marseille, accouru sur place jeudi soir, juste après les faits. L’assassinat de Franck Notta est le quinzième homicide depuis le début de l’année à Marseille et le vingt-et-unième dans les Bouches-du-Rhône, pour une quarantaine de tentatives en tout. Selon le procureur, onze de ces assassinats sont « caractéristiques de la délinquance des cités, où on se dispute le territoire pour les trafics de stupéfiants et d’objets volés ». Les quatre autres « relèvent plutôt du grand banditisme, un monde qui ne se mélange pas à cette petite délinquance très violente. » L’endroit où Franck Notta a été exécuté serait connu des policiers marseillais pour abriter un trafic de cannabis. Le précédent règlement de comptes du genre remonte au 11 septembre. Ce soir-là, un gamin de 16 ans avait été retrouvé mort dans la cage d’escalier de son immeuble de la cité de La Busserine, dans les quartiers nord de Marseille, où l’argent des trafics permet à quelques délinquants de mener grand train et à des dizaines de familles de boucler sans trop de peine les fins de mois.

Le 24 août, ce sont deux petits caïds de la cité de La Cayolle, dans les quartiers Sud, qui étaient liquidés à la kalachnikov par deux tueurs perruqués. La scène s’est déroulée en plein après-midi, sur un rond-point à l’entrée de la cité. Mesul Erkol, 31 ans, et Mohamed Karabernou, 29 ans, circulaient à bord d’une Porsche Cayenne flambant neuve lorsqu’ils ont été mitraillés. Erkol avait échappé à une première tentative d’assassinat, en août 2007. Tous deux étaient suspectés de jouer un rôle majeur dans un trafic de cocaïne. L’un des tueurs impliqué dans cette exécution serait un gamin de 16 ans. Interpellé à Marseille, il y a quelques semaines, il a été mis en examen pour assassinat, puis écroué.

« Rajeunissement ».

Franck Notta, lui, n’était « pas répertorié comme pouvant être la cible d’une exécution », indique Jacques Dallest. Depuis quelques années, le procureur observe « non pas une recrudescence de meurtres, plutôt moins nombreux qu’il y a vingt ans, mais un rajeunissement des auteurs et des victimes, avec une utilisation pas toujours bien maîtrisée d’armes de guerre ».

Règlements de comptes à Marseille. Précédents

LIBERATION 13/11/2010

Le 27 mai, Nadir Berouag, 55 ans, connu pour trafic de stupéfiants, est exécuté de 12 balles de kalachnikov au volant de sa voiture, sur l’avenue des Arnavaux, dans le XIVe arrondissement. La voiture des tueurs est retrouvée le lendemain, incendiée sur un parking de la cité Font-Vert. Le fils de la victime avait été assassiné en juin 2009 sur le parking d’un hôtel, à Saint-Antoine, dans les quartiers nord de Marseille.
Le 30 août, un jeune homme de 27 ans, connu des services de police pour trafic de stupéfiants, est retrouvé carbonisé au volant d’une Audi S3 à Eoures, entre Marseille et Aubagne. Son autopsie révèlera qu’il a été tué d’une balle de gros calibre en pleine tête.
Le 3 août, trois hommes, connus pour des faits de vol et de violences, sont pris pour cible dans le XIVe arrondissement de Marseille par le passager d’un scooter armé d’un fusil d’assaut. L’un d’eux, atteint à la tête, meurt. Son frère et un ami sont blessés.

Marseille : encore un règlement de comptes à la Kalachnikov

LIBERATION 14/11/2010 (Source AFP)

Un homme de 30 ans a été blessé par balles samedi soir dans la proche banlieue de Marseille, dans ce qui ressemble à un second règlement de comptes à la Kalachnikov en 48 heures, a-t-on appris dimanche de source proche de l’enquête.
Ce piéton a été pris pour cible, vers 22h15, alors qu’il se trouvait sur la commune des Pennes-Mirabeau (Bouches-du-Rhône), par des individus à bord de deux voitures et armés notamment de Kalachnikov.
Touché d’au moins deux balles dans le dos, la victime, connue de la police pour de petits délits, est parvenue à s’enfuir en sautant un petit parapet pour échapper aux tueurs, a-t-on précisé de même source.
Ces derniers ont pris la fuite et ont incendié un de leurs véhicules en abandonnant leurs armes, en cours d’expertise au laboratoire de police scientifique. Le blessé a quant à lui eu le temps d’alerter les secours et un proche afin d’être conduit à l’hôpital en scooter.

Le parquet d’Aix-en-Provence a confié les investigations à la brigade criminelle, déjà en charge d’un assassinat survenu jeudi soir à la Kalachnikov dans les quartiers Nord de Marseille. La victime de cet assassinat, Franck Notta, 22 ans, n’avait pas lui aussi le profil d’un membre du grand banditisme. Après s’être rendu sur place, le procureur de la République de Marseille, Jacques Dallest, avait stigmatisé le recours systématique aux armes de guerre pour résoudre des conflits liés pour la plupart au trafic de drogue.
Depuis le début de l’année, une quinzaine de règlements de comptes similaires non élucidés, sur fond de trafic de drogue, ont eu lieu dans les Bouches-du-Rhône.

Un adolescent tué et un autre blessé dans une fusillade à Marseille

LEMONDE.FR avec AFP et Reuters | 20.11.10

Un adolescent de 16 ans, connu des services de police, a été tué vendredi [19.11 au] soir, au cours d’une fusillade dans une cité des quartiers nord de Marseille. Un jeune garçon de 11 ans a également été grièvement blessé par balles au dos, au bras et à la jambe, dans la fusillade qui s’est déroulée aux alentours de 22 heures à la cité Le Clos La Rose (13e arrondissement).
Selon les premiers éléments de l’enquête, les coups de feu ont été tirés depuis deux voitures à bord desquelles plusieurs personnes, armées notamment de fusils d’assaut kalachnikov, avaient pris place pour ce qui s’apparentait à une "expédition punitive" liée à un trafic de drogue.
Le jeune de 11 ans que les enquêteurs soupçonnent d’être un guetteur dans le cadre du trafic de stupéfiants, a été pris en charge sur place par les marins-pompiers avant d’être conduit à l’hôpital de permanence tandis que celui de 16 ans s’est rendu par ses propres moyens à l’hôpital avant d’y succomber des suites de ses blessures.

QUINZE FUSILLADES DANS LES BOUCHES-DU-RHÔNE

"L’enfant était bel et bien visé par les tueurs", a déclaré le procureur de la République Jacques Dallest, cité par La Provence. "Même si l’enfant de 11 ans faisait le guetteur pour le compte d’un vendeur, c’est incroyable à cet âge-là d’être la cible d’un règlement de comptes", a-t-il noté. Les fusillades à l’arme automatique se sont multipliées ces derniers temps dans la région marseillaise. L’adolescent tué vendredi soir est la 18e victime de règlements de comptes depuis le début de l’année dans les Bouches-du-Rhône, et le rythme s’accélère, relève le quotidien régional qui publie une carte recensant toutes les morts violentes. (...)

Un adolescent tué à la Kalachnikov à Marseille
Le ministre de l’Intérieur Brice Hortefeux se rend sur place dimanche après-midi.

LIBERATION 21/11/2010 (source AFP)

Le ministre de l’Intérieur Brice Hortefeux se rend dimanche après-midi à Marseille "pour décider des mesures à prendre" après la mort d’un adolescent de 16 ans, tué à la kalachnikov, probablement dans le cadre d’un règlement de comptes sur fond de trafic de drogue. Deux autres personnes, dont un enfant de 11 ans, ont été blessées à Marseille par plusieurs individus circulant à bord de deux véhicules.

S’exprimant au sujet de ce nouvel assassinat qui fait suite à plusieurs fait-divers du même ordre, ces derniers mois, le maire UMP de Marseille, Jean-Claude Gaudin, a exigé des renforts de police.
"Marseille, deuxième ville du pays, doit obtenir les renforts de police nécessaires pour enrayer cette dérive : l’Etat doit désormais nous entendre pour doter la cité phocéenne des effectifs de police nationale adaptés, et répondre ainsi efficacement à ces violences inacceptables", a dit l’élu dans un communiqué.

Aux alentours de 22H00 vendredi, dans une cité des quartiers nord, Le Clos La Rose (13e arrondissement), "plusieurs individus" à bord de deux véhicules ont tiré sur un jeune homme de 16 ans, connu des services de police pour des faits mineurs, le blessant mortellement, a décrit le procureur de la République de Marseille, Jacques Dallest, lors d’une conférence de presse, samedi matin. Ils ont ensuite déclenché une deuxième rafale contre un autre immeuble de la cité, atteignant un garçon de 11 ans au cou, au bras et à la jambe. L’enfant a été hospitalisé mais ses jours ne sont pas en danger, a précisé le procureur.
Les enquêteurs se sont interrogés sur le choix de cette cible et ont évoqué l’hypothèse qu’il puisse avoir joué un rôle de guetteur dans le cadre d’un trafic de stupéfiants. "Il habite un bloc à côté, c’est pas un petit qui était guetteur ou quoi que ce soit. Il a reçu trois balles pour rien, trois balles perdues. Je l’ai vu, il était devant mon commerce en train de s’amuser avec ses petits collègues de son âge", a affirmé Naceur qui gère un snack à proximité du lieu des tirs, au micro de RTL. Le garçon était accompagné de sa soeur de 14 ans, qui, elle, n’a pas été atteinte.

Après les tirs dans la cité, les agresseurs ont ensuite pris pour cible sur l’autoroute un automobiliste qui a été blessé au bras. Ils "ont abandonné leurs voitures près d’Aix et y ont mis le feu. On a retrouvé les armes ayant vraisemblablement servi au crime, abandonnées et brûlées dans ces véhicules : trois kalachnikov", a expliqué le procureur.
Il n’y a "pas de mobile clair, mais, très souvent, ces exécutions bien organisées et très violentes s’inscrivent dans une logique de règlements de comptes liés à des trafics de drogue qui sont une activité majeure dans un certain nombre de cités marseillaises", a-t-il souligné. "C’est la première fois à ma connaissance qu’on s’en prend à de si jeunes mineurs", a affirmé M. Dallest. "Tous les jours, les services de police interpellent des dealers, des gens en possession d’armes, tous les jours, des gens sont condamnés ici à Marseille mais il faut encore amplifier ce travail en unissant toutes les forces de sécurité et en demandant aux habitants de nous aider" par le biais de témoignages sous X par exemple, a dit le responsable du parquet de Marseille.
Les fusillades se sont multipliées ces derniers temps dans la région marseillaise.(...)

Hortefeux promet des renforts policiers à Marseille

LIBERATION 21/11/2010 (Source AFP)

Le ministre était en déplacement au lendemain de la fusillade à la Kalachnikov au cours de laquelle un adolescent de 16 ans a été tué et un enfant de 11 ans grièvement blessé.

Le ministre de l’Intérieur Brice Hortefeux a annoncé dimanche à Marseille un renforcement des effectifs de la police marseillaise, dans le cadre de quatre mesures destinées à renforcer la lutte contre les trafics et la prolifération d’armes.
« Les Marseillais ont droit, ni plus ni moins, au même niveau de sécurité qu’au niveau national », a affirmé M. Hortefeux, s’exprimant après une réunion d’une heure environ avec l’ensemble des responsables de la sécurité en région marseillaise ainsi que le maire Jean-Claude Gaudin (UMP).

Au lendemain d’une fusillade au cours de laquelle un adolescent de 16 ans a été tué et un enfant de 11 ans grièvement blessé dans le nord de la ville, le ministre a tout d’abord déclaré qu’il allait accroître les effectifs liés au renseignement et que « deux unités de force mobile », soit environ 150 CRS, seraient déployés avec pour « mission exclusive » la « sécurisation et la surveillance des quartiers sensibles ».

Selon M. Hortefeux, 5 policiers « spécialisés » supplémentaires vont ainsi être affectés « dès le 1er décembre » au Service départemental d’information générale (SDIG – renseignement). La mobilisation des deux unités de CRS a quant à elle pour objectif de « donner un coup d’arrêt » aux trafics, selon le ministre. La troisième mesure consiste en un « renforcement des équipes d’enquête » au sein de la police judiciaire. Enfin, le ministre souhaite que les ressources des personnes soupçonnées de trafics de stupéfiants soient « passées au peigne fin » d’ici à la mi-décembre, notamment grâce au fichier Stic (Système de traitement des infractions constatées). Dans le cadre de cette mobilisation globale, le ministre a évoqué des « opérations coups de poing dans les plus brefs délais ». Par ailleurs, 117 adjoints de sécurité doivent être mis à la disposition du préfet pour Marseille et son agglomération pour des missions de police sur la voie publique, a-t-on appris auprès de la préfecture.
« C’est bien entendu quelque chose de positif », a estimé M. Gaudin, après les annonces faites par le ministre, ajoutant qu’il allait « bien sûr multiplier la vidéosurveillance » et « faire tous les efforts nécessaires » pour endiguer la violence. « Il est temps de mettre un coup d’arrêt à ces meurtres et à ce trafic de drogue qui portent atteinte à l’image de notre cité », a dit l’élu.
Pour le représentant PS de l’opposition municipale, Patrick Mennucci, la série de mesures annoncées est « molle et tardive ». Il fait remarquer qu’au lendemain de l’incendie volontaire d’un bus dans les quartiers nord au cours duquel une jeune femme, Mama Galedou, avait été grièvement brûlée fin 2006, M. Sarkozy avait aussi annoncé la mobilisation des effectifs de CRS, sans que cela soit efficace. « Il manque 350 policiers dans le département, je constate que malgré la situation, le gouvernement n’a pas décidé de renforcer réellement la police nationale à Marseille », a-t-il estimé.

Les fusillades se sont multipliées ces derniers temps dans la région marseillaise. Selon la comptabilisation effectuée par M. Hortefeux, « depuis janvier 2009, ce sont, au total, 26 règlements de compte qui ont été recensés. Ces règlements de compte ont donné lieu à 19 personnes tuées [7 en 2009 et 12 depuis le 1er janvier 2010] et 16 blessées dans la seule ville de Marseille ».

Kalachnikov et gilet pare-balles : la Baby Connection de Marseille

RUE89 - Par Jacques Davignac. | journaliste | 21/11/2010

On le sait depuis belle lurette, Marseille est la ville de tous les excès. Ce vendredi, par exemple, elle a battu, mine de rien, un double record : celui de la plus jeune victime d’un règlement de comptes perpétré avec une arme de guerre dans une cité des quartiers nord de Marseille, le Clos La Rose (XIIIe), où un gamin de 11 ans a été pris pour cible et grièvement blessé de trois balles par un commando de cinq tueurs au moins qui a délibérément « arrosé » l’entrée du bâtiment 41 où demeure sa tante. Aucun organe vital n’a été touché et la vie du garçonnet, atteint au cou, au bras et dans le dos, n’est pas en danger. Contrairement à certaines informations diffusées sur les médias nationaux, rien n’indique formellement qu’il faisait le guet. Un autre adolescent, âgé de 16 ans, connu pour sa participation à des trafics de drogue, a été tué par le même commando de tueurs encagoulés et armés de Kalachnikov, une arme dont les rafales partent en gerbe.
Le ministre de l’Intérieur, Brice Hortefeux, devrait se rendre ce dimanche en fin d’après-midi à la cité le Clos de la Rose. « Très choqué et scandalisé », le sénateur-maire (UMP) de Marseille, Jean-Claude Gaudin, a solennellement réclamé ce samedi des renforts policiers pour « d’enrayer cette dérive ». L’adolescent exécuté vendredi soir est la quatorzième victime de ce type d’expédition punitive depuis le début de l’année.

« Je n’ai rien entendu, rien vu, rien dit »

En septembre, déjà. Un mort âgé de 16 ans d’un côté, un tueur âgé de 16 ans de l’autre, cité La Cayolle, dans les quartiers sud de la cité phocéenne où un double assassinat a été perpétré il y a deux mois devant une foule de badauds médusés, en plein après-midi.

Les policiers de la brigade criminelle se sont d’abord heurtés à la traditionnelle « omerta » des cités qui ressemble aux recommandations des petits singes de la Mafia : « Je n’ai rien entendu, rien vu, rien dit. » Le procureur Jacques Dallest a même lancé un appel à la population de la cité et aux témoins éventuels de la scène pour qu’ils témoignent « sous X », c’est-à-dire en leur garantissant l’anonymat. Personne n’est venu.

« Aujourd’hui, les voyous font parler la poudre cash »

Il a fallu que les enquêteurs découvrent au sein d’un même immeuble de La Cayolle ( ! ), deux clans opposés : celui des Gitans, qui ne supportent pas qu’on piétine leurs plates-bandes, et celui des Maghrébins. L’embrouille s’est soldée ce jour-là par un guet-apens mortel devant ce fameux immeuble. Bilan : deux morts, dont l’un écrasé au passage par les tueurs lorsqu’ils ont pris la fuite en voiture, ce qui en dit long sur leur volonté d’imposer « leur » loi en matière de trafic de cannabis ou de cocaïne. Deux jeunes « connus défavorablement des services de police » pour leur propension aux trafics en tous genres.

L’auteur principal de ce règlement de comptes, un ado de 16 ans, a été identifié en octobre et écroué aux Baumettes à Marseille. Celui qui tenait le volant du véhicule n’est autre que son père, activement recherché dans le cadre de cette affaire de double meurtre. « Naguère, les voyous ne réglaient leurs comptes qu’en ultime recours, après l’arbitrage des juges de paix du milieu, aujourd’hui, ils font parler la poudre cash », confie un policier de la « Crim ».

« Ils se servent de Kalach comme de rasoirs jetables »

Cash et Kalach : car sur les dix-huit règlements de comptes liés au trafic de drogue qui ont ensanglanté le pavé marseillais depuis le début de l’année, la plupart ont été commis avec des Kalachnikov, un fusil mitrailleur en vogue dans les ex-pays soviétiques et très prisés des « jeunes loups » marseillais.
C’est en effet la seconde caractéristique de cette « Baby Connection », qui a remplacé la French Connection, elle se balade avec des gilets pare-balles, des armes de guerre et des grenades offensives comme n’importe quel militaire en Afghanistan, ce qui revient à dire qu’on a davantage affaire à des « soldats de la drogue », prêts à tuer et à se faire tirer dessus à tous moments, qu’à de simples trafiquants.
« Ils se servent de Kalach comme de rasoirs jetables, ils les abandonnent et les brûlent après usage, ce qui prouve qu’ils en dissimulent à profusion dans leurs caves », souligne un enquêteur. La preuve : un jeune homme a été criblé de balles dans le dos la semaine dernière dans un village proche de Marseille, les « Pennes-Mirabeau », il n’a été que légèrement blessé grâce à son gilet pare-balles qu’il a dissimulé avec son revolver avant l’arrivée des secours…

320 opérations stups depuis le début de l’année, en vain

La troisième caractéristique de la « génération Kalach », outre son très jeune âge et ses intentions belliqueuses, c’est qu’elle est familiale : à la cité des Carmes, les policiers ont démantelé une filière de shit dirigée par le père, et géré par le fils, la fille, etc.
Les « plans stups », qui prolifèrent dans les cités marseillaises, rapportent en moyenne 8 000 à 10 000 euros par jour aux trafiquants, on comprend mieux pourquoi ils s’entretuent.

Le préfet de police Philippe Klayman, a lui-même mené des opérations coups de poings depuis le début de l’année (plus de 320 ! ) dans les cités pour y déstabiliser le trafic : peine perdue, les dealers, « choufs » (guetteurs) et autres nourrices incarcérés sont aussitôt remplacés par d’autres trafiquants.
« Le trafic de drogue à Marseille, c’est comme le chiendent : plus vous le fauchez, plus il repousse », confie un brin désabusé un magistrat de la juridiction spécialisée contre le banditisme qui va devoir se reconvertir dans la délinquance juvénile.

A Marseille, règlements de comptes en rafales

Exécution. Un adolescent de 16 ans a été tué à la kalachnikov vendredi, et un autre de 11 ans blessé.

LIBERATION 22/11/2010

Quatorze morts, série en cours : c’est le bilan des règlements de comptes à Marseille depuis onze mois. Dernière victime en date, Jean-Michel, 16 ans, a été exécuté d’une rafale de kalachnikov vendredi soir devant une entrée d’immeuble de la cité le Clos de la Rose (XIIIe arrondissement).
Une fois cette première cible éliminée, les tireurs, répartis dans deux voitures, ont fait feu sur un gamin de 11 ans qui s’était réfugié dans le hall de l’immeuble avec sa sœur de 14 ans. Une première balle l’a atteint au pied et une deuxième dans le dos. La troisième, entrée dans l’avant-bras, est ressortie au niveau du cou. Sitôt les assaillants repartis, le gamin a réussi à grimper deux étages avant l’arrivée des marins-pompiers. Admis à l’hôpital, il est maintenu en coma artificiel. Les médecins le disent hors de danger.

Sandwich.

