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Lettre ouverte aux parlementaires français

Aux membres du Parlement
Assemblée Nationale - Sénat

Mesdames, Messieurs les parlementaires,

Comme la presse s’en fait l’écho, d’autres pays que la Hollande - l’Argentine, les Etats Unis, le Portugal, le Mexique, la République Tchèque, etc... - ont récemment réfléchi de manière réaliste, observant les dégâts d’un siècle de prohibition, et ont élaboré des propositions libérales en matière de politique des drogues.

Dans la continuité de ce mouvement de réforme engagé au niveau international, la France ne peut-elle pas célébrer le quarantième anniversaire de la loi de 1970 sur les stupéfiants, retrouvant son statut de pays des Droits de l’Homme à l’égard de tous les usagers de drogues ?

La consommation de drogues concerne tous les milieux sociaux et toutes les générations. C’est un phénomène social irréversible auquel l’Etat doit faire face de manière pragmatique, efficace et concertée.

Cette nouvelle politique en matière de drogues se doit d’être audacieuse et innovante. Elle est absolument nécessaire, urgente. Et ce pour plusieurs raisons : au nom de la santé publique, de la réduction des risques et des dommages liés à l’usage de drogues, également pour lutter contre la corruption et le blanchiment d’argent, les organisations criminelles, et surtout pour en finir avec la surpénalisation de la société, les violences policières et la « machine » carcérale qui s’abattent essentiellement sur les jeunes, les pauvres et les immigrés.


Cannabis Sans Frontières
milite pour un cadre législatif qui permette des relations sociales pacifiées.

Nonobstant le caractère contraignant des conventions internationales que l’État français a ratifiées, cette nouvelle politique pourrait être instituée « à titre expérimental », avec des dispositions différenciées selon la toxicité scientifiquement reconnue des substances actuellement classées comme stupéfiants.

Le 9 octobre dernier, la MILDT (Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie) a lancé une énième campagne intitulée « Drogues, ne fermons pas les yeux », prétendant “combattre l’indulgence face aux drogues”.

Pourtant, à l’image des spots télévisés diffusés, le discours de l’État et la pratique quotidienne des acteurs de terrain sont en total décalage.

Ce n’est pas en faisant l’amalgame entre toutes les drogues, en les plaçant au même niveau de dangerosité, que le gouvernement réussira à contraindre la demande et à diminuer la consommation. Ce message ne peut qu’être contre-productif, notamment à l’égard des jeunes. Des études ont déjà été menées sur des campagnes similaires, montrant qu’à l’inverse de leur objectif proclamé, elles ont un effet plus incitatif que préventif. Cette initiative gouvernementale porte en elle-même le germe de son inutilité, à l’instar des lois qui régissent la question des drogues en France.

On assiste à une dépénalisation de fait de la consommation de drogues dans certaines catégories sociales, alors que par ailleurs, on surcharge tribunaux et prisons. Et l’on ne peut que constater comment cette discrimination quant à l’application de la loi creuse le fossé entre les services de l’État et les couches sociales les plus en difficulté.

C’est en 2010 que se préparera le prochain plan d’action gouvernemental qui doit succéder au plan triennal adopté en 2008 ; en 2010 donc, que doit être fait le bilan de 40 années d’expérience de la loi de 1970, à la base des dispositions actuelles en matière de prohibition de stupéfiants.


Cannabis Sans Frontières
se prononce pour la dépénalisation de l’usage, accompagnée d’une prévention des risques liés à la consommation de substances psychotropes.

Différentes nouvelles dispositions s’imposent quant aux diverses substances visées par la loi :

- Cannabis :

Il est indispensable de permettre le recours à son usage thérapeutique, pour toutes les personnes atteintes de pathologies lourdes que cette plante peut soulager. Il faut aussi développer la recherche et l’information sur les applications thérapeutiques des cannabinoïdes, particulièrement à destination des malades. Le scandale qui consiste à persécuter les malades lorsqu’ils cultivent ou détiennent le cannabis dont ils ont besoin au quotidien pour faire face à leurs pathologies, ce scandale doit cesser.

Il faut envisager également la libéralisation de l’autoculture, d’abord pour les malades bien sûr, également pour les usagers récréatifs, afin de leur permettre d’échapper au marché noir. Dans la perspective d’une production légalisée, il faudrait prévoir la limitation des surfaces cultivées, 30 ares par exemple, afin d’assurer le bénéfice d’une telle réforme pour le plus grand nombre de cultivateurs. De même pourrait être retenue l’idée de l’interdiction des marques et de la publicité, pour éviter la constitution de monopoles, en même temps que dans un esprit de prévention. Pour la consommation, on peut envisager la création d’une nouvelle licence « fumoir » pour des lieux publics de consommation, ce qui faciliterait la réduction des risques (informations sur la nature des produits, vaporisation...).