A-t-il été visé parce qu’il jouait les guetteurs pour la victime, connue pour trafic de stupéfiants ? La famille dément vigoureusement, expliquant qu’il était juste descendu acheter un sandwich avec sa sœur.

Jean-Michel, mortellement touché de sept balles, n’aura pas l’occasion de s’expliquer. Vendredi vers 22 heures, il était assis dans un fauteuil en cuir déglingué, devant une table basse posée au pied de l’immeuble, quand ses agresseurs l’ont arrosé au fusil-mitrailleur. Selon les policiers, c’est là que tous les soirs il revendait des barrettes de shit à une clientèle d’habitués, a priori pour le compte d’un trafiquant de la cité voisine de Frais-Vallon. Le succès commercial de la petite équipe a-t-il déplu aux dealers qui tiennent le « plan » voisin, établi depuis plus de vingt ans près de la station de métro La Rose ? C’est ce que pensent les voisins de la cité, excédés par cette escalade de violence.

Après son équipée meurtrière, le commando composé d’au moins cinq hommes a pris la fuite en direction de l’autoroute A 51, ouvrant le feu sur un automobiliste qui roulait vers Aix-en-Provence, le touchant au bras. C’est là, entre Marseille et Aix, que les policiers ont retrouvé les deux voitures carbonisées, avec trois kalachnikovs dans le coffre et un pistolet automatique.
« C’est une aggravation certaine de la situation », estime le procureur de la République de Marseille, Jacques Dallest, rappelant que « des personnes ont déjà été exécutées d’une telle manière », mais que c’est « la première fois que l’on s’en prend à un si jeune mineur ». Selon lui, « même s’il n’y a pas de mobile clair, ces exécutions bien organisées et violentes ont pour fond un trafic de drogue ». Quant à l’éventuelle implication du gamin de 11 ans dans ce trafic, « aucun élément ne permet de dire que c’était un guetteur et qu’il était directement visé », selon le directeur adjoint du SRPJ, Christian Sivy.

Fusillades.

L’adolescent abattu vendredi soir est la quatorzième victime de règlements de comptes depuis le début de l’année à Marseille. Dans l’intervalle, les policiers ont dénombré 17 fusillades et une quarantaine de tentatives de meurtre. Le 13 novembre, un homme de 30 ans a été blessé par balles aux Pennes-Mirabeau, au nord de Marseille. Deux jours plus tôt, Franck Notta, 22 ans, connu pour divers délits, avait été abattu en milieu de soirée dans une allée résidentielle, à quelques centaines de mètres du Clos de la Rose, lui aussi d’une rafale de kalachnikov.

En visite hier à Marseille, le ministre de l’Intérieur, Brice Hortefeux, a annoncé un léger renforcement des effectifs de police pour les enquêtes et sur le terrain, avec deux unités de CRS pour la « sécurisation et la surveillance des quartiers sensibles ».

Marine Le Pen nostalgique de la peine de mort

LIBERATION 22/11/2010

La « modernité » de Marine Le Pen a des limites. En pleine bataille contre Bruno Gollnisch pour la succession de son père à la tête du Front national, la vice-présidente du parti a pondu ce week-end un communiqué pour réclamer le rétablissement de la peine de mort pour les trafiquants de drogue. « A Marseille, à Grenoble, ils tuent et assassinent des enfants en toute impunité […]. Au pouvoir, le FN éradiquera le trafic de drogue. Pour cela, il rétablira la peine de mort pour les trafiquants », écrit-elle.

Marseille : les mesures de Brice Hortefeux peuvent-elles enrayer la criminalité ?

Le Monde.fr | 22.11.10 – par Yves Bordenave

Deux unités de forces mobiles supplémentaires (soit 150 hommes) déployées pour faire face à l’urgence, 117 adjoints de sécurité (ADS) qui seront affectés "prochainement" et cinq policiers "spécialisés et expérimentés" du service départemental d’information générale (SDIG) : en déplacement à Marseille dimanche 21 novembre, le ministre de l’intérieur Brice Hortefeux a annoncé des mesures visant à renforcer la lutte contre la criminalité, deux jours après la mort par balles d’un adolescent de 16 ans, à la cité Le Clos La Rose.
C’est que depuis deux ans, la cité phocéenne n’en finit pas de compter ses morts, tombés dans une guerre des cités pour le contrôle du trafic de drogue. Dix-neuf morts depuis janvier 2009. Tous des jeunes issus des cités des quartiers nord pour la plupart. Les plus vieux n’avaient même pas 30 ans. Jusqu’à vendredi, les mineurs avaient été épargnés.

Le mobile de cette succession d’homicide ? Aucun, sinon cette folie meurtrière dont sont atteints des petits malfrats qui s’achètent des kalachnikovs vendues entre 300 et 500 euros sur le marché clandestin des armes et qui ont trouvé dans le commerce des stupéfiants, une source de revenus et un mode de vie.

Selon un responsable de la police marseillaise, de nombreux grands ensembles des quartiers nord de la deuxième ville de France sont affectés par ces trafics. Des petites bandes de jeunes – il y en a probablement plusieurs dizaines –, constituées sur le modèle des gangs américains, défendent leur territoire arme au poing. Ceux qui tuent ont l’âge de ceux qui meurent.

MESURES "MOLLES ET TARDIVES"

A Marseille, le drame survenu vendredi a suscité une vive émotion. Le maire Jean-Claude Gaudin a exigé "des renforts de police nécessaire pour enrayer cette dérive". "L’Etat doit nous entendre pour doter la cité phocéenne des effectifs de police nationale adaptés, et répondre ainsi efficacement à ces violences inacceptables", a-t-il insisté.

Les dispositions adoptées par le ministre de l‘intérieur suffiront-elles à venir à bout d’un fléau qui gangrène des quartiers par ailleurs naufragés par le chômage et la crise économique, s’ils s’en réjouissent, les syndicats policiers en doutent. Tout comme la gauche marseillaise qui par la voix de Patrick Menucci (PS), président du groupe d’opposition au conseil municipal, ils estiment que ces mesures "molles et tardives" sont insuffisantes. Selon l’élu PS, "il manque 350 policiers à Marseille".

Reste que le déploiement de nouvelles forces de police et l’organisation d’"opérations coups de poing" plus ou moins spectaculaires comme l’a demandé M. Hortefeux, pourraient – au moins pour un temps – mettre un frein à cette macabre série. Jusqu’à quel point ? "Cela peut avoir le mérite de donner un coup de pied dans la fourmilière, mais ça déplacera le problème ailleurs", redoute un magistrat marseillais.

Premières "opérations coup de poing" à Marseille

LEMONDE.FR avec AFP | 23.11.10

Annoncées ce week-end par le ministre de l’intérieur Brice Hortefeux, les "opérations coups de poing" contre le trafic de drogue et les violences à Marseille ont commencé lundi 22 novembre dans la soirée. Une centaine de policiers accompagnés de gendarmes ont mené des opérations de contrôle dans plusieurs quartiers de la ville. Le but affiché était de "récupérer des armes et lutter plus efficacement contre les dealers et les trafiquants", a affirmé Brice Hortefeux lundi soir.

Il s’exprimait au lendemain d’une visite à Marseille après qu’un jeune homme de 16 ans a été tué dans une fusillade, blessant un autre jeune garçon de 11 ans, dans le quartier de la Rose (13e arrondissement). "J’ai annoncé un certain nombre de mesures qui allaient de la réorganisation à des renforts spécialisés en matière de renseignement, d’investigation et humains, dont l’arrivée de deux unités de CRS", a-t-il rappelé. "Cela s’est fait lundi, où deux unités de CRS ont été déployées", a-t-il poursuivi.

UNE KALACHNIKOV DANS LE COFFRE D’UNE VOITURE

L’opération, fortement médiatisée, a notamment permis aux forces de l’ordre de saisir une kalachnikov dans le coffre d’un puissant 4 × 4 de luxe, immatriculé au Luxembourg, dont le conducteur a immédiatement été placé en garde à vue. Venu sur les lieux, le préfet de la région PACA, Hugues Parant, a justifié cette opération par "la volonté de mettre un coup d’arrêt à la circulation, à la détention et au recel d’armes de guerre qui peuvent tuer non seulement les gens qui se livrent à des trafics mais menacent gravement la vie d’enfants ou d’adultes qui n’ont rien à voir. Nous voulons intervenir fortement, et cette action est destinée à se poursuivre dans la durée pour que nous puissions porter un coup décisif à cette circulation d’armes", a-t-il averti.
Selon Brice Hortefeux, le "combat" mené à Marseille "est double : opérations coup de poing, coups de pied dans la fourmilière pour bloquer, interrompre la situation, et un travail de fond grâce aux services d’investigation", a-t-il souligné, annonçant que de telles opérations "se reproduiront autant que cela sera nécessaire".

Vaste opération de police à Marseille

LIBERATION 24/11/2010 (Source AFP)

Une vaste opération de police a été lancée mercredi à l’aube, en présence de nombreux médias, dans la cité du nord de Marseille où un adolescent de 16 ans a été tué et un enfant de 11 ans blessé vendredi sur fond de trafic de drogue, a constaté une journaliste de l’AFP. Entre 180 et 200 hommes se sont déployés dans les blocs de la cité du Clos La Rose (XIIIème arrondissement), sous l’autorité du préfet délégué à la sécurité, Philippe Klayman. De nombreux journalistes - une trentaine au moins - assistaient à l’opération lancée à partir de 06H00 du matin avec des membres de la police judiciaire, des CRS, de la brigade cynophile.

Peu après 07H30, une interpellation d’un jeune considéré comme un guetteur avait été opérée et une moto saisie, selon un enquêteur. "On s’inscrit dans la durée, toutes les cités de Marseille vont y passer, et plusieurs fois", a déclaré le préfet Klayman à l’AFP. L’opération se déroule dans le cadre de deux enquêtes parallèles, une de la police criminelle et une de la sécurité publique.
Les journalistes ont pu accompagner les enquêteurs dans les caves, mais pas dans les appartements. Un enquêteur assurait que cette opération visait "à confisquer tout élément permettant de commettre des infractions, pour rendre le quotidien des malfaiteurs plus difficile, en saisissant leur véhicule, leurs armes éventuelles et tout ce qui touche aux stups".

Entre les bâtiments, à l’endroit précis où avait été abattu le jeune homme d’une rafale de fusil d’assaut Kalachnikov, ont été déposés des bouquets de fleurs, des bougies, des messages, une photo de l’adolescent.
D’autre opérations "coup de poing", selon les termes du ministre de l’Intérieur Brice Hortefeux lundi, ont été menées dans des cités marseillaises pour tenter d’enrayer la vague de violence qui touche cette ville. Ainsi, mardi, c’était la cité des Néréides, au sud, qui a été passée au crible.

Nouvelle opération policière dans le nord de Marseille

LEMONDE.FR avec AFP | 24.11.10

Une vaste opération de police a été lancée mercredi 24 novembre à l’aube, en présence de nombreux médias, dans la cité du nord de Marseille où un adolescent de 16 ans a été tué et un enfant de 11 ans blessé vendredi sur fond de trafic de drogue. Entre 180 et 200 hommes, membres de la police judiciaire, des CRS, de la brigade cynophile, se sont déployés dans les blocs de la cité du Clos La Rose (13e arrondissement).
Prévenus, plus d’une trentaine de journalistes assistaient à l’opération lancée à partir de 6 heures du matin et durant laquelle deux jeunes, présentés comme de possibles guetteurs, ont été interpellés et une petite dose de cannabis trouvée sur l’un d’eux, selon un enquêteur. Trois motos, trois scooters et un quad ont également été saisis. Les journalistes ont pu accompagner les enquêteurs dans les caves, mais pas dans les appartements.
L’opération se déroule dans le cadre de deux enquêtes parallèles, l’une de la police criminelle et l’autre de la sécurité publique. "On s’inscrit dans la durée, toutes les cités de Marseille vont y passer, et plusieurs fois", a déclaré le préfet Philippe Klayman.

"RENDRE LE QUOTIDIEN DES MALFAITEURS PLUS DIFFICILE"

Selon un enquêteur, cette opération visait "à confisquer tout élément permettant de commettre des infractions, pour rendre le quotidien des malfaiteurs plus difficile, en saisissant leur véhicule, leurs armes éventuelles et tout ce qui touche aux stups". Interrogés par l’AFP, plusieurs habitants, s’exprimant depuis les fenêtres de leurs habitations, se sont dits globalement satisfaits de cette présence policière, certains regrettant toutefois que les forces de l’ordre ne soient pas intervenues avant le drame. Une ancienne habitante, Assia, dont le neveu jouait vendredi soir à proximité de la fusillade, a crié sa "haine", qualifiant les policiers de "clowns". "Ici c’est pas un gros réseau, ce sont des pauvres jeunes livrés à eux-mêmes que personne ne veut aider. C’est depuis qu’il y a Sarkozy que c’est devenu la guérilla. Il a dit : ’Je vais nettoyer les quartiers au Kärcher’, aujourd’hui c’est les jeunes qui se tuent à la Kalachnikov. Es-ce que c’est normal, tout ça ?" a-t-elle lancé aux journalistes.

Entre les bâtiments, à l’endroit précis où avait été abattu le jeune homme d’une rafale de fusil d’assaut Kalachnikov, ont été déposés des bouquets de fleurs, des bougies, des messages, une photo de l’adolescent.
Au lendemain de la fusillade de Marseille, le ministre de l’intérieur Brice Hortefeux avait annoncé plusieurs mesures allant "de la réorganisation à des renforts spécialisés en matière de renseignement, d’investigation et humains, dont l’arrivée de deux unités de CRS". Les "opérations coup de poing" contre le trafic de drogue et les violences à Marseille ont commencé lundi dans la soirée. Une centaine de policiers accompagnés de gendarmes ont mené des opérations de contrôle dans plusieurs quartiers de la ville. Mardi, c’était la cité des Néréides, au sud, qui était passée au crible, aboutissant à la saisie d’une Kalachnikov.
"Implantés dans les cités sensibles, les réseaux de trafiquants de cannabis contribuent au développement de l’économie souterraine de quartiers entiers" constatait l’Office central pour la répression du trafic illicite des stupéfiants (Lire "Drogue : un ’business’ toujours plus florissant" dans Le Monde du 24 novembre 2010).

Drogue : un « business » toujours plus florissant

LE MONDE - 24 Novembre 2010 - Par Luc Bronner (Article payant, taille : 766 mots)

Article de Luc Bronner dans Le Monde

Extrait :

Le marché des stupéfiants est devenu partie intégrante de l’économie d’une partie des quartiers défavorisés. Les règlements de comptes à Marseille, à l’origine du décès d’un jeune homme de 16 ans et de graves blessures pour un enfant de 11 ans, vendredi 19 novembre, l’ont rappelé brutalement : le marché des stupéfiants reste florissant en France, portée par une forte demande de cannabis et de cocaïne. Les données, publiées mardi 23 novembre, par l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP), confirment la gravité de la situation et témoignent de la sévérité des politiques de lutte contre les drogues et de leurs insuffisances : malgré une répression toujours plus marquée depuis 2002,...
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Nouveau coup de filet dans une cité de Marseille
La police a saisi, vendredi matin, des armes et 56 kg de résine de cannabis.

LIBERATION 26/11/2010 (Source AFP)

Une nouvelle opération de police a été menée, ce vendredi matin, dans une cité du nord de Marseille, permettant de saisir des armes et 56 kg de résine de cannabis. Entre 150 et 200 hommes, dont des CRS, se sont déployés vers 6 heures dans la cité Font-Vert (14e arrondissement), comme l’a raconté le procureur de la République, Jacques Dallest, lors d’une conférence de presse à l’Hôtel de police de Marseille.

Dans plusieurs caves d’un bâtiment, a été découverte « une caverne d’Ali Baba », selon ses termes : 56 kg de résine de cannabis d’une valeur de 250.000 à 300.000 euros, accompagnés du matériel de conditionnement (sachets, enveloppes, etc.) pour la vente au détail, des armes (deux fusils à pompe, un fusil M16, un fusil à canon et un pistolet automatique) avec des munitions, un atelier de fabrication de fausses plaques d’immatriculation, un bélier, une disqueuse thermique, un chalumeau et un gyrophare. Plusieurs deux-roues ont également été saisis.

« C’est une belle réussite qui s’inscrit dans la série d’opérations menées depuis le début de la semaine et qui illustre la polyvalence des malfaiteurs », impliqués « aussi bien dans le trafic de drogue, les cambriolages, les vols à main armée », a commenté le procureur. « Nous restons modestes parce que c’est un combat difficile mais nous sommes résolument engagés. Nous continuerons à mener ces actions jour après jour dans l’ensemble des cités de Marseille. Ce que je veux, c’est déstabiliser le commerce illicite de la drogue », a ajouté le préfet délégué à la sécurité, Philippe Klayman.

Une série d’opérations a eu lieu à Marseille depuis la venue, dimanche, du ministre de l’Intérieur, Brice Hortefeux, après une fusillade au cours de laquelle un adolescent de 16 ans a été tué et un enfant de 11 ans grièvement blessé dans le nord de la ville. Ce dernier « n’a pas pu être encore entendu », a précisé Jacques Dallest. Plusieurs personnes ont été interpellées au cours de ces opérations. L’une d’entre elles - le conducteur d’un 4X4 de luxe, immatriculé au Luxembourg, dont le coffre contenait un fusil d’assaut Kalachnikov - a été écrouée.

Importante opération contre des barons de la drogue marseillais

LEMONDE.FR avec AFP et Reuters | 14.12.10

Plusieurs centaines de policiers ont délivré, dans la matinée de mardi 14 décembre, un homme séquestré depuis une semaine près d’Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône) et ont arrêté une douzaine de suspects. L’homme, qui est sain et sauf, avait été enlevé au petit matin du mercredi 8 décembre par trois hommes armés devant son établissement, un tabac-presse des quartiers nord. L’alerte avait été donnée par un employé du tabac, qui avait été plaqué au sol durant l’enlèvement. Les ravisseurs exigeaient une rançon de un million d’euros, selon la même source.

La police judiciaire marseillaise a mené l’opération avec l’aide de près de deux cents policiers, dont une force d’intervention d’élite composée d’éléments du RAID et du GIPN de Marseille. Les autorités, qui avaient tenu l’affaire secrète jusqu’ici, présentent l’opération comme un coup porté au grand banditisme local, les auteurs présumés de l’opération formant un clan, soupçonné d’être à la tête de trafics de stupéfiants dans la région de Marseille et de l’étang de Berre. Installé dans des villas cossues de la région aixoise, dont celle de type provençal à Celony où était retenu le buraliste, et où des armes et de la drogue ont été saisies mardi matin, ce gang était activement recherchés depuis trois ans.

Outre les quatre ravisseurs présumés, neuf personnes ont été interpellées, essentiellement dans la région d’Aix-en-Provence, dans la foulée de la libération du commerçant. Les investigations, menées depuis le rapt dans une totale discrétion et placées sous l’autorité d’une juge d’instruction du TGI de Marseille, ont été confiées à la police judiciaire.

Halls d’immeubles squattés : « les actions policières coups-de-poing ne suffisent pas »

LIBERATION 19/11/2010

Interview. Stéphane Troussel, conseiller général PS et président de l’office public de l’habitat de Seine-Saint-Denis, publie une enquête sur les halls d’immeubles squattés, notamment par des trafiquants de drogues.

Squats dans les halls d’immeuble, trafics en tout genre dans les cages d’escalier et dans les caves : des problèmes chroniques dans les banlieues que le gouvernement s’engage régulièrement à éradiquer. Fatigué de « l’écart insupportable entre la réalité de terrain et le discours des dirigeants », Stéphane Troussel, nommé il y a un an à la tête de l’Office public de l’habitat (OPH) de Seine-Saint-Denis, et élu PS au conseil général, a mené l’enquête dans les quelque 1500 halls d’immeubles qu’il gère (Stains, La Courneuve, Dugny...). Résultat : 16% des halls d’immeuble sont occupés de manière anormale, dont la moitié par des trafiquants de drogue.

L’occupation des halls et les problèmes de drogue attenants ne sont pas un phénomène nouveau. Qu’apporte votre enquête ?

Les choses se sont enkystées ces dernières années, quoiqu’en dise le gouvernement. Je suis élu local à La Courneuve depuis quinze ans. En prenant la direction de l’OPH 93, j’ai voulu qu’on s’empare, en tant que premier bailleur public du département, de ces problèmes d’insécurité. Bien entendu, ce n’est pas notre mission première, qui est de construire des logements sociaux et d’entretenir le parc existant. Mais il me semble essentiel qu’on se mobilise sur ces questions d’insécurité. J’ai donc mis sur pied une « direction de la tranquillité et du développement social ». Avec comme premier objectif de réaliser un état des lieux et mettre en place un observatoire de l’insécurité.

Sur quoi repose votre étude ?

On a passé en revue les 1512 halls d’immeubles des 23.000 logements de notre parc de Seine-Saint-Denis. En se fondant sur les plaintes des locataires et les remontées de nos agents de proximité (gardiens d’immeuble, agents d’entretien...). Il en ressort deux éléments. 16% des halls sont occupés de manière anormale, dont la moitié par des groupes de jeunes qui se retrouvent là en mal d’espace, de manière plus ou moins occasionnelle, créant des situations plus ou moins tendues. Mais ce qui m’inquiète le plus, c’est l’autre moitié : 8% des halls sont squattés par des trafiquants de drogue. Et là, c’est l’égalité républicaine, l’état de droit qui est bafoué. Quand des locataires sont obligés de baisser la tête et demander pardon pour rentrer dans leur immeuble, c’est un problème d’une autre importance, relevant de la police.

Christian Lambert, le préfet de Seine-Saint-Denis, s’était pourtant explicitement engagé à lutter contre ces occupations des halls d’immeuble ?
Je me souviens du discours de Nicolas Sarkozy, le 20 avril dernier, à l’occasion de l’entrée en fonction du nouveau préfet. « Aucun hall d’immeuble ne sera occupé », promettait-il... Depuis, Christian Lambert communique régulièrement sur les halls d’immeuble qu’il visite. Je veux bien saluer sa détermination mais en pratique, ce n’est pas ça, ni les actions coups-de-poing des forces de l’ordre, qui vont régler le problème. Ça le déplace, c’est tout. Délogés à un endroit, ils investissent un hall 300 mètres plus loin.

Que préconisez-vous ?

Il faut une police de proximité. Appelez-la comme vous voulez, police de terrain, de quartier... Qu’importe. Seul un travail mené au quotidien sur le long terme par des forces de l’ordre permettra de venir à bout du problème. A travers cette enquête, je veux aussi rappeler qu’un agent de proximité n’a pas vocation à se transformer en policier alors qu’aujourd’hui, dans les faits, il se retrouve parfois le seul représentant de l’autorité publique dans un quartier. Le chef de l’Etat nous promet des moyens. Or, aujourd’hui, les comptes n’y sont pas : on manque toujours de plusieurs centaines de policiers dans le département. Ce ne sont pas les caméras de vidéosurveillance qui règleront le problème. Je ne suis pas contre une expérimentation mais la solution miracle n’existe pas.

Que comptez-vous faire ?

Demander un entretien avec le préfet Christian Lambert pour lui présenter ce diagnostic. Et j’espère, lui faire comprendre que ces actions policières coups-de-poing ne suffisent pas. Il faut qu’elles soient suivies d’investigations au long cours.
Par ailleurs, en tant que bailleur social, je souhaite que l’on travaille à un cahier de recommandations pour les architectes. Leur dire que dans certains endroits, il n’est pas nécessaire de prévoir un hall de 30m2, ni de multiplier les entrées ou de prévoir des logements au rez-de-chaussée. Il est important que les spécialistes du logement social se positionnent sur ces questions.

A Sevran, le dynamitage d’une tour comme thérapie de choc

LE MONDE - 24 Novembre 2010 - Par Luc Bronner (Article payant, taille : 373 mots)

Article de Luc Bronner dans Le Monde

Extrait :

C’EST le « triangle d’or » des stupéfiants à Sevran (Seine-Saint-Denis), dans le quartier des Beaudottes, une des plaques tournantes du trafic de cannabis en banlieue parisienne. L’allée La Pérouse concentre les trafics et il est conseillé de s’y rendre tôt le matin pour éviter les problèmes. Au no 1, en particulier, les visiteurs se font fouiller et subissent des contrôles d’identité de la part des dealers. « C’est le coeur du trafic », se désole le maire, Stéphane Gatignon (Europe Ecologie-Les Verts), en décrivant un immeuble gardé « vingt-quatre heures sur vingt-quatre », « invivable », « avec des mecs qui surveillent et qui dorment dans les escaliers ».

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Il donne du cannabis à ses canards : un mois de prison avec sursis

LIBERATION 20/11/2010 (source AFP)

Un fermier du marais Rochefortais a plaidé l’usage vétérinaire de la drogue, sans succès.

Un éleveur de canards qui donnait du cannabis à ses palmipèdes a été condamné jeudi par le tribunal correctionnel de Rochefort à un mois de prison avec sursis et 500 euros d’amende.

A l’audience, cet éleveur à la Gripperie-Saint-Symphorien, un village du marais Rochefortais, a avoué qu’il fumait lui-même "un peu" de cannabis tout en justifiant ses plantations de chanvre indien pour "purger" ses 150 canards.
"Y’a pas meilleur vermifuge pour eux, un spécialiste me l’a conseillé", a affirmé l’éleveur herboriste, sans préciser qui était ledit spécialiste.
"C’est sérieux, pas un seul n’a des vers et tous sont en excellente santé", a renchéri l’avocat de la défense, Me Jean Piot, sans parvenir complètement à convaincre le tribunal de l’intérêt pour les canards de consommer de la drogue.
C’est par hasard, lors d’une visite au domicile de l’éleveur après un vol, que les gendarmes étaient tombés début octobre sur douze plants de cannabis et une poche de 5 kilos d’herbe.

Placé en garde à vue, le sexagénaire avait tenté une première fois de justifier de l’usage vétérinaire du cannabis. "C’est la première fois qu’on nous raconte une chose comme ça", ont noté dans leur procès verbal les gendarmes, pourtant habitués aux justifications oiseuses en matière de stupéfiants.

Une Française arrêtée à Sao Paulo avec 9 kilos de cocaïne

LEMONDE.FR avec AFP | 22.11.10

Une Française de 28 ans, Jessica Briffault, a été interpellée mardi à l’aéroport de Sao Paulo en possession de 9 kilos de cocaïne, a indiqué dimanche son père. Pour lui, sa fille a été "piégée" par la promesse d’un voyage gratuit au Brésil.

Quatorze Français sont détenus à Sao Paulo, au Brésil, dans le cadre d’enquêtes sur des trafics de drogue, a indiqué lundi le ministère des affaires étrangères. Michel Briffault, le père de Jessica Briffault avait affirmé plus tôt que des Français, dont plusieurs jeunes femmes, étaient également emprisonnés "pour la même chose".

Ces femmes emprisonnées sont toutes "originaires de la région parisienne", selon la sœur de Jessica, Joanna, qui s’inquiète d’une filière organisée et assure que la police française se penche sur le dossier. "Elle a évidemment été piégée. Apparemment, il y en a pas mal qui ont été piégées. Je ne sais pas comment elles sont recrutées", a déclaré M. Briffault.
"Il y a environ dix jours, elle nous a fait part d’un voyage, je ne sais pas par qui, qui lui était proposé gratuitement soi-disant pour tester un circuit touristique. C’était du jour pour le lendemain", a raconté M. Briffault. "Cette histoire de test de circuit touristique, cela ne m’a pas surpris, surtout qu’elle avait des amis dans le métier", a-t-il poursuivi.

Salariée d’un centre de rééducation fonctionnelle du département, la jeune femme "a demandé huit jours de congés et comme elle est bien vue, ses patrons ont accepté", selon son père. "C’est une jeune fille de 28 ans qui avait une vie normale. Elle a toujours travaillé", dit-il.

"J’ai eu une fois des nouvelles d’elle. Elle m’a dit qu’elle était allée se promener sur la plage de Copacabana, à Rio. Elle était heureuse comme tout..., a expliqué M. Briffault. Je savais qu’elle devait revenir cette semaine. Comme elle avait une journée de retard, j’ai appelé mon autre fille et je lui ai dit que je ne comprenais pas. Elle a commencé à téléphoner partout, jusqu’au consulat qui lui a appris la nouvelle."

Le Quai d’Orsay a confirmé que le consul à Sao Paulo "était informé" de la situation de Jessica Briffault et "en contact avec elle". L’avocat franco-brésilien de la jeune femme doit lui rendre visite lundi ou mardi en prison.

Cannabis : une production française

LE FIGARO I 23.11.2010

L’herbe pousse désormais en banlieue, faisant de l’ombre à la résine marocaine. Et les dealers sont plus intégrés que l’on croit.

À l’heure où les rivalités entre les bandes de dealers s’exacerbent, comme à Marseille, deux équipes de criminologues publient aujourd’hui, dans le cadre du rapport annuel de l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP), un portrait saisissant du trafic de stupéfiants en France.
Première étude et première révélation : « l’émergence de la culture du cannabis dite indoor » dans l’Hexagone. En clair : le cannabis cultivé directement dans les banlieues, au plus près du consommateur. Ce produit va révolutionner le marché. Et il explique peut-être en partie les tensions sur le terrain.

Selon David Weinberger, de l’Institut national des hautes études de sécurité et de justice (INHESJ), « une nouvelle variété made in Europe s’installe durablement en France et tend désormais à rivaliser avec la résine marocaine ».

Le chercheur décrit les étapes de cette mutation : « En l’espace de quinze ans, s’est opérée une diffusion concentrique de la culture en intérieur dont le centre se situe à Amsterdam. Cette diffusion s’est essentiellement reposée sur le partage des savoir-faire au travers des ouvrages et des sites Internet, puis des semences et des matériels facilement accessibles en ligne. »

Aujourd’hui, la « culture » s’est professionnalisée. L’herbe pousse dans des hangars, sous lumière artificielle. Le « cannabiculteur » français est passé du stade artisanal à la production de masse. Avec une multitude de groshops, ces chaînes de magasins qui fournissent sur la Toile de quoi monter sa propre exploitation, pour participer à une sorte de franchise de la production de stups. Pas moins de « 400 groshops existent désormais en métropole », assure David Weiberger, la plupart se présentant astucieusement sous une activité anodine de jardinerie.

Selon lui, « l’herbe représente désormais 40 % du marché français alors que la résine constituait 90 % du marché jusqu’au milieu des années 1990 ». Or, précise-t-il, « l’herbe française est la plus fréquente sur notre marché, puisqu’un usager sur deux (47,7 %) estime consommer de l’herbe made in France ». Autres chiffres avancés : 2 106 plantations démantelées par la police et quelque 56 000 plants de cannabis détruits en 2009.

Certes, les cannabies factories à la française n’ont pas encore atteint la taille des plantations du sud de l’Italie, par exemple, où la police a dû incinérer dans l’une d’elles plus d’un million de plants. Mais David Weiberger met en garde : « C’est l’idée même que la France puisse abriter des plantations de grande ampleur financées par des groupes criminels organisés qui s’impose désormais, battant en brèche l’image inoffensive du cultivateur hippie du Larzac. »

Autre étude, autres surprises : « Le profil socio-économique des trafiquants interpellés » . Deux chercheurs, Nacer Lalam (INHESJ) et Franck Nadaud (CNRS), ont pu accéder, pour la première fois, à la base de données Osiris de l’Office central de répression du trafic illicite de stupéfiants (OCRTIS) nourries par l’ensemble des procédures et messages de la police, de la gendarmerie et des douanes liées à cette matière. Or, à en croire le fichier déclaré à la CNIL, « plus de 85 % des trafiquants internationaux ou locaux occupent un emploi. En contradiction avec nombre d’analyses et de représentations qui tendent à valider la thèse que le trafic est le fait, en grande partie, d’individus désinsérés » , déclarent les deux chercheurs.

Des chiffres inédits. Selon eux, « l’âge moyen du trafiquant interpellé se situe à 27,8 ans ». Si parmi les trafiquants français, la part de ceux d’origine étrangère n’est pas révélée dans leur étude, ils sont, en revanche, catégoriques concernant les origines des trafiquants étrangers (un quart du total des interpellés) : « Les Nord-Africains représentent 51 % des étrangers impliqués dans le trafic local de cannabis », écrivent-ils.
Et d’ajouter : « Les communautés nord-africaine et africaine sont, parmi les étrangers interpellés pour trafic local de drogues, les plus nombreuses, à savoir 3 865 individus entre 2005 et 2009, correspondant à 70,2 % des trafiquants locaux de nationalité étrangère interpellés. » Des chiffres totalement inédits.

Comment des bouchers sont devenus dealers

Par Laurent Chabrun, publié le 24/11/2010 L’Express/ T. Pasquet

Jean-Marc et Sylvain ont basculé dans le deal pour s’acquitter d’une dette à la caisse de retraite.
Quand, pour se renflouer, deux bouchers bretons changent de fonds de commerce... Une histoire peu ordinaire, mais qui en dit long sur la banalisation de la cocaïne.

Un jambon toutes les cinq secondes. Deux coups de couteau pour en dégager l’os. Les mêmes gestes répétés 10 000 fois en huit heures lorsque la chaîne va bon train... Quand il rentre chez ses parents, après une journée de travail à l’abattoir, Sylvain, 30 ans, a les yeux rougis de fatigue et le dos engourdi par l’effort. Attablé dans la cuisine familiale où il engloutit le plat préparé par sa mère, ce grand gaillard aux cheveux courts ne peut s’empêcher de calculer le nombre de mois et d’années qu’il lui faudra encore occuper à tailler la viande pour rembourser ses dettes. Avec Jean-Marc, son frère, qui éviscère des porcs dans un autre établissement du coin, ils doivent 300 000 euros à la justice et aux impôts. Un sacré pactole que les frangins remboursent par des ponctions sur leurs modestes salaires. De quoi donner le vertige ; surtout quand on est encore en liberté conditionnelle après avoir été condamné pour trafic de stupéfiants...

Leur histoire a récemment défrayé la chronique locale. Une question, en particulier, étonnait les habitants de cette paisible région côtière. Comment deux jeunes bouchers, alors propriétaires de leur affaire, une boutique située au coeur d’un village touristique de la côte bretonne, s’étaient-ils retrouvés embringués dans un tel trafic de poudre ; un "bizness" qu’on aurait pu croire réservé aux réseaux liés au banditisme ou à des bandes issues des quartiers sensibles de certaines banlieues de grandes agglomérations ?

Tout commence en 2002. Les deux frangins, CAP de boucherie en poche et après quelques années passées comme commis, décident de se mettre à leur compte. "C’était notre objectif, on voulait être nos propres patrons", dit Sylvain. Par un intermédiaire, les deux frères apprennent qu’un boucher de Saint-Quay-Portrieux (Côtes-d’Armor) veut passer la main. Ils le rencontrent et l’affaire se conclut rapidement. Il faudra certes rembourser plusieurs centaines d’euros par mois, mais les bénéfices prévus vont permettre de faire face, calculent les deux jeunes commerçants.

La drogue dans l’intestin

Leurs espoirs ne sont pas déçus. Les premiers mois sont florissants et, derrière la caisse, Monique, leur mère, engrange les billets en euros qui viennent de supplanter les francs. La deuxième année se présente moins bien. Les clients font preuve de plus de retenue dans leurs achats ; le contrecoup du changement de monnaie. Et la troisième année est une véritable catastrophe.

D’autant que les charges s’accumulent et que la caisse de retraite se réveille brusquement. L’organisme exige le paiement immédiat de 30 000 euros. "Ça a été le coup de grâce", se souvient Sylvain. La faillite menace. Les deux frères, qui n’ont jamais compté leurs heures, sont envahis par un sentiment d’injustice. Mais, surtout, par l’urgence : comment sortir de cette impasse ?

Fred, un copain d’enfance, a peut-être une solution à leurs problèmes de trésorerie. "C’est facile, explique-t-il aux deux bouchers un tantinet surpris : vous allez à Rotterdam acheter de la cocaïne et on revend tout ici." Lui-même connaît bien la manip, il utilise déjà le circuit pour se fournir et trafiquer un peu autour de lui. "Je fais le voyage en train et je coffre", détaille-t-il - façon imagée de dire qu’il dissimule la drogue dans son intestin pour échapper aux éventuels contrôles douaniers. Mais, surtout, Fred possède un contact, là-bas, un certain Ali. "Avec lui, il n’y a aucun risque", assure-t-il, achevant de convaincre les deux jeunes hommes de tenter l’aventure une première fois, pour voir.

Direction Rotterdam dans une modeste Renault 5. Fred, conseiller technique du groupe, est du voyage. Il sait où cacher, dans la voiture, les boudins de poudre que le grossiste leur vendra. Il connaît les sorties, sur l’autoroute, qui permettent d’éviter les douaniers. Il reste en contact avec son fournisseur, qui ne manque pas d’accourir quand les Français l’appellent depuis une cabine téléphonique située sur une aire de repos de l’autoroute, à proximité de Rotterdam.

Les 200 grammes du premier convoi se sont écoulés en deux jours

Quelques dizaines de minutes plus tard, les deux bouchers bretons et leur associé peuvent repartir en direction de la France, lestés de 200 grammes de poudre. Ne reste plus qu’à écouler la marchandise. Ce détail inquiète les frangins mais pas leur gourou, Fred, qui a dans son carnet d’adresses quelques amateurs tous prêts à saisir l’aubaine. Car si, autour de Saint-Brieuc, les stars du show-biz, les présentateurs vedettes, écrivains maudits et autres chanteurs fatigués ne se bousculent pas, le coin n’est, en revanche, pas avare en routiers et en VRP usés par les kilomètres ; en marins-pêcheurs luttant contre le froid et la fatigue, ou encore en boulangers levés dès l’aube pour pétrir la pâte. Et puis il y a ceux, plus marginaux, initiés aux drogues dures pendant les festivals de rock et les raves. Ces fondus-là veulent se mettre la tête à l’envers, déchirer le ciel plutôt gris de leur existence en prenant leur dose, ici, au coeur de la Bretagne, comme dans les ghettos blacks ou chicanos de Los Angeles.

Leur méthode est connue sous le nom de "free base" : un peu de drogue, un peu de cendres ; le tout chauffé à la flamme sur un bout de papier d’aluminium pour inhaler les volutes de fumée [1] .

30 000 euros de recette

Fred n’a donc pas à pousser sa clientèle d’habitués. Toute la came s’envole en moins de deux jours. Et les bouchers peuvent renflouer leur caisse de plusieurs milliers d’euros... Du coup, ils retentent l’aventure. Cette fois, ils en tirent 30 000 euros et s’acquittent ainsi de leur dette auprès de la caisse de retraite. "A chaque fois, c’était la dernière, mais on ne parvenait pas à s’arrêter", se souvient Sylvain. Les voyages succèdent aux voyages. Et tout aurait pu fonctionner longtemps encore si deux grains de sable ne s’étaient glissés dans cette belle mécanique. Premier problème, Sylvain, à force de convoyer de la drogue, se laisse prendre à son charme vénéneux. Il devient accro à l’héroïne qu’il importe également. Dans le labo de la boucherie, à l’abri des regards de la clientèle, le jeune homme a pris l’habitude de se "faire des poteaux", des lignes de poudre blanche. Deuxième souci, Fred et les autres dealers qui ont, peu à peu, rejoint le réseau, consomment plus qu’ils ne vendent et l’argent ne rentre plus aussi bien.

Le coup de grâce sera asséné par un malfaisant hasard. La petite amie de l’un de ces revendeurs oublie à la Poste son portefeuille contenant de la poudre. La police le récupère et interpelle la jeune femme puis son copain. En quelques heures, tout le réseau tombe entre les mains de la brigade des "stups" de Saint-Brieuc. La suite est sans surprise. Procès, saisie de tous les biens - dont la boucherie - prison. Les deux frères ont raconté leur histoire à la journaliste Manuela Kongolo, qui en a tiré un livre, Cocaïne et tête de veau, récemment publié aux éditions du Rocher. Et espèrent bientôt ne plus avoir l’abattoir pour seul avenir. 

110 kilos de cocaïne saisis chez un particulier à Neuilly-sur-Seine

LIBERATION 27.11.2010 (Source AFP)

Cent-dix kilos de cocaïne ont été saisis dans un appartement de Neuilly-sur-Seine (Hauts-de-Seine), une saisie exceptionnelle dans une banlieue chic de la région parisienne.
La drogue, dont le montant est évalué à 7 millions d’euros à la revente au détail, a été saisie dans la nuit de vendredi à samedi au domicile d’un particulier, dans un appartement en travaux.
Deux hommes et deux femmes se trouvaient en garde à vue dans les locaux de la police judiciaire parisienne, l’un d’entre eux étant de nationalité iranienne et un autre de nationalité vénézuélienne, a-t-on indiqué de source policière. Les deux personnes encore en fuite, qui ont été identifiées, étaient activement recherchées par la police, dans le cadre d’une enquête de la Juridiction interrégionale spécialisée (Jirrs).
L’appartement en travaux appartient à une famille du Moyen-Orient qui a été « mise hors de cause » dans cette affaire, a assuré à la presse le directeur de la police judiciaire de Paris, Christian Flaesch. Parmi les personnes interpellées, l’un possédait les clefs de cet appartement, situé rue Edouard Nortier à Neuilly-sur-Seine, ville huppée en lisière de Paris.
Si le lieu de la saisie, un appartement privé dans une banlieue chic, est atypique dans ce genre d’affaires, il servait tout simplement de « lieu de stockage », a expliqué Christian Flaesch. « Pourquoi pas Neuilly ? Cela montre bien que les réseaux existent sur la région parisienne », a ajouté le directeur de la police judiciaire.
Outre la drogue, stockée dans deux valises et un coffre dans l’une des chambres de l’appartement, les policiers ont également saisi « près de 170.000 euros en liquide lors des différentes perquisitions » qui ont eu lieu samedi matin, a précisé une source proche de l’enquête, ainsi que des vêtements et des objets de luxe.