- Héroïne et cocaïne :

Distribution contrôlée, éventuellement dans le cadre d’unités médicales spécialisées ; multiplication des structures « bas seuil », telles des salles de consommation à moindre risques.

À l’heure où l’on enregistre une forte augmentation de la consommation de ces substances, soulignons combien les mesures de distribution contrôlée tendent à réduire la disponibilité de celles-ci, au contraire de l’idée propagée généralement. On peut saluer à ce propos l’adoption par le Parlement allemand, en 2009, d’un texte autorisant la distribution contrôlée d’héroïne, disposition indispensable pour une véritable réduction des risques.

En matière de réduction des risques, il y a une urgence particulière à permettre l’échange de seringues en prison, dont l’interdiction est simplement criminelle. Cette pratique s’est imposée partout sauf en France, y compris dans les prisons en Iran !

Quant à la politique de l’héroïne, il serait grand temps de sortir cette substance du marché noir d’une manière générale ; par exemple en Afghanistan, où s’imposent les propositions d’instituer dans ce pays une production d’anesthésiques et analgésiques issue du pavot à destination du système hospitalier mondial, qui souffre d’un grave déficit en la matière. L’OMS a pu relever que 80% de la morphine d’hôpital est consommée dans une demi-douzaine de pays riches. Une telle mesure serait bienvenue, plutôt qu’une guerre absurde. Elle permettrait, du même coup, de remédier au scandale de l’inégalité devant la douleur, infligée au quatre cinquièmes les plus pauvres de l’humanité.

Pour ce qui est de la feuille de coca, son usage devrait être reconnu, en France comme ailleurs. Sa libre circulation est opportune, par exemple en tant que substitut face à l’augmentation spectaculaire de la consommation de la cocaïne. Il faut prendre en compte le point de vue des pays andins, tel que l’exprime le président bolivien Evo Morales, qui défend ainsi les perspectives d’une économie légale.

- Amphétamines, LSD ou autres :

Distribution contrôlée, via des « officines spécialisées » fonctionnant selon des modalités réglementaires à définir par le législateur.

- Drogues légales (alcool, tabac, médicaments) : information et prévention.

D’autre part, Cannabis Sans Frontières soutient l’initiative citoyenne « Secours vert », un club compassionnel qui, au titre de l’assistance à personne en danger, apporte une aide d’urgence aux personnes atteintes de maladies graves recourant au cannabis pour se soigner.

L’ouvrage récent du Docteur Franjo Grotenhermen, Du cannabis en médecine, documente très bien l’utilité de ces applications.

Enfin, nous ne pouvons qu’alerter sur les conséquences de la loi sur la récidive, avec ses “peines planchers” dont on mesure déjà l’ampleur des effets catastrophiques sur le plan social et humain, dont les coupables d’I.L.S. (Infractions à la Législation sur les Stupéfiants) sont les principales victimes.

Parmi les régressions récentes du droit en matière de stupéfiants, on relève le caractère attentatoire aux libertés individuelles des tests salivaires qui pénalisent les consommateurs réels ou supposés de cannabis, y compris lorsqu’ils ne sont pas sous l’effet de la substance (à partir d’un nanogramme...). Cela permet de contrôler des millions d’usagers, en dépit des effets éventuellement contreproductifs pour la sécurité routière, dans la mesure où ils incitent à la consommation d’alcool. En effet, beaucoup d’adultes considèrent qu’il vaut mieux boire de d’alcool dont la trace dans le sang sera éliminée rapidement, plutôt que de risquer un contrôle positif plusieurs jours ou semaines après avoir consommé du cannabis.

La réforme des lois de la prohibition des drogues est une question de droit et de santé publique, une question politique. C’est au législateur de s’en saisir, au vu du bilan désastreux de l’arsenal de mesures à l’œuvre depuis trop longtemps.

Nous faisons appel à votre attachement au respect des libertés individuelles et de la dignité de la personne humaine, comme à votre considération des problèmes sanitaires et sociaux.

Un débat doit s’ouvrir, notamment par la création d’une commission telle que l’a proposée le député-Maire du 18ème arrondissement à Paris.

Veuillez agréer, Mesdames et Messieurs les parlementaires, l’expression de nos respectueuses salutations.

Le collectif Cannabis Sans Frontières

Lettre ouverte aux parlementaires français
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