« Cela représente un travail considérable pour les policiers de la brigade des stupéfiants de Paris », a insisté Christian Flaesch. Cette saisie a été réalisée après « plusieurs semaines d’enquête », menée en collaboration avec la Direction centrale de la police judiciaire et la Jirrs de Paris « pour un réseau qui allait manifestement alimenter la capitale », a précisé le directeur de la police.
Sur les derniers jours, près de 25 policiers étaient mobilisés sur cette affaire, selon une source proche de l’enquête. Cela représente l’une des plus belles prises pour la brigade des stupéfiants de Paris. La dernière saisie de cet ordre réalisée par la PJ parisienne remonte à 2006 avec près de 200 kg de cocaïne saisis dans un entrepôt de fret à Roissy.

« Il y a maintenant des fils à retirer », a indiqué Christian Flaesch, précisant que « l’enquête se poursuivait », axée notamment sur le patrimoine des personnes mises en cause. Le préfet de police de Paris Michel Gaudin a affiché la lutte contre le trafic de stupéfiants comme l’une de ses grandes priorités.

En juillet dernier, les douanes avaient effectué une saisie qualifiée d’« historique » dans un aéroport en interceptant à Roissy 134 kilos dans un bagage non accompagné dans un avion en provenance de Bogota. En juin, les douanes avaient réalisé la saisie de cocaïne la plus importante de leur histoire en découvrant 1,39 tonne de cocaïne sur un voilier près des côtes de la Martinique.

INTERNATIONAL

ROYAUME-UNI/ THAILANDE • Quand la future élite se défonce sur la plage

COURRIER INTERNATIONAL 04.11.2010 - Patrick Kingsley - The Guardian

Alors que le chômage guette, qu’est-ce qui peut encore pousser des milliers de jeunes à suspendre leurs études après le bac pour aller s’amuser à l’autre bout du monde ? Reportage sur une île thaïlandaise.

Au bord de l’océan, de jeunes touristes occidentaux ouvrent leurs braguettes et se soulagent dans les flots. A la lueur de la pleine lune, on aperçoit derrière eux des milliers d’autres Européens torse et pieds nus. Ils sont pour la plupart massés aux abords des quatorze bars qui bordent la plage et ils se trémoussent étrangement au rythme de la drum and bass. Coincés entre les bars et la foule, une trentaine de kiosques en bois vendent des seaux avec tout ce qu’il faut pour préparer un litre de vodka-Red Bull. Bienvenue à la Full Moon Party, la plus grande rave party régulièrement organisée sur une plage.

Il y a vingt-cinq ans, l’île de Koh Phangan était le repaire méconnu de quelques hippies. Aujourd’hui, 10 000 à 30 000 jeunes Européens y affluent chaque mois. Il s’agit de la destination par excellence des jeunes touristes européens qui ont pris une année sabbatique avant de commencer l’université. Et la fête représente sans doute l’apogée de leur expérience.

En août dernier, la directrice du service d’admission à l’enseignement supérieur britannique (UCAS) a déclaré dans un journal que “l’âge d’or de l’année sabbatique [était] terminé”. D’après Mary Curnock Cook, “cette année de transition offrait traditionnellement la possibilité de découvrir le monde”. Aujourd’hui toutefois, “elle devrait être mise à profit pour étayer une candidature dans un programme ciblé”. A l’heure où le nombre de candidatures dépasse le nombre de places disponibles dans les universités – 660 000 pour 450 000 –, Mme Curnock Cook n’a peut-être pas tort. Reste à faire accepter cette idée aux Britanniques qui terminent leurs études secondaires. Dans les faits, la grande majorité d’entre eux ne consacre pas leur année sabbatique à un projet considéré comme “constructif” par l’université. Loin de là. Chaque année, environ 160 000 Britanniques décident de remettre à l’année suivante leur entrée à l’université.

D’après Richard Oliver, directeur général du Year Out Group, une association qui aide les jeunes à organiser leur année sabbatique, plus de 80 % d’entre eux “se contentent de partir et de voyager sans véritable but. Soleil, sable et sangria, voilà comment j’appelle ça.” Selon toute apparence, ces étudiants sont plus portés sur la quête du plaisir que sur l’accomplissement de bonnes actions. Le fondateur des guides de voyage Insight, Hans Hoefer, est à l’origine du premier guide de voyage sur la Thaïlande, paru dans les années 1970. Selon lui, les jeunes qui fréquentent Koh Phangan et les îles des alentours “ne font rien d’autre que du tourisme. Ils veulent simplement faire la fête et ne cherchent pas à comprendre la culture locale. Je ne comprends pas ce qu’ils vont faire là-bas.”

Pas de contacts avec les locaux. C’est précisément la raison de ma présence à la Full Moon Party. Quel attrait exerce donc cette fête sur des adolescents qui sont destinés à former la future élite britannique ? Pourquoi cette rave party est-elle devenue l’expérience ultime de ces étudiants ? Je suis ici pour le découvrir. Lors­qu’ils arrivent à Bangkok, ces jeunes font inévitablement escale dans les hôtels et les bars de la rue Khao San, le ghetto des routards. En avril dernier, 20 Thaïlandais ont été massacrés à une centaine de mètres de là lors d’affrontements entre les soldats et les “chemises rouges”, les partisans du Premier ministre déchu Thaksin Shinawatra. Mais cela n’a guère perturbé l’ambiance festive de la rue Khao San.

Par le passé, les voyageurs qui se rendaient à la Full Moon Party prenaient l’autobus ou le train de nuit de Bangkok jusqu’à la côte avant d’embarquer à bord d’un ferry pour les îles. Cela leur donnait l’occasion d’avoir un contact avec les réalités locales. Mais il est aujourd’hui presque aussi bon marché de prendre l’avion. C’est d’ailleurs ce que j’ai fait avec le photographe Sean Smith, qui m’accompagnait. A notre arrivée à Koh Phangan, j’ai fait presque aussitôt la rencontre de quelques étudiants britanniques en année sabbatique. “C’est simple : j’adore cet endroit !” s’est exclamé Jez, un Londonien de 19 ans dont les vacances prolongées tiraient à leur fin. “On y trouve tout ce qui caractérise la jeunesse. Dix mille personnes réunies dans un même lieu et qui peuvent faire tout ce qu’elles veulent sans risquer d’avoir des regrets. En Grande-Bretagne, si tu prends une cuite, il y a des conséquences, mais ici tu peux faire ce que tu veux.”

Il y a aussi l’attrait de la drogue. Ces voyageurs savent quelles pharmacies vendent des amphétamines – et ce qu’il faut demander au comptoir. Ils savent aussi où acheter de l’herbe et connaissent les trois bars de la ville qui vendent des milk-shakes aux champignons hallucinogènes.

“C’est pas mal”, leur dis-je. Mais si tous ces gars passent la majeure partie de leur temps à se défoncer entre eux, que viennent-ils donc faire en Thaïlande ? Pete, un routard sympa que Jez a rencontré il y a quelques mois au Vietnam, répond franchement : “Ce n’est pas une expérience thaïlandaise. C’est une expérience festive. Pour voir la Thaïlande, il faut aller à Chiangmai et à Bangkok. Koh Phangan, on y vient pour la fête.” Jez et Pete ont prévu de prendre des champignons hallucinogènes ce soir avec des amis routards, et ils m’invitent à me joindre à eux. Deux étudiantes en deuxième année de médecine à Nottingham nous rejoignent : Hailey, qui a pris une année de coupure, et Laura, qui a poursuivi ses études sans interruption. Lorsque j’évoque les commentaires de Mme Curnock Cook, Jez, qui doit entamer des études de philosophie à Newcastle cet automne, réagit vivement : “C’est l’une des choses les plus stupides que j’aie entendues. C’est probablement la meilleure décision que j’aie jamais prise. J’ai appris plus en un an qu’en dix-huit ans à l’école. Je peux écrire un essai sur Shakespeare ou vous parler des forces et des faiblesses de la Critique de la raison pure, d’Emmanuel Kant, mais en fin de compte ça ne veut rien dire si on ne sort pas de chez soi pour faire ses propres expériences. Je reconnais que Koh Phangan ne représente pas vraiment la réalité, mais c’est tout de même une expérience.” L’expérience de Hailey est très différente de celle de Jez. Au lieu de partir en voyage, elle a décidé de travailler dans un hôpital pour augmenter ses chances d’être admise à l’école de médecine. Il s’agit là d’un parfait exemple du genre de projets encouragés par Mme Curnock Cook. Hailey regrette cependant de n’avoir pas choisi un parcours plus facile : “Je ne sais pas si je devrais dire ça… mais j’ai pris conscience que le simple fait de venir ici toute seule et de devoir aller vers les gens m’a appris à me sentir mieux en société et m’a donné une plus grande confiance en moi. J’aurais probablement eu moins de problèmes à l’université si j’avais d’abord passé une année à voyager toute seule.”

De plus en plus libérés. Malgré ma solitude et ma sobriété, j’ai trouvé l’atmosphère étonnamment euphorique. L’image que je garde est celle de danseurs souriants dont les mouvements devenaient de plus en plus libérés au fil des heures. Les locaux semblent toutefois moins enthousiastes. Si la Full Moon est le festival de l’année pour les étudiants, les touristes et les routards qui se trémoussent sur la plage, les Thaïlandais qui organisent l’événement – et nettoient les lieux après sa tenue – le voient probablement comme un éternel recommencement. Dans la cabine de DJ de Paradise Bungalows, DJ Shine, un immigré birman que ses amis appellent Shane, célèbre sa 50e Full Moon Party en tant que DJ et sa 100e au total. Shane a 25 ans et vit à Haad Rin depuis neuf ans. Et il en a marre – il en a marre de passer la même musique électro-house sur la même platine pour le même public. Malgré son anglais parfait, il n’est jamais allé au Royaume-Uni et n’a jamais revu les amis britanniques qu’il s’est faits sur l’île. Mix après mix, mois après mois, Shane observe ces milliers d’Européens qui rentreront bientôt chez eux et espère un jour pouvoir les accompagner. “Mais je n’en ai pas les moyens”, nous confie-t-il.

Sur la plage, les jeunes touristes occidentaux défont leurs braguettes et se soulagent dans le golfe de Thaïlande. Même si je n’ai jamais pris d’année sabbatique, rien de ce que j’ai pu voir ou entendre ici ne m’a donné envie de me joindre à eux…

VIETNAM • Virée nocturne avec les fils à papa

COURRIER INTERNATIONAL 04.11.2010 - Tuôi Tre

Alcool, drogue, boîtes de nuit… Les enfants des familles fortunées savent très bien dépenser leur argent. Un journaliste les a suivis, faisant avec effarement l’addition des sommes dilapidées.

Vingt heures, Lam rameute ses “coéquipiers”. Une demi-heure plus tard, deux adolescentes en super-mini-shorts et chemisiers échancrés, ainsi qu’un garçon bizarrement accoutré le rejoignent. L’une des filles attrape la clé de la moto de Lam pour aller se fournir en drogue. “Certains sont accros au ke (xí ke ou héroïne), explique Lam, et d’autres au da (ou roche, c’est-à-dire la méthamphétamine). On va pas en ‘boîte spéciale’ sans ces trucs. Une dose de da coûte 1,3 million de dongs [48 euros]. Le ke est moins cher, à environ 200 000 dongs [7,50 euros] la dose.” Au retour de la fille, la bande héle un taxi pour se rendre dans un hôtel. Le réceptionniste, qui connaît visiblement les jeunes gens, ne leur demande pas de produire leurs cartes d’identité. Ils montent au troisième étage pour se shooter. Puis ils quittent l’établissement pour une discothèque dans la rue Le Van Tho.

L’endroit est bondé. Les clients, au nombre de 150 peut-être, s’agitent frénétiquement sur la piste de danse. Des serveuses en tenue provocante circulent parmi la foule, vendant de la bière et du vin étranger. Lam et ses compagnons dansent et ingurgitent la bière. Le garçon remet 400 000 dongs [15 euros] à un homme pour deux comprimés de keo (ou bonbon, c’est-à-dire de l’ecstasy). “Allez, on mâche ça et on danse !” lance Lam. Les quatre amis continuent à se trémousser et à boire dans la pénombre jusqu’à ce que la discothèque ferme ses portes, à 1 h 30 du matin. Ils y ont laissé au total 2,3 millions de dongs [86 euros] (soit approximativement un mois de salaire pour un travailleur ordinaire).

1 500 euros en une soirée

Ce samedi-là, une petite Toyota s’arrête devant l’université des sciences sociales et humaines de Hô Chi Minh-Ville. Un jeune homme d’une vingtaine d’années est au volant. Il compose un numéro sur son téléphone portable dernier cri. Quelques minutes plus tard, une étudiante grimpe dans la voiture. Le garçon s’appelle Vu. Son père est banquier et sa mère agent immobilier dans la province de Dong Nai [à l’est de la capitale du Sud]. Vu et ses amis m’ont invité à les rejoindre dans une discothèque. “Servez-vous ! Ce bar n’est pas très grand, mais j’y laisse au moins 15 millions de dongs [560 euros] chaque fois que j’y vais. Mais, aujourd’hui, ce sera deux fois plus”, pavoise-t-il. Il sort son portefeuille et distribue des pourboires de 100 000 dongs [4 euros] chacun à plusieurs serveuses, puis se remet à ingurgiter des verres d’alcool sous les acclamations de ses compagnons. Les jeunes gens se déhanchent furieusement au son d’une musique agressive et boivent à qui mieux mieux. A 2 heures du matin, Vu aura dépensé au total plus de 40 millions de dongs [1 500 euros]. D. est un autre jeune homme, qui répond au surnom de “Pappy” même s’il n’a que 24 ans. C’est le fils d’un médecin très connu de Dong Nai qui possède également une myriade de biens immobiliers. Depuis l’âge de 20 ans, D. est un habitué des discothèques et autres hauts lieux de la vie nocturne de Hanoi, Haiphong et Hô Chi Minh-Ville. “J’en ai marre des boîtes locales : alors, depuis quelque temps je vais en Chine avec mes amis”, confie-t-il.

Dans ces établissements, il dépense près de 30 millions de dongs [1 100 euros] par soirée en alcools et en drogue avec sa bande. Il y reste souvent une semaine entière. “Je dis à mes parents que j’étudie à l’Institut chinois de médecine orientale pour suivre la voie de mon père. Ils m’envoient chaque fois entre 50 et 100 millions de dongs [de 1 900 à 3 800 euros]”, se vante D.

Anniversaire à Hollywood

Il y a aussi “LP”, une figure de la jeunesse dorée de Saigon [comme beaucoup de gens continuent d’appeler la grande métropole du Sud]. LP est issu d’une riche famille de la province voisine de Binh Duong [au nord de Hô Chi Minh-Ville]. Ce jeune homme s’offre de fréquentes virées, qui lui coûtent des dizaines de milliers de dollars, dans des bars à Singapour et en Thaïlande. Et, récemment pour une fête d’anniversaire, il n’a pas hésité à louer le Paradise Club à Hollywood, aux Etats-Unis, et à y dépenser 1 million de dollars [730 000 euros] !

PORTUGAL. Religion. Voyage extatique aux confins de la conscience

COURRIER INTERNATIONAL 08.11.2010 - Raquel Moleiro – Expresso [Portugal]

Un culte brésilien du nom de Santo Daime basé sur l’absorption d’un breuvage hallucinogène séduit la classe moyenne lisboète. Selon ses partisans, cette pratique éveillerait la conscience, témoigne Expresso.

Samedi, dans la banlieue de Lisbonne. Une vingtaine de fidèles du Santo Daime [Saint Don], un culte d’origine amazonienne, se réunissent chez un particulier. Il y a là des hommes et des femmes de la classe moyenne, des citadins cultivés dont l’âge varie de 20 à 50 ans. On trouve des directeurs de banque, des artistes, des ingénieurs ou encore des professionnels du yoga. Cela fait trois jours qu’ils ont suspendu efforts physiques, relations sexuelles et consommation d’alcool dans leur quotidien afin de conserver toute leur énergie et leur concentration pour les heures qui vont suivre. Au programme : prières, chants et absorption régulière de l’ayahuasca, un breuvage hallucinogène qui, disent-ils, les mène à l’extase spirituelle et à la connaissance de soi.

Le rendez-vous a été pris via SMS ou courriel. Nous sommes dans une maison des plus normales, chez un fidèle. Aujourd’hui, c’est là, la prochaine fois ils ne savent rien encore du lieu de rencontre : il n’y a pas de temple fixe. Le nombre réduit de “daimistes” et le caractère privé du culte, qui se veut discret, n’oblige pas non plus à en avoir un. De maison en maison, ils transportent la Sainte-Croix, les bougies et les hymnaires, recueils des enseignements de la religion sous forme de cantiques en l’honneur du Christ, de la Vierge Marie, du Soleil ou de la Lune. Les sessions spirituelles se prolongent durant six à douze heures. D’un côté, les hommes, vêtus de blanc, cravate bleue. De l’autre, les femmes en longue robe, arborant parfois un diadème sur la tête.

Vicente, un cinquantenaire barbu à la Hemingway qui respire la sérénité, est le “parrain” ou “commandant”. Cet ancien entrepreneur a créé voici sept ans le Jardin de São Francisco, la branche portugaise du Santo Daime. Ce culte brésilien est basé aux confins de l’Amazone et compte plus de 20 000 fidèles dans vingt pays. Daime, le saint, n’a jamais existé. Le nom de la religion a pour origine les invocations “Donne-moi la lumière, donne-moi la force, donne-moi l’amour” faites par son créateur, Raimundo Irineu. Travailleur du caoutchouc dans l’Etat d’Acre [nord du Brésil], il connut le breuvage secret grâce à un chaman péruvien et, durant les “visions” provoquées par l’ayahuasca, il reçut l’ordre de fonder, dans les années 1930, cette doctrine qui mêle christianisme, spiritualisme et umbanda [religion afro-brésilienne]. De façon simplifiée, le culte du Santo Daime consiste à communier à la boisson hallucinogène dans le cadre d’un rituel sacré. Il existe ainsi un calendrier annuel de rassemblements, de célébrations, de mariages et même de baptêmes. Au Jardin de São Francisco, le rituel débute avec les daimistes rassemblés autour d’une table, un genre d’autel simplifié où l’on trouve la Sainte-Croix, des bougies et ce que chaque fidèle souhaite y poser.

Debout ou assis, les fidèles ne doivent croiser ni leurs bras ni leurs jambes et leur colonne vertébrale doit rester droite. Ils récitent des Notre Père et des Ave Maria puis boivent l’ayahuasca. Le breuvage, marron, pâteux, amer, mêle cipo-jagube [une espèce de liane tropicale] et feuilles de chacrona [un arbuste tropical]. Cette dernière contient de la diméthyltryptamine (DMT), une substance psychotrope qui favorise l’extase, les visions, les hallucinations, les mémoires qui s’allument dans le noir, avec une profonde lucidité. La mémoire est branchée et elle enregistre. C’est la phase de l’“observation”. Pendant un “travail”, on ingère le breuvage à plusieurs reprises. La dose, contrôlée par le parrain, varie selon le poids, l’âge, le sexe et l’ancienneté du fidèle. “Nous voulons qu’il éveille la conscience et non qu’il emmène la personne au-delà de tout.” La première expérience est toujours décrite comme étant très difficile. Le corps réagit au breuvage comme s’il s’agissait d’un produit toxique puis le purge. C’est pour cette raison que l’on prétend que la personne entre dans le Daime à condition qu’elle recherche le perfectionnement spirituel. Les initiés sont soumis à une entrevue au cours de laquelle les daimistes qualifiés étudient leurs motivations et les interrogent sur leurs problèmes psychiques, leur consommation de drogue et de médicaments – les mélanges constituant un risque. “Si l’on vient ici pour le trip, on ressort déçu. Et on ne revient pas”, assure Vincent.


BRESIL. A Rio, la police tue dix personnes dans une offensive contre les "narcos"

LEMONDE.FR avec AFP | 24.11.10

Après une recrudescence d’attaques des trafiquants de drogue à Rio de Janeiro depuis dimanche, la police a tué dix narcos présumés, mercredi matin 24 novembre, lors d’offensives dans les favelas, ont indiqué les autorités.

Les tensions entre narcotrafiquants et forces de l’ordre sont montées d’un cran depuis quelques jours. Dans la nuit de mardi à mercredi, dix-huit véhicules dont cinq autobus et un mini-bus ont été incendiés et un poste de police mitraillé. Des images de bus en flammes dans divers quartiers de la ville passaient en boucle à la télévision. Qualifiées de scènes de "guérilla" par la presse, les attaques ont eu lieu sur de grands axes routiers, tels que la "linha vermelha" qui conduit à l’aéroport international, semant la panique dans divers quartiers de la mégapole.

Le gouverneur de Rio, Sergio Cabral a lancé "un appel au calme" à la population. "Ces actions ne sont pas une menace mais un acte désespéré des criminels", a dit le gouverneur à la radio CBN.

UNION DE DEUX FACTIONS RIVALES

Selon les autorités, ces violences sont une riposte à la création il y a deux ans des unités de police pacificatrice (UPP) qui visent à rétablir l’ordre et les services de l’Etat dans les quartiers pauvres. Selon les services de renseignement, deux grandes factions rivales de narcotrafiquants auraient fait une trêve pour s’unir et tenter de déstabiliser les UPP : le Comando vermelho et l’ADA, qui dominent les deux plus grandes favelas de Rio, celles de la Rocinha, au sud de la ville, et du Complexo do Alemão, au nord.

En réponse aux violences déclenchées dimanche, les autorités avaient déjà mobilisé des centaines de policiers pour investir vingt-deux favelas. Deux trafiquants présumés avaient alors été tués. Mercredi, 1 200 policiers supplémentaires ont été sortis des bureaux et mis dans la rue et toutes les casernes ont été mises en alerte.

A ce jour, treize favelas, situées essentiellement dans les zones résidentielles, ont été pacifiées et plus de 200 000 habitants se sont affranchis de l’ordre imposé par les trafiquants. A Rio, près de deux millions d’habitants (soit un tiers de la population intra-muros de la ville) vivent dans plus de mille favelas. D’ici à 2014, les autorités prévoient de pacifier près de cent d’entre elles.

BRESIL. La police brésilienne déploie des chars dans une favela de Rio

LIBERATION 25/11/2010 (Source AFP)

La police militaire a investi jeudi avec six blindés de la Marine et près de deux cents policiers d’élite et fusiliers une favela du nord de Rio, au cinquième jour d’affrontements armés qui se sont soldés par au moins 30 morts, selon un nouveau bilan des autorités.

Sept nouveaux morts ont été recensés jeudi après-midi dans une autre opération réalisée par 200 policiers civils dans une favela voisine du nord de Rio, Jacarezinho. La police n’a pas précisé s’il s’agissait de « narcos » présumés comme les 23 premiers morts recensés jusque-là.

Les 200 policiers ont ensuite rejoint les troupes d’élite et les blindés dans la favela Vila Cruzeiro, où des dizaines de trafiquants armés prenaient la fuite jeudi après-midi devant l’avancée des forces de l’ordre.
Selon des images de la chaîne TV Globo, certains « narcos », équipés de fusils et de sacs à dos, ont gravi la colline en courant, tandis que d’autres s’échappaient à moto ou en voiture. Ils cherchaient refuge dans une favela voisine du Complexo do Alemao, considéré comme l’un des bastions du crime organisé à Rio.

A quatre ans du Mondial

Des colonnes de fumée s’élevaient de la favela, les « narcos » brûlant des pneus pour empêcher la police d’avoir une bonne visibilité. A quatre ans du Mondial de football au Brésil et six ans des jeux Olympiques à Rio, les autorités cherchent à reprendre le contrôle de plusieurs quartiers de la ville aux narcotrafiquants, en déployant des moyens sans précédent.

« Je n’ai jamais vu ça ! C’est une véritable opération de guerre avec des blindés, mais c’est nécessaire. C’est la seule manière d’affronter les trafiquants installés dans la favela », a déclaré à l’AFP Elias, 44 ans, directeur d’une école à Vila Cruzeiro. C’est la première fois que des véhicules militaires de cette taille, des transports de troupes blindés dotés de mitrailleuses de calibre.50, sont utilisés depuis la création en 2008 (bien 2008) des Unités de police pacificatrice (« Upps ») destinées à rétablir la paix et les services de l’Etat dans les favelas contrôlées par les trafiquants. L’objectif est de « reprendre (le contrôle du) territoire, qui a été investi par le trafic », a déclaré un porte-parole de la police militaire à la presse. Les narcotrafiquants se sont regroupés à Vila Cruzeiro, après l’installation des « Upps » dans 13 favelas de Rio d’où ils ont été expulsés. Les autorités affirment que ces violences des « narcos » sont une riposte à la création de ces « Upps ».

Commando rouge

D’après les services de renseignement, deux grandes factions rivales de narcotrafiquants ont conclu une trêve pour s’unir et tenter de déstabiliser ces unités, a dit le secrétaire à la Sécurité de l’Etat, José Mariano Beltrame. Il s’agirait du Comando vermelho (Commando rouge) et de l’ADA (« amis des amis ») qui dominent les deux plus grandes favelas de Rio, celles de la Rocinha (sud) et du Complexo do Alemao (nord).

Dix prisonniers, tous trafiquants de drogue, incarcérés à Rio et accusés de commander ces attaques, ont été transférés dans la nuit de mercredi à jeudi vers des prisons de sécurité maximale de l’Etat du Parana (sud) et de l’Etat amazonien de Rondonia (nord) à des milliers de kilomètres de Rio. Depuis dimanche, près de 200 personnes ont été arrêtées et une soixantaine de véhicules incendiés, selon un dernier bilan. A ce jour, l’ordre a été rétabli dans treize favelas, situées essentiellement dans les zones résidentielles, et plus de 200.000 habitants se sont affranchis de la férule des trafiquants.

A Rio, près de deux millions d’habitants (soit un tiers de la population intra-muros de la ville) vivent dans plus de mille favelas. D’ici à 2014, cent d’entre elles seront « pacifiées ».

BRESIL. Les narcos sèment le chaos à Rio de Janeiro

LIBERATION 26/11/2010. Par CHANTAL RAYES SAO PAULO, de notre correspondante

Brésil. Les gangs assaillent la ville en réaction au début de reconquête des favelas menée par la police.

Une fois de plus, Rio de Janeiro est à feu et à sang. Depuis dimanche, la ville, qui accueillera la prochaine Coupe du monde de football en 2014 puis les Jeux olympiques deux ans plus tard, est en proie à des violences perpétrées par les gangs de narcotrafiquants contrôlant une partie des favelas (bidonvilles). Les bandidos attaquent des postes de police à l’arme automatique, incendient autobus et véhicules, et multiplient les arrastões, les braquages en série d’automobilistes.

La police a riposté par des incursions dans une trentaine de favelas à la recherche de suspects. Le bilan provisoire des affrontements (qui se poursuivaient hier) est de 27 morts, dont 19 dans la seule journée de mercredi. Il n’y a pas de policiers parmi les victimes, mais une adolescente de 14 ans a perdu la vie, atteinte par une balle perdue. Selon les autorités, ces violences auraient été commanditées depuis la prison dite de « sécurité maximale » de Catanduvas, dans le sud du Brésil, où sont incarcérés les chefs de deux puissants gangs de narcotrafiquants de Rio, le Commando rouge (CV en portugais) et les Amis des amis (ADA). Les détenus ont droit aux visites, ce qui leur permettrait de communiquer des consignes à leurs troupes.

Pour le gouverneur de Rio, Sérgio Cabral, comme pour les analystes, cette vague de terreur serait une mesure de représailles contre la politique de reprise en main de favelas autrefois sous la coupe des gangs. L’Etat a en effet délogé ces derniers d’une douzaine de bidonvilles où sont désormais déployées des « unités de police pacificatrice » (UPP).

En s’installant dans des quartiers où les forces de l’ordre ne faisaient jusqu’alors que des incursions - aussi brutales qu’inefficaces - cette police de proximité a réussi à mettre fin à une sanglante guerre entre gangs rivaux et considérablement affaibli le commerce local de drogues, privant les caïds de leur gagne-pain comme de leur pouvoir. La criminalité est également en baisse sur l’« asphalte », comme on appelle les quartiers aisés du voisinage.

Une quarantaine d’UPP, censées investir au total près de 150 favelas (certaines unités sont en charge de plusieurs quartiers) doivent être mises en place d’ici à 2014.« Nous ne nous laisserons pas intimider, nous allons poursuivre notre politique de pacification des favelas », a assuré Sérgio Cabral. Le problème, c’est que les UPP ne font que déplacer les caïds, qui s’enfuient avant même leur arrivée. Ils se sont repliés sur l’immense complexe de bidonvilles dit de l’Alemão, dans le nord de Rio.

Pour beaucoup, le succès de la « pacification » dépendra de la « prise » de l’Alemão et d’autres grandes favelas, où cette politique, actuellement limitée à des quartiers de taille moyenne, n’a pas encore été testée. De plus, les UPP ne concerneront que près de 15% des quelque 1 020 favelas de Rio, en général proches des zones touristiques ou des équipements sportifs où se dérouleront le Mondial et les Jeux olympiques.


BRESIL. La police fait le ménage dans les favelas de Rio

Elle a pris le contrôle dimanche matin du bastion des narcotrafiquants.

LIBERATION 28/11/2010 (Source AFP)

Des centaines de policiers d’élite et de parachutistes ont pris le contrôle dimanche matin du bastion des narcotrafiquants dans un ensemble de favelas du nord de Rio, a annoncé la police. « Nous avons reconquis le terrain » dans les favelas du Complexo do Alemao, a déclaré à la presse le commandant de la Police militaire (PM), Mario Sergio Duarte.

Cette offensive d’une envergure jamais vue à Rio a eu lieu une semaine après le début des violences et des affrontements armés entre trafiquants de drogue et police qui ont fait 35 morts.

Deux heures après le début de l’opération qui a commencé vers 8 heures (11 heures, heure française), la police a annoncé qu’elle occupait le terrain.
Le commandant Duarte a précisé que « jusqu’à maintenant, il n’y a pas eu d’affrontements armés » entre les forces de sécurité et les trafiquants bien que des tirs soient encore entendus sporadiquement.

Quelque 2.600 parachutistes, fusiliers marins, membres des forces d’élite de la police et policiers militaires, appuyés par des blindés et des hélicoptères, ont été mobilisés. Policiers d’élite, le visage peint en noir, et soldats ont immédiatement commencé une recherche maison par maison des quelque 600 trafiquants de drogue qui s’étaient retranchés dans cet ensemble de favelas où vivent 400.000 personnes.

« Maintenant, c’est un travail de patience. Nous allons fouiller maison par maison. Il n’y aura pas un seul endroit qui ne sera pas vérifié », a ajouté le commandant Duarte.

Quatre tonnes de marijuana ont déjà été saisies, 16 fusils, une mitraillette et de nombreuses munitions, a rapporté la télévision citant la police. « Il est important maintenant que la population collabore pour que, finalement, ils aient la paix, ce qu’ils n’ont pas depuis trente ans », a dit aussi le porte-parole de la PM, le colonel Lima Castro.

Peu de personnes circulaient dans les rues, des habitants étaient aux fenêtres, d’autres ont accroché, en signe de paix, des drapeaux blancs sur leurs maisons.

Cet ensemble de favelas est dominé par le gang criminel Comando vermelho (Commando rouge), un des plus anciens et un des trois plus puissants de Rio. La décision de donner l’assaut a été prise après que les trafiquants eurent de facto rejeté l’ultimatum lancé samedi par les autorités.

Cette offensive a été montée pour mettre fin à une vague d’attaques et d’incendies de véhicules lancées par les narcos il y a une semaine. Jeudi, les forces de sécurité avaient pris le contrôle de la favela voisine Vila Cruzeiro.
Après des années d’indifférence, le gouvernement de l’Etat de Rio soutenu par le président Luiz Inacio Lula da Silva a décidé de riposter aux actes de « terreur » des trafiquants qui ont lancé une vague d’attaques en réaction à leur exclusion des favelas pacifiées.

Le temps presse pour les autorités qui veulent endiguer la violence endémique de Rio avant d’accueillir le Mondial de football en 2014 et les Jeux olympiques de 2016.

BRESIL. Des narcos seraient en fuite à travers les égouts des favelas de Rio

LEMONDE.FR avec AFP | 29.11.10

La police brésilienne enquêtait, lundi 29 novembre, sur une possible fuite de nombreux narcotrafiquants à travers le réseau d’égouts de l’ensemble de favelas du Complexo do Alemao, au nord de Rio de Janeiro, au lendemain de la prise de ce bastion, a indiqué à la presse le commandant des troupes d’élite.

"Certains [narcos] ont été arrêtés alors qu’ils essayaient de fuir habillés en religieux ou en uniforme d’employés municipaux. Il est possible que certains aient réussi – et ceci avant l’opération [policière et militaire de dimanche] – à aller dans la favela do Juramentinho", a déclaré le commandant du Bataillon d’opérations spéciales (BOPE), Paulo Henrique Moraes.
Selon lui, il existe un grand réseau d’égouts qui a pu faciliter leur fuite. "Ce sont de très grandes galeries d’égouts où une personne peut facilement se tenir debout", a dit M. Moraes, qui souligne qu’il n’y a pas d’ingénieur qui connaisse leur extension exacte, en raison de travaux effectués par plusieurs entreprises et interrompus de nombreuses fois.

Lundi, la police continuait à ratisser le Complexo do Alemao à la recherche d’éventuels narcos encore cachés. Selon le commandant du BOPE, plus de quarante personnes ont été arrêtées dimanche et quarante tonnes de marijuana, cocaïne, armes et munitions ont été saisies.

GAGNER LA GUERRE

Le contrôle du Complexo do Alemao par quelque 2 600 hommes, parachutistes et troupes de choc de la police, appuyés par des blindés et des hélicoptères, a été repris dimanche matin en à peine deux heures. Cette offensive a été montée pour mettre fin à une vague d’attaques et d’incendies de véhicules lancée par les narcos il y a une semaine, en réaction à leur expulsion des favelas pacifiées.

Le président brésilien, Luiz Inacio Lula da Silva, a affirmé lundi que l’Etat brésilien gagnera "la guerre" contre les trafiquants de drogue et annoncé qu’il visiterait les favelas du Complexo do Alemao, sans préciser la date de sa venue. Lula a déclaré qu’il la prévoyait depuis longtemps mais que, maintenant, il la "ferait avec beaucoup plus de plaisir et de tranquillité", lors de son programme hebdomadaire radio "Café avec le président".

BRESIL. Dans les favelas, une guerre sans vainqueur

COURRIER INTERNATIONAL 30.11.2010 - Marcelo Freixo - Folha de São Paulo

L’offensive militaire spectaculaire lancée par les forces de l’ordre depuis le 25 novembre dans plusieurs favelas de Rio est présentée par le gouvernement et la plupart des médias comme un succès dans la lutte contre le trafic de drogues. Mais ces démonstrations de force n’ont jamais rien résolu : la vraie guerre doit se mener sur un front social.

Des dizaines de jeunes pauvres, noirs, armés de fusils, sont en fuite. Il ne s’agit pas d’une marche révolutionnaire, comme la scène pourrait le suggérer en d’autres temps et d’autres lieux. Ils vont les armes à la main et la tête vide. Ils ne défendent aucune idéologie. Ils ne luttent pas pour s’emparer de l’Etat [de Rio]. Il n’ont aucune perspective. Ils ne connaissent que la barbarie. La plupart d’entre eux ont quitté l’école très tôt et ils savent très bien que leur destin se résume à mourir ou à finir en prison.

Les images aériennes de la télé, en direct, sont terribles : elles montrent des individus qui peuvent à tout moment tuer comme être tués. La scène s’est produite à la suite de l’intervention de la police militaire [de l’Etat de Rio] dans la favela de Vila Cruzeiro et au Complexo do Alemão [un ensemble d’une douzaine de favelas], au nord de Rio [l’offensive de l’armée a commencé jeudi 25 novembre. Le 28 novembre, 2 600 parachutistes ont investi les favelas, appuyés par des blindés et des hélicoptères]. L’idéal serait une reddition, mais cela semble impossible. Le risque d’un bain de sang est donc bien réel car la logique de guerre prévaut dans la mission de sécurité publique. L’Etat accomplit ainsi son rôle traditionnel. Mais à la fin, il n’y a généralement pas de vainqueur. Ce modèle d’affrontement ne semble aucunement efficace : il n’y a pas si longtemps, en 2007, avec la même équipe gouvernementale [de l’Etat de Rio], la police était entrée dans le Complexo do Alemão et avait tué 19 personnes. Et voilà qu’aujourd’hui, la police juge nécessaire de revenir dans la même favela.

Cette façon de faire prévaut au Brésil depuis la guerre de Canudos [A la fin du XIXe siècle, le prédicateur Antônio Conselheiro fonde à Canudos, dans l’Etat de Bahia, une communauté de plusieurs dizaines de milliers de personnes contestant l’ordre religieux et politique. Les autorités de la toute jeune république envoient quatre expéditions militaires pour venir à bout de cette subversion]. Cette logique de guerre n’a pourtant jamais permis d’offrir une réelle sécurité. D’autres crises viendront. Et d’autres morts. Jusqu’à quand ? Ce n’est pas un nouveau jour J, tel qu’on le présente aujourd’hui, qui va garantir la paix.

L’analogie avancée ces derniers jours avec le Débarquement lors de la Seconde Guerre Mondiale est une fraude médiatique. Cette crise s’explique, en partie, par une conception du rôle de la police impliquant la confrontation armée avec les gangs de dealers. Cela ne mettra jamais fin à un trafic qui existe partout, dans le monde entier. Mais qui inonde les favelas d’armes et de drogue ? Il faut patrouiller dans la Baía de Guanabara [la baie de Rio], dans les ports, les aéroports clandestins, aux frontières. Le lucratif commerce des armes et de la drogue est aux mains d’une mafia internationale.

Croire que des confrontations armées dans les favelas peuvent en finir avec le crime organisé, c’est faire preuve de naïveté. Avoir la police qui tue et meurt le plus dans le monde ne résout rien. Il y a un manque de volonté politique pour valoriser et préparer les policiers à affronter le crime là où le crime s’organise – où l’on trouve pouvoir et argent.

A l’origine de la crise, il y a aussi l’inégalité. C’est la misère qui apparaît comme toile de fond dans le zoom des caméras de télé. Mais ce sont les hommes armés en fuite et l’appareil guerrier de l’Etat qui sont les personnages principaux de ce spectacle terrifiant, au moyen d’une narration structurée par le biais manichéen de l’éternelle “guerre” entre le bien et le mal. Comme “l’ennemi” habite dans la favela, ce sont ses habitants qui souffrent des effets collatéraux de la guerre, alors que la crise semble ne pas affecter beaucoup la vie dans le sud de la ville [les quartiers chics] où l’action de la police est d’abord préventive. La violence est inégale.

WikiLeaks : ETATS-UNIS/ BOLIVIE, une relation victime de l’overdose de coca

Le Monde.fr | 03.12.10. Par Paulo A. Paranagua

Pourquoi le président bolivien Evo Morales a-t-il expulsé du pays l’ambassadeur américain Philip Goldberg en septembre 2008 ? Malgré les intérêts économiques de la Bolivie, dont les exportations vers les Etats-Unis sont appréciables, la relation bilatérale s’est détériorée par l’excès de rhétorique gouvernementale et la hausse de la production de cocaïne, à en croire les télégrammes du département d’Etat obtenus par WikiLeaks et révélés par Le Monde.

Le chef de cabinet, Juan Ramon Quintana, et le vice-président, Alvaro Garcia Linera, avaient pourtant sollicité une aide accrue des Etats-Unis dans la lutte contre les stupéfiants. En février 2006, M. Quintana assurait que l’agence anti-drogues américaine, la DEA, était la "bienvenue" dans la région du Chapare, fief de M. Morales, dirigeant des "cocaleros", les cultivateurs de la feuille de coca.

En octobre 2006, M. Garcia Linera exprimait à M. Goldberg sa "gratitude". Le vice-président se présente alors comme l’interlocuteur privilégié des Américains, prêt à répondre au téléphone à toute heure. Il propose même au nouvel ambassadeur de l’appeler par son prénom : "call me Alvaro".
Face aux fréquentes déclarations antiaméricaines du chef de l’Etat, M. Garcia Linera admet que le gouvernement devrait "baisser le ton" et demande à M. Goldberg "une bonne dose de patience". L’ambassadeur lui fait remarquer qu’être accusé de conspiration et de tentatives d’assassinat du président "est en dessous des normes acceptées de la diplomatie et du discours politique".

UN CONSEILLER DE LULA APPELÉ À L’AIDE

Dès décembre 2006, La Paz annonce son intention d’étendre la surface autorisée des plantations de feuilles de coca, passant de 12 000 hectares à 20 000. "Les stupéfiants restent au centre de la relation bilatérale, note un "mémo" de février 2007. Ce n’est pas surprenant, étant donné que le président Morales est le leader des fédérations de coca du Chapare."

Une note d’août 2007 souligne "l’incohérence de la politique du gouvernement bolivien à l’égard de la coca". En même temps, "pour distraire l’opinion des problèmes internes, les officiels utilisent la rhétorique antiaméricaine et accusent les Etats-Unis de financer l’opposition".
Les choses se dégradent assez vite. Washington est bientôt obligé de demander l’aide du conseiller diplomatique du président brésilien Lula, Marco Aurelio Garcia, pour que l’ambassade américaine à La Paz soit protégée des manifestations hostiles, révèle un télégramme de juin 2008. Brasilia accepte d’intervenir en ce sens. "Le Brésil a dit au gouvernement bolivien qu’il devrait modérer la rhétorique et régler ses disputes s’il veut avancer."
Le conseiller de Lula "ne voit pas comment un conflit avec les Etats-Unis peut être bénéfique pour la Bolivie". Brasilia fera savoir ensuite qu’il "avait transmis clairement au gouvernement bolivien l’importance de cesser de provoquer les Etats-Unis".

SCEPTICISME DE L’AMBASSADEUR SUR LES PRINCIPAUX OPPOSANTS

Lors d’une rencontre avec le secrétaire d’Etat adjoint Thomas Shannon, en juillet 2008, le président Morales s’excuse pour le harcèlement de l’ambassade à La Paz, mais les positions restent distantes. Peu après, en septembre, l’ambassadeur Goldberg est déclaré persona non grata en Bolivie. Cette mesure sera suivie en novembre par l’expulsion des agents de la DEA. Washington réplique par la suspension des préférences douanières dont bénéficiait la Bolivie (et les autres pays andins) au titre de l’effort fourni contre le trafic de drogues.

La principale accusation contre M. Goldberg a été d’avoir tenté d’"unifier l’opposition". Pourtant, un rapport secret montre, dès décembre 2006, le scepticisme de l’ambassadeur à l’égard des principaux opposants. Ainsi, les futurs candidats à la présidence Manfred Reyes Villa et Samuel Doria Medina sont traités de "dinosaures". L’ancien président Jorge "Tuto" Quiroga, très actif, est considéré "sans importance".

Aujourd’hui, les Américains ne sont plus les seuls préoccupés par la dérive bolivienne en matière de stupéfiants. Selon un "mémo" de novembre 2009, "les Européens notent l’augmentation de la production de coca, craignent l’introduction d’organisations criminelles d’autres pays et reconnaissent la perte de capacité des autorités boliviennes après l’expulsion de la DEA".
L’Europe, principale destinataire de la cocaïne produite en Bolivie, n’est pas en mesure de combler le vide laissé par l’agence américaine.

Selon les estimations de l’Union européenne, la surface cultivée de coca atteint 32 000 à 34 000 hectares (l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime l’évalue à 30 500 hectares). En décembre 2009, les Boliviens eux-mêmes, du moins leur Force spéciale de lutte contre le narcotrafic, admettent l’explosion de la cocaïne à Cochabamba, Santa Cruz et El Alto.

Environ 44 000 familles du Chapare et 26 000 familles de la région de Los Yungas (La Paz) vivent des plantations de coca (sur une population de 9 millions).

ETATS-UNIS. L´Arizona devient le 15e Etat à légaliser l´usage médical du cannabis

Le 2 novembre dernier, les électeurs de l´Arizona ont approuvé, à quelques voix près, l´usage médical du cannabis pour les patients souffrant de maladies chroniques ou débilitantes. Cette décision fait de l´Arizona le 15e Etat à autoriser l´usage thérapeutique du cannabis. La Californie a été le premier en 1996 et suivirent ensuite 13 autres Etats (l´Alaska, le Colorado, Hawaii, le Maine, le Michigan, le Montana, le Nevada, le New Jersey, le Nouveau-Mexique, l´Oregon, Rhode Island, le Vermont, et Washington) et Washington D.C. (District de Columbia). Le décompte des voix a montré un écart de 4341 voix sur 1,67 million de votes. Les électeurs de l´Arizona avaient déjà, à une large majorité, approuvé une loi sur le cannabis à usage médical en 1996, puis de nouveau en 1998. Néanmoins, ces changements étaient restés sans application suite à des problèmes de formulation.

Désormais, la loi permettra, aux patients atteints de maladies telles que les cancers, le VIH, l´hépatite C et toute maladie chronique ou débilitante, de faire pousser ou d´acheter un maximum de 2,5 onces (70 grammes) de cannabis toutes les 2 semaines. Les patients devront obtenir une ordonnance de leur médecin et être enregistrés au Département de la Santé de l´Arizona. La loi autorise un maximum de 124 dispensaires dans l´Etat. A partir du 29 novembre, il faudra attendre 120 jours avant que celle-ci soit active.

Pour plus d´information :

http://hosted.ap.org/dynamic/stories/U/US_ARIZONA_MEDICAL_MARIJUANA?SITE=FLTAM&SECTION=HOME&TEMPLATE=news_generic.htm

ETATS-UNIS/ CALIFORNIE. Vers une légalisation du cannabis en 2012 ?

COURRIER INTERNATIONAL 09.12.2010 - John Hoeffel - The Washington Post

Malgré leur défaite le 2 novembre dernier, les partisans de la légalisation du cannabis en Californie préparent déjà leur retour pour 2012 et affichent un optimisme sans faille. A leurs yeux, ce scrutin fut un galop d’essai qui devrait leur permettre de mieux cibler leur campagne et de réunir davantage de fonds en vue du prochain vote. Une chose est sûre, les auteurs de la proposition 19 [nom du référendum d’initiative populaire sur la légalisation du cannabis soumis aux électeurs californiens le 2 novembre] sont dans une situation bien plus favorable qu’il y a deux ans. Réglementer et taxer la vente de marijuana n’était alors le rêve que d’une poignée de militants originaires de la ville d’Oakland.

Aujourd’hui, les partisans de la légalisation ont su élargir leur base militante, attiser l’intérêt de généreux donateurs, et les médias de l’Etat ont sérieusement débattu de la question. En outre, l’élection présidentielle de 2012 devrait attirer davantage de jeunes dans les bureaux de vote. S’ils s’étaient déplacés le 2 novembre dernier, la proposition 19 aurait été adoptée, au dire des défenseurs du projet. Les électeurs californiens ont beau avoir rejeté la proposition à 54 %, contre 46 %, un sondage postélectoral a montré qu’ils étaient en faveur de la légalisation à 49 %, contre 41 %.

Un problème fondamental pour les partisans de la légalisation sera de trouver l’argent pour financer des spots télévisés à l’échelle de l’Etat. Les organisateurs espéraient dépenser cette année entre 7 et 15 millions de dollars, mais ils n’ont réuni que 4 millions, dont une bonne partie a été apportée par Richard Lee, fondateur de l’Oaksterdam University et principal artisan de la proposition [voir CI n° 1042, du 21 octobre 2010].

Une poignée de riches entrepreneurs de la Silicon Valley ont toutefois signé de gros chèques et, peu de temps avant le scrutin, le multimilliardaire George Soros a apporté 1 million de dollars à leur cause.

Le prochain référendum d’initiative populaire sur cette question va, en outre, bénéficier d’entrée de jeu d’une forte base militante. Deux des plus influents syndicats en Californie ont appuyé la proposition 19, qu’elles considèrent comme un tremplin pour l’emploi. Quant à la NAACP [Association nationale pour la promotion des gens de couleur] et la Latino Voter’s League [Ligue des électeurs latinos], elles ont soutenu ce texte, car elles y ont vu un moyen de mettre fin à la guerre contre la drogue – politique répressive dont les Noirs et les Latinos font particulièrement les frais. Malgré ces prises de position, les électeurs noirs et latinos ont toutefois majoritairement voté contre la légalisation le 2 novembre dernier.

MOZAMBIQUE. WikiLeaks : le pouvoir et la drogue font bon ménage au Mozambique

Le Monde.fr | 08.12.10. Par Christophe Châtelot

Brusquement à l’été 2009, les affaires de Castro Serafim, le maire de la ville de Nampula, se sont écroulées. "Il était particulièrement irrité", rapporte le chargé d’affaires de l’ambassade américaine au Mozambique, dans un télégramme diplomatique obtenu par WikiLeaks et révélé par Le Monde.
La raison de cette colère ? "Ghulam Rassul Moti, trafiquant de haschich et d’héroïne dans le nord du Mozambique depuis 1993 au moins, a considérablement réduit le montant de ses pots-de-vin aux élus locaux pour les verser directement aux dirigeants du Frelimo (le parti au pouvoir depuis l’indépendance en 1975)", indique le chargé d’affaires.

"PAS TOUT À FAIT UN NARCO-ÉTAT CORROMPU, MAIS...

Les déboires de Castro Serafim illustrent un phénomène autrement plus inquiétant. Après la Guinée-Bissau, le Mozambique est devenu "la deuxième place africaine la plus active pour le transit des narcotiques", écrit le diplomate. "Pas tout à fait un narco-Etat corrompu, mais la tendance est inquiétante."

Le trafic de drogue repose sur deux grands réseaux tenus par deux Mozambicains d’ascendance sud-est asiatique – Mohamed Bachir Suleiman dit "MBS" et Ghulam Rassul Moti – dont les activités auraient été impossibles sans des complicités au plus haut niveau de l’Etat.
"MBS a des liens directs avec le président Armando Guebuza et l’ancien président Joaquim Chissano", peut-on lire dans un câble daté du 28 septembre 2009. "MBS a grandement contribué à remplir les coffres du Frelimo, et a fourni un soutien financier significatif aux campagnes électorales" des deux hommes politiques, ajoute-t-il. Le 1er juin, le Trésor américain a gelé les avoirs aux Etats-Unis de trois sociétés appartenant à MBS pour leur activité dans le trafic de drogue.

POTS-DE-VIN À LA POLICE, AUX SERVICES D’IMMIGRATION, ETC...

Pour appuyer ses accusations le diplomate explique que "la gestion du port de Nacala, tristement célèbre pour permettre le transbordement de la drogue en provenance du sud-est asiatique, a été récemment attribuée à Celso Correira, PDG de la société Insitec, une société écran du [président] Guebuza. Les trafiquants d’une façon routinière, versent des pots-de-vin à la police, aux services d’immigration et aux douaniers pour s’assurer que la drogue entre librement dans le pays."

La cocaïne arrive "par avion à Maputo depuis le Brésil". Le haschich, le mandrax et l’héroïne empruntent la voie maritime. Ces "drogues viennent du Pakistan, d’Afghanistan et d’Inde", détaille un autre télégramme en date du 17 novembre 2009. Les marchandises alimentent ensuite le marché sud-africain, ou prennent la direction de l’Europe.
Une autre source de préoccupation concerne le blanchiment d’argent. L’ambassade américaine de Maputo s’inquiète ainsi d’une nouvelle législation sur les casinos, plus laxiste, signée en janvier 2009 par le président Guebuza. "La loi abaissera effectivement les barrières pour les narcotrafiquants qui cherchent à blanchir leurs fonds."

COLOMBIE • Le foot lave plus blanc

COURRIER INTERNATIONAL 09.12.2010 - Semana

La justice découvre les liens entre les narcotrafiquants et le monde du ballon rond. De nombreux clubs locaux ont permis aux groupes mafieux de blanchir une partie de l’argent de la drogue.

Aux Etats-Unis, les trafiquants de drogue qui se sont rendus aux autorités et les paramilitaires colombiens extradés ont commencé à révéler les liens qui existent entre le football colombien et la mafia. Pour la justice américaine, il ne fait plus le moindre doute que le ballon rond a servi à blanchir l’argent de la drogue à grande échelle. On dispose de données attestant l’infiltration des paramilitaires dans ce sport, à tel point qu’on peut compter sur les doigts de la main les clubs qui sortiraient blanchis d’un contrôle.

Le phénomène n’est pas nouveau, mais aujourd’hui, contrairement à ce qui se passait dans les années 1980, la plupart de ceux qui détiennent les secrets du football sont en prison et on peut les interroger. L’un d’entre eux est le nouveau grand chef du narcotrafic, Julio Alberto Lozano Pirateque. Il s’est rendu à la justice américaine fin novembre [de nombreux trafiquants et paramilitaires préfèrent être jugés aux Etats-Unis pour trafic de drogue et négocier leur peine plutôt qu’être jugés en Colombie]. Cet homme, également appelé Don Julio ou le Patriarche, commandait avec Luis Agustín Calceido, alias Don Lucho, le cartel le plus puissant du pays. D’après la DEA [agence américaine de lutte contre le trafic de stupéfiants], cette organisation mafieuse aurait expédié plus de 912 tonnes de cocaïne pendant les cinq dernières années, blanchi plus de 7,9 milliards d’euros et noué des alliances avec les cartels mexicains. L’enquête indique que ce réseau a blanchi d’importantes sommes d’argent dans le milieu du football, par le biais de différentes équipes colombiennes de première et de deuxième division, notamment les clubs Santa Fe, Atlético Juventud Soacha FC (devenu Juventud Girardot) et El Expreso Rojo. L’Esmeraldas Fútbol Club est lui aussi sur la liste. Le club aurait servi à faire transiter des millions, à acheter et à vendre des joueurs, à blanchir de l’argent et à fournir une couverture aux mafieux.

Selon le ministère public, Lozano Pirateque a rencontré celui qui était alors président du Santa Fe, Eduardo Méndez, et a décidé d’investir 7 millions de dollars pour acheter l’équipe en 2002 aux héritiers de César Villegas, qui était le propriétaire majoritaire de cette équipe de la capitale et avait été assassiné. Pendant plusieurs années, d’après certains témoignages, des sacs de toile remplis de dollars seraient arrivés dans les bureaux du club et plusieurs fois certains joueurs auraient touché leurs salaires en dollars. Les enquêtes officielles démontrent aussi que l’achat et la vente de joueurs auraient fait l’objet de transactions à hauteur de plusieurs millions de dollars. En 2007, l’affaire a commencé à sentir le roussi. Eduardo Méndez a dû quitter la présidence de l’équipe pour se rendre aux Etats-Unis, où il devait répondre d’accusations d’obstruction à la justice. Il a négocié une remise de peine et n’a finalement écopé que d’une condamnation de moins de deux ans.

Aux Etats-Unis, on s’intéresse aussi aux méthodes qui ont permis aux para­militaires de blanchir dans le football des millions de dollars provenant du narcotrafic. L’infiltration du milieu du football par les paramilitaires a commencé, comme celle des cartels de la drogue, dans les an­nées 1980. Les commandants para­militaires les plus intéressés par le foot­ball étaient alors “Don Berna” [de son vrai nom Diego Fernando Murillo Bejarano], “Macaco” [Carlos Mario Jímenez Naranjo] et “Jorge 40” [Rodrigo Tovar Pupo – tous trois ont été extradés aux Etats-Unis en mai 2008 pour répondre de l’accusation de trafic de drogue]. Et ils sont entrés non pas dans les grandes équipes, mais dans des clubs de deuxième division. Mais ensuite ils ont infiltré des équipes plus réputées. “Si dans le football professionnel les contrôles sont rares, c’est particulièrement vrai dans les petits clubs. Ceux-ci se prêtent mieux à des opérations de blanchiment d’argent”, explique à Semana un enquêteur de l’Unité de blanchiment du ministère public.

L’implication des paramilitaires dans le milieu du football à des fins de blanchiment d’argent de la drogue, attestée par des témoignages verbaux, était connue du ministère public colombien depuis plus de quatre ans. Ce qui a attiré l’attention, c’est que jamais, tant que les chefs paramilitaires séjournaient dans le pays, aucune autorité judiciaire ne les a interrogés sur cette question. Certes, les massacres, la “parapolitique” [l’infiltration des paramilitaires dans le milieu politique] ou les relations entre les paramilitaires et des militaires étaient au tout premier rang des priorités. Mais il n’en reste pas moins curieux que personne en Colombie ne se soit jamais intéressé au blanchiment d’argent dans le football.

MEXIQUE. Il y a un an, la journaliste mexicaine Maria Esther était enlevée...

LIBERATION 11/11/2010

Le 11 novembre est un sombre anniversaire pour Carmen Aguilar : sa soeur Maria Esther, journaliste de 32 ans, a été enlevée il y a un an au Mexique mais les autorités restent muettes sur l’enquête, comme sur les assassinats ou disparitions de plus de 30 de ses confrères depuis quatre ans.

Maria Esther, mère de deux filles, était correspondante du quotidien Cambio de Michoacan pour la rubrique criminelle, les affaires de drogue, à Zamora, dans l’Etat de Michoacan (ouest). La région est un des champs de bataille de la « guerre des cartels » qui a fait 28.000 morts au Mexique ces quatre dernières années.

Cette guerre, faite de règlements de comptes et d’affrontements avec les forces de l’ordre, a aussi ses victimes collatérales, à commencer par les journalistes, pour lesquels le Mexique est un des pays les plus dangereux au monde.
On y compte plus de 30 professionnels de l’information tués ou disparus, selon le Comité pour la protection des journalistes (CPJ), depuis l’arrivée au pouvoir du président mexicain Felipe Calderon, en décembre 2006. Il a érigé la lutte
contre les cartels en priorité nationale, et lancé contre eux 50.000 militaires en renfort de la police. Le Mexique est aussi l’un des pays où les crimes contre les journalistes restent les plus impunis, souligne le CPJ. Les coupables échappent aux recherches dans plus de 90% des cas, renchérit la Société interaméricaine de presse (Sip), qui siège à Miami aux Etats-Unis. Mexico a institué la charge de procureur spécialement chargé des dossiers de crimes contre la presse, désormais qualifiés de crimes fédéraux, mais rien n’a encore changé dans les faits.

A Zamora, Maria del Carmen croit que la police « a enquêté et sait quelque chose » sur le sort de sa soeur. Mais personne n’a été arrêté. Même attente chez les familles des trois autres journalistes portés disparus à ce jour dans la région. Celle de Jose Antonio Apac réclame encore et toujours que des plongeurs recherchent son corps dans un lac de barrage, près du dernier endroit où on l’a vu vivant, en 2006.
« Au Parquet fédéral, on nous a dit que ce serait plus facile si nous trouvions un plongeur nous-mêmes », confie à l’AFP son épouse, Rosa. Le dossier a été classé en 2007. Dans le cas de Gerardo Garcia, assassiné en décembre 2007, les douilles des balles qui l’ont tué n’ont pas été examinées par les experts, et on n’a pas vérifié s’il avait utilisé son téléphone portable, reconnaît le Parquet régional dans un rapport.

Les familles n’ont perçu aucune indemnité ou prime d’assurance, car les disparus ne sont pas officiellement décédés. Les deux filles de Maria Esther reçoivent une aide financière du Cambio de Michoacan, qui payait leur mère un peu moins de 6,5 dollars (ou 5 euros) par information publiée.

Dans un pays où les cartels imposent de plus en plus « le silence ou la mort » aux journalistes, selon une expression du CPJ, Maria del Carmen a « pensé à revenir parler aux médias, ou organiser une marche ».
« Mais, en vérité, je n’ai pas d’idées claires à ce propos », murmure-t-elle tristement.

MEXIQUE • Agents américains en danger

COURRIER INTERNATIONAL 09.12.2010

Selon un des télégrammes diplomatiques révélés par WikiLeaks, l’ambassade des Etats-Unis à Mexico a signalé à Washington qu’au moins 61 agents américains luttant contre les trafiquants de drogue avaient été assassinés au Mexique entre 2007 et 2009, rapporte Excelsior. Le document révèle que dix fonctionnaires américains de la DEA (agence américaine de lutte contre le trafic de drogue) et 51 contacts du FBI sont morts pendant cette période. Son auteur s’inquiète de la multiplication des attentats contre des intérêts américains sur le territoire mexicain depuis 2007 et de la violence de plus en plus grande liée aux cartels de la drogue. 

MEXIQUE. Calderón joue avec le feu

COURRIER INTERNATIONAL 16.12.2010 - Jorge Carrasco Araizaga – Proceso

Le trafic de drogue a coûté la vie à plus de 28 000 personnes depuis décembre 2006, date de l’arrivée au pouvoir du président Felipe Calderón. L’envoi de troupes pour lutter contre les narcotrafiquants s’est certes généralisé, mais il n’empêche pas la violence de prendre de l’ampleur.

Felipe Calderón est l’homme de la violence. Plus les morts voulus par le gouvernement sont nombreux, plus il se vante de succès dans sa “guerre contre le narcotrafic”. Depuis un an, le président a opté pour l’élimination systématique des principaux narcotrafiquants, ne craignant pas d’utiliser la force à outrance, tout en sachant que cette politique va coûter la vie à des civils innocents. Le “président courageux”, comme il s’est présenté au début de son mandat [le 1er décembre 2006], lorsqu’il a déclaré sa guerre [aux cartels le 11 décembre 2006], ne propose qu’une seule solution : la répression. C’est ce qu’il a affirmé dès le premier jour. Lors des trois premières années de son mandat, il a essayé de limiter les affrontements entre cartels. En vain. Il a ensuite décidé de faire sienne la politique des Etats-Unis consistant à éliminer certains chefs. Il a donc commencé il y a un an à Cuernavaca, avec Arturo Beltrán Leyva [chef du cartel des Beltrán Leyva, abattu le 16 décembre 2009]. Il a continué par Ignacio Nacho Coronel [un des leaders du cartel de Sinaloa, abattu le 31 juillet 2010], puis Antonio Ezequiel Cárdenas Guillén, dit Tony Tormenta [un des chefs du cartel du Golfe, abattu le 5 novembre 2010]. C’est maintenant au tour de Nazario Moreno González, alias El Chayo [le chef du cartel de La Familia du Michoacán, abattu le 11 décembre].

Cette politique tient plus de l’esbroufe que de l’efficacité. Elle permet à Calderón d’affirmer qu’il ne fait pas de quartier, qu’il ne protège aucune organisation, qu’il a frappé les Beltrán Leyva, le cartel de Sinaloa, le cartel du Golfe et La Familia du Michoacán. Suivant cette logique, il devrait maintenant poursuivre un chef des Zetas. Mais, dès qu’on élimine un leader, un autre lui succède. S’attendant à être trahis soit de l’intérieur, soit par leurs protecteurs institutionnels, les chefs du narcotrafic forment leurs successeurs. Personne n’est prêt à abandonner un commerce aussi florissant : ni les trafiquants de drogue, ni les autorités qui les couvrent, ni les prête-noms qui servent à blanchir l’argent de la drogue.

Et c’est dans l’Etat même du Michoacán, la région natale du président, que la situation est la plus frappante, puisqu’on assiste à la fois à une absence de contrôle des autorités sur toute une partie du territoire et à des manifestations sociales de rejet des institutions. C’est dans l’Etat du président que l’élimination d’El Chayo, un des chefs de La Familia, a déclenché une mobilisation collective sans précédent, aux conséquences encore incertaines. Au lendemain de l’annonce officielle de la mort de Nazario Moreno, des centaines de personnes ont ainsi défilé à Apatzingán, défiant ouvertement la police fédérale qui l’avait abattu. Et, trois jours après, les manifestations [de soutien à La Familia] continuaient encore. A supposer même que ces rassemblements soient financés par La Familia, cela en dit long sur la pénétration du narcotrafic dans le tissu social. La situation est comparable dans les Etats de Sinaloa et Nuevo León, avec les cartels de Sinaloa et des Zetas. Mais, au Michoacán, Felipe Calderón a allumé un véritable incendie. Il tient à faire place nette pour que sa sœur, Luisa María, obtienne le poste de gouverneur qui lui a toujours échappé.

Le coût que paie son Etat est trop élevé, non seulement à cause de l’instabilité politique provoquée par l’arrestation de fonctionnaires municipaux et de l’Etat, mais aussi en raison des nombreux morts civils que sa politique a faits dans tout l’Etat. On ne connaît pas encore le vrai bilan de la confrontation dans le Michoacán, qui a débuté le 8 décembre, mais, une chose est sûre, le président est décidé à jeter encore plus d’huile sur le feu dans les prochains jours, avec l’envoi de milliers de soldats et de policiers.

MEXIQUE • Un député suspecté de liens avec un cartel perd son immunité

COURRIER INTERNATIONAL 16.12.2010 - El Universal

L’Assemblée nationale mexicaine a levé le 14 décembre l’immunité parlementaire de Julio César Godoy, un député du Parti de la révolution démocratique (PRD, opposition, gauche), poursuivi pour ses liens présumés avec un cartel de la drogue. Elu en juillet 2009, il avait fait sensation en septembre dernier, alors qu’il était en fuite depuis trois mois, en bernant la police pour entrer à l’Assemblée, prêter serment et s’assurer ainsi l’immunité parlementaire. Il affirme être victime d’un complot politico-judiciaire.

TADJIKISTAN • Mobilisation russe contre le trafic de drogue

COURRIER INTERNATIONAL 10.12.2010

Le 8 décembre à Moscou, les directeurs des agences anti-drogue du Pakistan, d’Afghanistan, de Russie et du Tadjikistan ont signé un accord sur la création du "quatuor centrasiatique anti-drogue", rapporte le webzine turkmène indépendant Gundodar. "30 % des drogues produites en Afghanistan pénètrent sur les marchés internationaux aux travers des frontières entre la Russie et les ex-républiques soviétiques d’Asie centrale", précise le webzine. Mais la Russie ne compte pas en rester là. "Compte tenu de la situation actuelle en Afghanistan et d’une menace terroriste accrue, la Russie est prête à revenir sur la frontière tadjiko-afghane [longue de près de 1400 km]", a déclaré Maxime Pechkov, haut fonctionnaire du ministère des Affaires étrangères russes en marge de la conférence internationale "Tadjikistan et Russie-2010" à Douchanbé, la capitale tadjike, le 9 décembre.

ITALIE. Lutte contre la ’Ndrangheta, 77 personnes visées par des mandats d’arrêt

LIBERATION 02/12/2010

200 millions d’euros de biens ont été saisis et un colonel des carabiniers a été arrêté, en Italie.

La police italienne a lancé jeudi 77 mandats d’arrêt, notamment contre un colonel des carabiniers, et procédé à la saisie de 200 millions d’euros de biens appartenant à une organisation de trafic international de drogue mise sur pied par la ’Ndrangheta, la mafia calabraise.
Ce raid, organisé conjointement par la police financière et les carabiniers, s’est déroulée simultanément en Calabre (sud), dans le Trentin Haut-Adige (nord), en Emilie (centre-nord) et en Vénétie (nord).

L’organisation, dirigée par les clans Muto et Chrillo, était basée à Cetraro en Calabre, fief de Muto, surnommé « le roi du poisson ».
Les personnes contre lesquelles ont été lancées des mandats d’arrêt sont accusées d’association mafieuse ayant pour but le trafic de drogue et d’armes.
Le colonel Luigi Verde, 57 ans, a été arrêté dans la caserne de Bolzano (Haut-Adige, nord), où il dispose d’un appartement de fonction. Lors d’une perquisition à son domicile ont été découverts des armes de guerre et des explosifs, notamment une mitraillette, 13 grenades, un pistolet et 500 grammes d’explosif.

Il est accusé d’avoir joué un rôle dans le transport de la drogue, notamment lors d’un transfert de cocaïne de l’aéroport romain de Fiumicino, où il était arrivé à bord d’un vol en provenance du Venezuela, à Cinecittà, en banlieue de Rome, où elle avait réceptionnée par des affiliés à la ’Ndrangheta.
« La découverte d’explosifs et d’armes au domicile de Verde a été une surprise pour nous », a indiqué le procureur de la République de Catanzaro (Calabre) Vincenzo Antonio Lombardo, cité par l’agence italienne Ansa. Selon lui, « il est clair que cette circonstance ouvre de nouveaux scénarios dans le cadre de notre enquête et nous devrons maintenant comprendre pour qui et pourquoi Verde détenait ce matériel ».

ITALIE. Pas de cocaïne pendant le service

LIBERATION 11.12.2010. (Source AFP)

Le directeur d’un hôpital des Pouilles (sud de l’Italie) qui avait demandé dans une circulaire à son personnel de ne pas sniffer de cocaïne durant ses heures de service encourt des sanctions disciplinaires, a indiqué samedi l’agence de presse italienne Ansa. Cette invitation avait été adressée aux médecins et aux infirmiers à la suite de plusieurs dénonciations anonymes envoyées au directeur de l’hôpital de Santa Catarina Novella di Galatina, près de Lecce. Informée de l’existence de cette circulaire, la direction des affaires sociales de la province de Lecce a ouvert une enquête interne et saisi le parquet. D’éventuelles sanctions disciplinaires contre l’auteur de la circulaire, Giuseppe Di Maria, accusé d’avoir choisi une voie « peu opportune » pour dénoncer l’usage de cocaïne dans son établissement, sont à l’étude, a indiqué le directeur des affaires sociales, Guido Scoditti.

« Une erreur ».

« Il était nécessaire que j’envoie ce dossier au parquet, parce qu’un fait de ce genre, qui au cas où il serait avéré serait d’une gravité inimaginable, implique la commission de délits », a-t-il affirmé.
« En ce qui concerne le directeur de l’hôpital, il a certainement fait une erreur, il n’aurait pas dû faire cette circulaire, mais m’informer directement. La consommation présumée de cocaïne en milieu hospitalier ne devait certainement pas être gérée de cette façon », s’est-il étonné.
Les erreurs médicales et la gestion calamiteuse de certaines structures de santé dans le sud de la péninsule font régulièrement la Une des pages « faits divers » de la presse italienne : népotisme, corruption, incompétence et trafic en tous genres font que nombre de méridionaux préfèrent venir se faire soigner dans les hôpitaux du nord du pays.

ALLEMAGNE. Pétard, mais c’est bientôt les fêtes !

LIBERATION 10.12.2010

Chichon, quand tu nous tiens… Un plant de cannabis de deux mètres de haut décoré en arbre de Noël a été saisi chez un « vieux soixante-huitard », mis en examen pour possession de drogue. C’est dans un communiqué plein d’humour intitulé « All you need is love » (en anglais dans le texte) que la police de Coblence (Allemagne) a fait part de sa planante découverte.
Dans l’appartement, les forces de l’ordre ont également découvert 150 grammes de marijuana. Achhh, la crainte du manque avant Noël. En début de semaine, les autorités allemandes avaient aussi annoncé la saisie d’un calendrier de l’Avent dont les 24 petites fenêtres s’ouvraient non sur un chocolat, mais sur un petit paquet de cannabis…

L’ALLEMAGNE met en garde contre les dangers des « drogues légales »

LIBERATION 20.12.2010 – Source AFP

Les sels de bain, désodorisant d’intérieur ou engrais pour plantes sont dans le collimateur de la police fédérale et du gouvernement.
Les autorités allemandes ont mis en garde lundi contre les dangers de « drogues légales », vendues sous des noms innocents comme par exemple « sels de bain », alors qu’elles sont un risque pour la santé.
La police fédérale allemande (BKA) et la chargée de mission du gouvernement allemand pour les drogues, Mechthild Dyckmans, ont « urgemment mis en garde contre les abus de toutes ces drogues légales », dans un communiqué commun. « Leur consommation entraîne des risques incalculables pour la santé », préviennent-ils. Ils citent notamment des cas de défaillances musculaires et vasculaires, d’hallucinations et d’évanouissements, qui ont souvent conduit à l’hospitalisation des consommateurs.
Ces produits appelés « Legal High », en anglais, sont aussi parfois vendus comme « désodorisant d’intérieur » ou « engrais pour plantes », selon ce communiqué.
Début décembre, les ministres de la Justice de l’Union européenne avaient décidé d’interdire la fabrication et la commercialisation en Europe de l’une de ces « drogues légales », la méphédrone, drogue de synthèse aux effets proches de la cocaïne ou de l’ecstasy. Disponible sur internet, cette drogue demeurait jusqu’à présent licite dans 12 pays de l’UE. Elle était était toutefois déjà interdite notamment en Allemagne et au Royaume-Uni.

THAILANDE • Nouvelle campagne antidrogue

COURRIER INTERNATIONAL 17.12.2010

Au début de l’année prochaine, les autorités vont, une nouvelle fois, déclarer la guerre aux
toxicomanes et trafiquants de drogue, rapporte le Bangkok Post. Elles entendent concentrer leurs efforts dans les provinces frontalières du Nord et du Sud du pays, principaux points de passage des narcotiques. Mais beaucoup gardent à l’esprit la sanglante campagne menée en 2003 par le Premier ministre d’alors, Thaksin Shinawatra, qui avait coûté la vie à 2 600 personnes. Aussi, plusieurs organisations de protection des droits de l’homme ont-elles enjoint le gouvernement à ne pas répéter les abus commis à cette époque.

GUATEMALA. L’état de siège est décrété pour lutter contre le trafic de drogue

COURRIER INTERNATIONAL 20.12.2010 - Prensa Libre

Le gouvernement du Guatemala a décrété le 18 décembre l’état de siège pour une durée de trente jours dans le nord du pays, pour lutter contre l’emprise des narcotrafiquants, notamment ceux du cartel mexicain des Zetas. Selon les autorités locales, ce cartel tient depuis un an sous son contrôle une grande partie du département d’Alta Verapaz afin de s’assurer une voie de trafic vers les Etats-Unis, par le nord du Honduras, le Guatemala et le Mexique. Plusieurs centaines de policiers ont été envoyés en renfort sur place.

PAYS-BAS. Un projet de "passeport cannabis" fait polémique

Le Monde.fr | 07.12.10 - par Jean-Pierre Stroobants, correspondant à Bruxelles

Un projet du gouvernement néerlandais visant à soumettre l’achat de cannabis dans les "coffeeshops" à l’obtention d’un document officiel (le "wietpas") suscite une polémique croissante aux Pays-Bas.

Le ministre de la justice, Ivo Opstelten (libéral), a annoncé, peu de temps après sa récente entrée en fonction, qu’il entendait imposer aux coffeeshops de cinq villes du Sud du royaume – Eindhoven, Breda, Tilburg, Den Bosch et Helmond – l’introduction d’un tel "passeport". La mesure devrait ensuite être étendue à tout le pays. La ville d’Amsterdam a, comme quelques autres municipalités, indiqué qu’elle s’opposerait à cette mesure. Des maires du Sud du pays, confrontés aux nuisances liées au commerce de la drogue, en sont, en revanche, d’ardents partisans.

Le gouvernement entend éviter que des consommateurs étrangers continuent à s’approvisionner en masse dans la zone proche des frontières belge et allemande. Appuyé par des responsables locaux, il affirme aussi que le "passeport" permettra de réglementer, outre la vente, la production du cannabis.

UNE OPTION CONTESTÉE

A l’inverse, pour certains spécialistes, le commerce se déplacera des coffeeshops vers la rue et encouragera des groupes criminels, avec, à la clé, un développement de la violence. Ces opposants évoquent une décision "purement symbolique".

Une étude conduite par une chercheuse de l’université de Tilburg et évoquée,
lundi 6 décembre, par le quotidien Trouw confirme cette analyse. Selon Nicole Maalsté, les "touristes de la drogue" trouveront toujours - comme les Néerlandais qui refuseront de s’enregistrer - à s’approvisionner sur des marchés clandestins.

Mme Maalsté suggère plutôt un système de contrôle basé sur l’examen des passeports et une légalisation de la culture du cannabis, un secteur en bonne partie contrôlé par des groupes mafieux à l’heure actuelle.
Les autorités néerlandaises sont en attente d’un jugement de la Cour européenne de justice qui doit se prononcer, le 16 décembre, sur la légalité, au regard du droit européen, d’une mesure qui exclura de fait tous les étrangers de la vente légale de cannabis.

PAYS-BAS. Un passeport cannabis réservé aux Néerlandais

LE MONDE - 21/12/10 – par Jean-Pierre Stroobants (Bruxelles, bureau européen)

Cela s’appelle le " passeport cannabis " (wietpas) et c’est devenu le sujet de tous les désaccords aux Pays-Bas, un pays qui tente de régler son compte à la politique de tolérance généralisée qui sembla, longtemps, le caractériser. Ivo Opstelten, le ministre libéral de la justice, a lancé un projet qui concerne, au départ, des villes du Brabant néerlandais : Eindhoven, Breda, Tilburg, Den Bosch et Helmond. Il entend faire passer de 5 à 3 grammes la quantité de cannabis que l’on pourrait librement se procurer dans les célèbres coffee shops.

Il veut surtout empêcher l’accès de ces établissements aux étrangers : seuls les habitants des cinq villes concernées se verraient octroyer le wietpas. Plus tard, toutes les villes néerlandaises, dont Amsterdam, "capitale mondiale du cannabis", seraient concernées. Le projet vise à réduire les nuisances causées par le commerce des drogues douces : chaque jour, des milliers d’étrangers viennent s’approvisionner, dans le sud du pays surtout, ce qui a entraîné diverses difficultés pour les municipalités. Notamment parce que des bandes tentent de détourner ces clients des coffee shops pour leur proposer d’autres drogues, " douces " ou "dures ". Et parce que les mêmes bandes se livrent un combat acharné pour la production et la livraison du cannabis aux coffee shops : si les Pays-Bas ont libéralisé la vente, ils n’ont pas réglementé l’approvisionnement des magasins.

Fermer ou pas les coffee shops.

C’est à Maastricht, dans le Limbourg, qu’a été lancée la polémique sur le wietpas, dès 2008. Saisi par le patron d’un coffee shop, un tribunal a estimé que ce projet était discriminatoire, puisqu’il établissait une différence entre les Néerlandais et les étrangers. Le Conseil d’Etat, puis la Cour européenne de justice ont été saisis. Les magistrats de Luxembourg ont statué le 16 décembre : la liberté des non-Néerlandais est certes limitée par cette décision mais ses objectifs peuvent être considérés comme justifiés et prioritaires. La question ne semble pas réglée pour autant. Maastricht, qui fut la première à défendre le principe du passeport, a changé d’avis : le conseil municipal y est devenu majoritairement hostile. Le nouveau maire de la ville juge, lui, qu’il faudrait en réalité fermer les coffee shops et en finir avec la politique de prétendue tolérance. A Amsterdam, en revanche, on veut la poursuivre et on refuse toute idée de wietpas. Dans d’autres villes, enfin, on redoute un déplacement de la clientèle, avec les problèmes liés à ce possible exode...

Des experts déplorent cette confusion et critiquent la finalité même du projet. Ils pensent qu’il favorisera uniquement les réseaux clandestins et ceux que l’on appelle, aux Pays-Bas, les " dealers 06 " : des fournisseurs que l’on peut appeler à toute heure sur leur téléphone portable.

DROGUES LEGALES

TABAC. Le prix du tabac augmente de 6%

LIBERATION – 7/11/2010 (Source AFP)

Cette hausse de 30 centimes en moyenne, demandée par les fabricants, est jugée insuffisante par les associations de lutte contre le tabagisme.

Les paquets de cigarettes se vendront en moyenne 30 centimes de plus à partir de lundi, soit 5,90 euros pour le paquet le plus vendu. Une hausse d’environ 6% demandée par les fabricants et jugée insuffisante par les associations de lutte contre le tabagisme.

Le 9 novembre 2009, les prix du tabac avait déjà été relevé d’environ 6%, hausse déjà critiquée par les « anti-tabacs » comme étant trop faible pour être efficace en termes de santé publique. Cette hausse n’a d’ailleurs pas modifié sensiblement les ventes des buralistes qui n’ont baissé que de 0,2% sur les huit premiers mois de l’année, par rapport à 2009.
Les données du baromètre santé 2010 montrent que la consommation de tabac a augmenté de près de 2% entre 2005 et 2010.
Les associations de lutte contre le tabagisme s’accordent à dire qu’une hausse inférieure à 10% n’a pas d’effet sur la consommation, et donc sur la santé publique, alors que le tabac est encore la cause de 60.000 morts par an en France.

Sur son site, Droit des non-fumeurs (DNF) demande même au gouvernement et à Nicolas Sarkozy de préférer « une augmentation de 60 centimes tous les deux ans », plutôt que des « petites augmentations de 30 centimes par paquet de cigarettes chaque année ». L’Office français de prévention du tabagisme (OFT) va plus loin : « cette augmentation demandée par l’industrie du tabac est calculée au centime près pour ne pas faire baisser la consommation ».

660 millions d’euros de recettes fiscales supplémentaires

Cette hausse des prix - sans baisse des ventes - se traduit aussi pour l’Etat par 660 millions d’euros de recettes fiscales supplémentaires par an. Et selon Bercy, les recettes de l’Etat au titre du droit de consommation du tabac (hors TVA) devraient, pour la première fois, en 2010, dépasser les 10 milliards d’euros.

Pour le ministre du Budget, François Baroin, chargé d’homologuer les changements de prix souhaités par les fabricants, cette augmentation est « modérée et raisonnable », et donc cohérente avec le plan Cancer 2 de Nicolas Sarkozy. Les députés ont récemment repoussé un amendement d’Yves Bur proposant de surtaxer les profits des fabricants.

Mais pour les buralistes, cette hausse risque de « relancer les achats de cigarettes hors du réseau officiel », de l’autre côté des frontières (Espagne, Belgique, Allemagne) où les cigarettes sont 20 à 30% moins chères, à la sauvette ou sur Internet. Selon Pascal Montredon, le patron des buralistes, « 18 à 20% » des cigarettes fumées en France n’ont pas été achetées dans un des 28.000 débits de tabac. Différentes enquêtes de fabricants évaluent entre 12 et 22% les achats hors du réseau officiel.

Ces fabricants ont été récemment épinglés pour non respect de la réglementation sur la publicité dans les bureaux de tabac. Or, selon une étude du Comité national contre le tabagisme, financée par le ministère de la Santé, ces publicités « sont particulièrement efficaces pour attirer les plus jeunes, donner une image "cool" de la consommation de cigarette » et « sont conçues pour faire oublier la nature dangereuse du tabac ».

Prochaine étape : des photos choc obligatoires au dos de tous les paquets, courant avril. Et le gouvernement continue de réfléchir à un paquet générique, sans logo ni couleur.

Le tabagisme passif tue 600 000 personnes par an

LEMONDE.FR avec AFP et Reuters | 26.11.10

Une mort sur cent à travers le monde est imputable au tabagisme passif. Cela représente plus de 600 000 morts par an dans le monde, dont 168 000 chez des enfants, selon des estimations publiées vendredi par la revue médicale britannique The Lancet. Les enfants sont les premières victimes du tabagisme passif, alors qu’ils ne peuvent pas se soustraire à la principale source d’exposition – leurs parents qui fument à la maison –, insistent les auteurs de l’étude.

Si on ajoute ces 600 000 morts aux 5,1 millions de morts attribuables chaque année au tabagisme actif, on arrive à un total de 5,7 millions de morts dues au tabac chaque année.

C’est la première étude évaluant l’impact global du tabagisme passif. Ses auteurs, appartenant notamment à l’Institut Karolinska de Stockholm, en Suède, et à l’Organisation mondiale de la santé (OMS), ont utilisé des données de 2004, les plus récentes disponibles dans l’ensemble des 192 pays analysés.
Selon les estimations de l’étude, cette exposition a causé 379 000 décès dus à des maladies coronariennes, 165 000 dus à des infections des voies respiratoires basses, 36 900 dus à l’asthme et 21 400 dus à un cancer du poumon. Soit un total de 602 300 décès causés en 2004 par le tabagisme passif.

Des députés proposent une nouvelle hausse du prix du tabac

LIBERATION 01/12/2010 (Source AFP)

Des députés ont refusé, mercredi en commission, de supprimer la règle qui interdit d’acheter plus de cinq cartouches de cigarettes à l’étranger, contrairement à la demande de Bruxelles, et proposent une nouvelle hausse de prix au nom de la protection de la santé publique et des buralistes.
Ces amendements figurent dans le projet de loi de finances rectificative (PLFR) qui sera examiné la semaine prochaine en séance publique à l’Assemblée nationale.

Ils proposent de relever le minimum de perception pour 1.000 cigarettes de 173 à 180 euros, ce qui ferait passer mécaniquement le prix du paquet de cigarettes le moins cher de 5,40 euros à 5,62 euros officiellement, soit 5,65 euros dans la pratique. Tous les autres paquets seront ensuite augmentés dans la même proportion, soit 25 centimes, qui s’ajouteraient à la hausse de 30 centimes intervenue le 8 novembre.

Pour les achats à l’étranger, les députés ont renoncé à supprimer les restrictions qui les limitent à cinq cartouches, voire dix sous conditions. C’est la Commission européenne qui, au nom de la libre circulation des biens, demande la suppression de toute référence chiffrée et son remplacement par la notion, plus floue, de « consommation personnelle ».

Une « décision incohérente »

Les associations de lutte contre le tabac ont dénoncé une « décision incohérente » qui, selon le Comité national de lutte contre le tabagisme, facilite « l’accessibilité à un produit dangereux ».
Pour les buralistes, très « en colère », ce changement va se traduire par une hausse des achats transfrontaliers.
Le gouvernement qui se disait, au départ, « contraint et forcé » de prendre une telle mesure a, depuis, assoupli sa position.

La suppression a été proposée mi-novembre par le ministre du Budget, François Baroin, et justifiée, devant les députés, par celui de la Santé, Xavier Bertrand, « faute de quoi la France sera condamnée, sans aucun doute, par la Cour de justice des Communautés européennes ». « Il y a des décisions qui n’enchantent guère les responsables publics et politiques (…) Cette décision, croyez-le bien, enchante encore moins le ministre de la Santé qui a obtenu l’interdiction de fumer dans les lieux publics », avait-il ajouté. Mais mercredi, Xavier Bertrand a annoncé, après avoir « travaillé avec François Baroin un nouveau dispositif (…) qui conservera des limites ».

Ce qui coûterait le plus cher à l’Etat

Plusieurs sources proches du dossier assurent que ce changement est le résultat d’une réunion mardi à l’Elysée avec des représentants des ministères de la Santé et du Budget.

Japan International Tobacco, un fabricant de cigarettes, rappelle qu’une directive européenne de 2008 permet aux Etats membres d’estimer qu’à partir de quatre cartouches, un achat par un particulier peut être considéré comme commercial et non destiné à une consommation personnelle.

Un autre industriel, British American Tobacco, s’interroge sur ce qui coûterait le plus cher à l’Etat : l’amende infligée par Luxembourg ou plusieurs centaines de millions d’euros taxes non perçues, si les fumeurs français vont acheter leurs cigarettes en Belgique ou en Espagne où elles sont vendues moins cher.
L’Etat perçoit 80% du prix d’un paquet, soit plus de 10 milliards d’euros en 2010. Différentes études officieuses estiment qu’entre 12 et 22% des cigarettes consommées en France sont achetées ailleurs que dans le réseau des 28.000 buralistes.

Une étude officielle, confiée à la Mildt (mission interministérielle de lutte contre les drogues et les toxicomanies), est en cours, selon les douanes.

Fumasses, les buralistes manifestent aux frontières

LIBERATION – 5.12.2010 (Source AFP)

Opération escargot sur la frontière franco-espagnole, barrages filtrants sur le pont de l’Europe entre Strasbourg et l’Allemagne, les buralistes français ont manifesté dimanche contre la fin probable des restrictions d’achats de tabac à l’étranger.

« L’UE peut nuire aux buralistes français », « Vente transfrontalière : marée noire de la contrebande », pouvait-on lire sur des banderoles déployées à Saint-Béat (Haute-Garonne), où une cinquantaine de personnes se sont rassemblées devant un bureau de tabac en vente, pour la défense des « buralistes frontaliers en péril ».

La France est contrainte par l’Europe de supprimer l’interdiction d’acheter plus de cinq cartouches de cigarettes à l’étranger et de remplacer ce seuil chiffré par la notion plus floue de « consommation personnelle ». Le risque, selon les buralistes, est de voir exploser les achats de tabac faits de l’autre côté de la frontière au détriment de leurs civettes.

Une cartouche de cigarettes coûte en Espagne 20,50 euros moins cher qu’en France.
Toujours près de la frontière espagnole, quelque 200 manifestants, selon les organisateurs, ont bloqué le péage du Boulou (Pyrénées-Orientales), avant de se déplacer sur la D900, près du poste frontière du Perthus, où ils ont filtré la circulation.
« C’est une Europe dont nous ne voulons pas », a déclaré à l’AFP Pascal Montredon, président de la confédération des buralistes qui manifestait au Perthus.
D’autres buralistes se sont placés sur les points de passage obligé du "tourisme fiscal", notamment à Urrugne (Pyrénées-Atlantique), sur la route du col d’Ibardin.
« C’est un véritable supermarché du tourisme fiscal pour l’alcool et le tabac, un lieu symbolique », a déclaré à l’AFP Philippe Coy, président du syndicat des buralistes du Béarn et de Soule.

Des buralistes ont également manifesté dans l’est de la France où on peut économiser environ 10 euros par cartouche en allant acheter ses cigarettes en Allemagne, et jusqu’à 20 euros si on va au Luxembourg.
« Notre village, notre quartier a besoin d’un buraliste », insistaient les manifestants près d’un barrage filtrant mis en place sur le pont qui enjambe le Rhin à la hauteur de Strasbourg.

Ils ont considérablement ralenti, pendant deux heures le flot des automobilistes, pour la plupart des Alsaciens voulant profiter de le l’ouverture dominicale, en décembre, des magasins allemands... dont ceux, nombreux, vendant du tabac juste après la frontière, à l’entrée de Kehl.
« Je ne comprends pas le gouvernement, des achats massifs hors de France sont nuisibles à ses objectifs de santé et de tels achats ne rentrent aucun impôt dans les caisses de l’Etat », a déclaré à l’AFP Norbert Chary, président de la Fédération Alsace-Lorraine des buralistes.

Sur le pont de l’Europe, Thierry Lefebvre, responsable de la Fédération d’Alsace des buralistes, s’est inquiété de la fermeture « supérieure à la moyenne nationale » des débits de tabac, passés depuis 2003 d’un demi-millier en Moselle à 300, chutant de 480 à 369 dans le Bas-Rhin et de 340 à 252 dans le Haut-Rhin.

Les achats transfrontaliers ont explosé après les fortes hausses de taxes en 2003/2004 qui ont fait augmenter le paquet de cigarettes d’environ 40%.
L’Etat a compensé les baisses de chiffres d’affaires des buralistes frontaliers à hauteur d’environ 200 millions d’euros par an depuis 2006.

Le Sénat veut supprimer les restrictions sur l’achat de tabac à l’étranger

LEMONDE.FR avec AFP | 13.12.10

Le gouvernement y était favorable, les députés y étaient hostiles. Finalement, c’est la commission des finances du Sénat qui a tranché. Les sénateurs ont décidé de supprimer les restrictions à l’achat de tabac à l’étranger, dans le cadre de l’examen du collectif budgétaire pour 2010, selon une source parlementaire citée par l’AFP.

La législation actuelle prévoit des limites quantitatives concernant la circulation de tabac manufacturé (un kilo, soit cinq cartouches de cigarettes) et sa détention (deux kilos, soit 10 cartouches) sur le territoire français pour les particuliers ayant acheté ces produits dans d’autres pays de l’Union européenne. Le gouvernement, sur demande de Bruxelles, avait inscrit dans le projet de loi de finances rectificatives pour 2010 (PLFR) la suppression de ces limitations.

"CONFORMITÉ"

En effet, la Commission européenne exige un assouplissement de la réglementation afin, affirme-t-elle, de respecter le principe de libre circulation. Mais les députés français ne l’entendaient pas de cette oreille. Lors de l’examen en première lecture, la semaine dernière, du texte, ils ont refusé cette disposition et ont réintroduit les restrictions, dont la disparition programmée avait mis en colère les associations antitabac et les buralistes.

Philippe Marini (UMP), rapporteur général de la commission et auteur de l’amendement qui supprime ces restrictions, a estimé qu’il était nécessaire de "mettre en conformité avec le droit communautaire les règles françaises en matière de détention et de circulation des produits de tabac". Il faut maintenant que l’amendement soit voté lors de l’examen en séance publique du collectif budgétaire qui commence mercredi. S’il était confirmé, alors, à compter du 1er janvier 2011, les particuliers pourraient ramener en France autant de cartouches de cigarettes qu’ils le souhaitent.

Toutefois, souligne M. Marini, des contrôles seront effectués pour vérifier que le tabac est bien destiné aux besoins propres de l’acheteur et non pas à des fins commerciales. A partir de 2,4 kg de cigarettes (environ 12 cartouches) le particulier devra apporter la preuve qu’elles sont destinées à sa consommation sinon il sera passible d’une taxe et d’une sanction.

Les hommes fument moins qu’il y a vingt ans, pas les femmes

LIBERATION 08.12.2010. (Source AFP)

Le tabagisme a diminué de plus de 15% en 20 ans chez les hommes en France mais a légèrement augmenté chez les femmes, des tendances opposées qui pourraient expliquer en partie la baisse de la mortalité par crise cardiaque masculine et non féminine.

Les résultats de l’étude MONICA sont basés sur une série d’enquêtes menées auprès de plus de 10.000 personnes entre 35 et 64 ans (en 1985-87, 1995-97, 2005-07), dans trois sites différents : la communauté urbaine de Lille, le Bas-Rhin et la Haute-Garonne.

Ils montrent une baisse significative de la proportion de fumeurs masculins entre 1985-87 (40%) et 2005-07 (24,3%). Au contraire la consommation féminine est en légère augmentation (de 18,9% à 20%).
17,5 ans, l’âge moyen de la première cigarette

La proportion d’hommes n’ayant jamais fumé s’est accrue (de 24,7% à 38,2%) et l’âge de la première cigarette masculine est restée stable (17,5 ans).
En revanche la proportion de femmes n’ayant jamais fumé accuse une forte baisse (de 72,4% à 54,6%), et l’âge de la première cigarette féminine est passée de 21,4 ans à 18,8 ans.

L’utilisation de ces données dans un modèle de prédiction des risques a fait apparaître une baisse de 10 à 15% de la mortalité coronaire (par crise cardiaque) attendue chez les hommes, contre une augmentation de 4,9% chez
les femmes, entre 1995-97 et 2005-07.

« Les hommes ont réduit leur exposition au tabac de 40 à 24,3%, prédisant une chute de la mortalité coronaire. En revanche, les femmes ont augmenté leur exposition au tabac, conduisant à une hausse de la mortalité cardiaque attendue », a indiqué un des auteurs de l’étude, Jean Dallongeville (Inserm - Institut Pasteur de Lille).

Ces résultats, a-t-il estimé, peuvent expliquer en partie la baisse de la mortalité coronaire observée pendant la période de l’étude chez les hommes, mais pas chez les femmes. Il a néanmoins reconnu l’impact d’autres facteurs.
L’étude est publiée dans le dernier numéro de l’European Journal of Cardiovascular Prevention and Rehabilitation, la revue de la Société européenne de cardiologie.

L’expérience I-Doser

COURRIER INTERNATIONAL 18.11.2010 - Grace Morales, Galactus (Mondo Brutto) - La Vanguardia

Se défoncer en toute légalité et sans risque pour la santé : c’est ce que propose un site de fichiers audio censés reproduire les sensations des vrais stupéfiants.

Désormais vous pouvez expérimenter à domicile les mêmes sensations qu’un accro à l’acide, mais en toute légalité, sans risque pour votre santé et en apportant une note de modernité à l’entourage multimédia de votre PC et à votre dossier “Etats de conscience altérés”. L’usager peut ainsi se droguer confortablement et en toute sécurité en téléchargeant sur Internet une application qui lui permettra de choisir entre, par exemple, des drogues très très dures comme Gate of Hades.drg ou, s’il a un coup de mou, Tranquil.drg.

Non, ce n’est pas un canular. Le système se fonde sur les recherches sur les ondes alpha et les battements binauraux, qui ont permis de conclure que des sons émis à une certaine fréquence peuvent modifier l’humeur du sujet, lui remonter le moral s’il est déprimé ou lui redonner de l’énergie s’il est à plat.

Un site Internet spécialisé dans les succédanés de drogues, I-Doser, commercialise le produit du moment : les drogues virtuelles. Un moyen ingénieux pour obtenir les mêmes effets que si l’on consommait des stupéfiants, mais en téléchargeant un fichier audio et en l’écoutant avec un casque stéréo.

Le prix des doses oscille de 3 à 30 euros selon le degré d’intensité de l’expérience. Malheureusement, ce marché des drogues MP3 n’échappe pas aux téléchargements illégaux et il est déconseillé de les “consommer” car les fichiers peuvent être vérolés.

Pour se faire un shoot d’I-Doser, il faut s’installer tranquillement et “écouter” la séquence choisie à un volume modéré. L’une des différences entre la drogue auditive et la traditionnelle est qu’il faut écouter la première au moins trente minutes sans interruption pour qu’elle agisse. Le consommateur peut faire son choix dans un catalogue de drogues “classiques” ou même vintage (opium, morphine, absinthe, etc.) auxquelles s’ajoutent les créations propres des programmeurs : Trip, Rave, Black Sunshine… Mais I-Doser ne se limite pas aux stupéfiants : d’autres rythmes sont proposés sur le site pour favoriser des sensations, comme Orgasm (pour les moments intimes), Inspire (quand on est en panne d’inspiration) et même Astral Projection pour les adeptes de l’occultisme. Vous vous attendez peut-être à écouter pendant ces trente minutes de la deeptrance, de la drum’n’bass ou de la progressive plus ou moins en accord avec le style de la drogue demandée.

Eh bien, pas du tout. Ce qu’on entend, c’est un bourdonnement très semblable à celui que font certains appareils électroménagers et qui change légèrement selon la “substance”. Il s’agit d’un bruit blanc qui relie les deux hémisphères du cerveau pour qu’ils produisent une sensation analogue à celle que l’on obtient avec les vraies drogues, mais sans aucun danger pour le corps ou l’esprit, sans risque d’overdose ni de dépendance. Il est bien précisé, sur le site, que certaines personnes sont insensibles aux battements binauraux, et que d’autres peuvent se retrouver avec les cheveux blancs après trois doses de Nitrous. Le site comporte aussi des préconisations relatives à la bonne façon d’écouter les drogues auditives et aux types de casques les mieux adaptés. Ces conseils et de nombreux autres figurent dans le guide I-Doser, également vendu sur le site. Si l’on trouve cela trop cher, on peut toujours faire baisser le prix de sa consommation en devenant détaillant, c’est-à-dire en mettant des bannières du produit sur sa page ou son site web, moyennant une commission de 10 %.

Basé aux Etats-Unis, le groupe I-Doser est composé de “plusieurs équipes de spécialistes de musique underground et d’analystes-programmeurs”. Dans la foire aux questions (FAQ) du site, il est indiqué que bien que leurs produits ne présentent aucun risque, ils s’adressent à des personnes majeures et informées des effets des ondes alpha – et des drogues, peut-on supposer.

Est-ce là l’avenir de la consommation de drogues ? Difficile de le dire, bien que nous ayons écrit cet article sous l’effet d’Inspire.drg. Une chose est sûre : même si cette solution n’est pas l’idéal, l’adepte de l’altération des états de conscience par des moyens électromécaniques l’accueille comme il a accueilli les CD d’hypnose, les bracelets magnétiques, les bijoux énergétiques et les cassettes pour apprendre des langues en dormant.

FILMS

Francis le Belge, pègre de famille

LIBERATION – 8/11/2010

Critique. Fiction . Sur Canal +, l’adaptation du livre de la fille du caïd marseillais tué en 2000.

Mon Père, Francis le Belge réalisé par Frédéric Balekdjian Canal +, ce soir à 20 h 50.

« Je suis rentrée à la prison à 8 ans, j’en suis ressortie à 17 », dit la jeune fille d’une voix lasse. Pendant près de dix ans, toutes les semaines, elle fut abonnée aux parloirs pour visiter son père, Francis Vanverberghe. Ou Francis le Belge, parce qu’à Marseille, on avait du mal à mémoriser son patronyme flamand. Gamin de la Belle de Mai, petite frappe, puis caïd, parrain, et même maillon incontournable de la « French connection » : jolie carrière, qui se solda par sept balles dans le corps un après-midi de septembre 2000 dans un café de courses près des Champs-Elysées.

C’est la parole sourde et ferme de sa fille unique, Cathy, qui mène l’histoire du mafieux dans Mon père, Francis le Belge - le scénario de cette fiction est d’ailleurs une adaptation du livre éponyme de Sylvie Borel, la « vraie » fille du charismatique truand. Le film, servi par une belle photographie, n’est pas un simple biopic. Il raconte aussi une histoire de femmes : celle de Marion (Vahina Giocante), mère de Cathy et amoureuse contrariée du parrain marseillais. Et celle de Cathy, donc, dans sa chaotique relation avec son père. Chaotique à cause des absences de Francis (Pio Marmaï, cet été à l’affiche de D’amour et d’eau fraîche), en « voyage d’affaires » ou en taule. Chaotique, enfin, parce que Cathy (Nina Deslandes) hésite entre fascination, terreur, affection, dégoût ou rejet, selon les étapes de sa vie, pour ce séduisant proxénète et dealer d’héroïne, avec tout ce que ces activités comptent de violence, vengeance et règlements de compte.

Scène ultime que ce souvenir d’enfant : la fillette, muette, est cachée sous la table lors d’une réunion entre le Belge et ses hommes de main. Follement mégalo, le père, qui la découvre et lui ordonne de lui baiser les pieds. Lui n’est simplement pas intéressé par cette enfant dont il ne sait que faire. Sauf une fois, quand il la prend dans ses bras pour en faire un bouclier contre d’éventuelles balles. C’est finalement lors de ses longues années d’incarcération que les deux pourront, un peu, s’apprivoiser.

Raves d’hier

LIBERATION 10/11/2010

Le documentaire de Damien Raclot-Dauliac, Heretik - We Had A Dream, sort en DVD et retrace l’histoire des freeparties et les débuts de la techno en France.

Au milieu des années 90, un mot apparaissait dans le vocabulaire médiatique : free party. Les autorités, les médias étaient apeurés par des milliers de jeunes, habillés en treillis, souvent drogués, qui réquisitionnaient des champs ou des entrepôts pour y danser pendant des nuits entières. Heretik System We Had A Dream, le documentaire Damien Raclot-Dauliac, revient sur le parcours de l’un des groupes les plus marquants de cette contre-culture, les Heretik.

Des images d’archives, entrecoupées d’interviews des principaux protagonistes, font revivre l’effervescence des free parties, les drames personnels, le bouche-à-oreille qui annonçait une fête, la boule au ventre qui montait à la vue des cars de police ou encore une nuit où la piscine Molitor, en plein 16ème arrondissement parisien, avait été occupée au grand dam des riverains.

Danser au son de la techno était alors politique. Ils se définissaient comme des « activistes terroristes sonores » et pensaient que « la free party devrait être reconnue d’utilité publique ». Les dispositions législatives ont rendu le mouvement « autorisé » et lui ont fait perdre sa radicalité. We Had A Dream retrace une aventure de quelques années et fait dire à un ancien officiel, somme toute admiratif, « Ils voulaient mettre le paquet et ils l’ont mis. »
Heretik System – We Had A Dream, DVD de Damien Raclot-Dauliac, 52 minutes, sorti le 8 novembre

Merci Aude L., sans qui, cette revue de presse n’existerai pas...


[1NDLR - CSF : Cette pratique est à proscrire, l’aluminium chauffé est un poison. Une information importante pour la réduction des risques

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