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"Il n’y a pas de grippe Hasch" - REBONDS pour Libération

Réaction à la Une du 26 octobre

Il n’y a pas de grippe « hasch » !
 

 

Libération du 26 octobre titrait en Une « Quand les dealers font la loi ». On est surpris de voir ce quotidien, engagé en 1976 pour la dépénalisation de l’usage du cannabis, faire aujourd’hui l’apologie de la prohibition. Il y aurait un « paradoxe » auquel serait en butte les partisans d’une politique moins répressive. On peut remercier Libération de pousser dans leurs retranchements ceux qui défendent une dépénalisation de l’usage de drogues (au pluriel, et pas seulement du cannabis) et une réforme globale des traités internationaux. Il n’en reste pas moins qu’il faut en finir avec une vision du monde, héritée du temps des colonies – et qui remonte à la conference de Shangaï, de 1909, dont on fête cette année le centenaire.

 

En France, c’est d’un autre anniversaire qu’il est question, avec celui de la loi de 1970 qui va bientôt fêter ses quarante ans. Pire qu’un problème de sécurité publique, on peut parler d’un problème de cohésion nationale, quand plusieurs générations de jeunes ont fait les frais d’une politique démagogique – féroce dans son application. C’est ainsi que la « peur du gendarme » d’autrefois s’est muée en « peur de la brutalité policière ». Dans « l’appel du 18 joint », en 1976, Libération dénonçait des « interpellations par centaines ». Aujourd’hui, ce sont des centaines de milliers !
 

Dans l’enceinte de l’Onu, en 2004, l’ambassadeur anglais, sir Keith Morris, estimait que « la guerre à la drogue ne peut pas être gagnée parce que c’est une guerre contre la nature humaine ». Plus récemment, le "tsar des drogues" américain, reprenant un thème de campagne de Barack Obama, affirmait à son tour qu’on ne peut pas faire la guerre contre sa population. « Il n’existe pas de société sans drogues », constatait déjà il y a dix ans, la très officielle MILDT [Mission interministérielle contre les drogues et la toxicomanie], en diffusant massivement son livre Savoir plus, risquer moins.
 

Depuis l’adoption de la convention unique de 1961, chaque année l’appareil répressif s’enorgueillit de plus de saisies, plus d’arrestations, plus de condamnations. Or, plus les moyens de contrôle et de répression sont à l’œuvre, plus la consommation devient massive. Cherchez l’erreur !
 

Il ne s’agit pas de dédouaner les drogues des dangers qu’elles induisent, mais de prendre en compte les effets de la prohibition : répression, exclusion, marché noir, sans parler de l’explosion d’épidémies, telles celles du Sida et de l’hépatite C.
 

La politique en matière de drogues mériterait un débat public permanent, parce qu’il s’agit d’un sujet complexe et que des solutions ne peuvent se trouver que sur le moyen terme. La « légalisation » n’apportera pas une solution “simple et facile”, mais des pistes vers un nouveau contrat social. Pour une société ouverte et tolérante, plutôt qu’éternellement crispée et répressive.
 

Ce ne sont pas les dealers qui font la loi, mais les parlementaires qui en décident et le gouvernement qui l’impose, les flics qui l’exécutent, les jugent qui l’appliquent, les prisons qui débordent...
 

Que disent les chiffres ? 2442 personnes écrouées pour usage de stupéfiants entre octobre 2008 et septembre 2009. Au cours du mois de septembre 2009, ce sont 177 individus qui ont été emprisonnés pour le simple usage de stupéfiants !
 

« Si le cannabis était légalisé, il y aurait plus de violence », pretend un trafiquant lyonnais interrogé par Libération. Cet argument est aussi fallacieux que de dire que la légalisation renforcerait les organisations criminelles, alors qu’elle vise à leur couper toute resource.
 

Une légalisation mettrait à feu les quartiers populaires ? Et si, au contraire, on dépénalisait cette micro économie, diffuse et bien ancrée dans les couches défavorisées ? Pourquoi ajouter la prison à la misère ?
 

Et si, au lieu de terroriser les « dealers », on légalisait ? Pour un monde pacifié, une économie équitable, et des lois qui respectent la planète et sa biodiversité.
 

La légalisation permettrait d’encadrer, avec des modalités différenciées – selon la toxicité scientifiquement reconnue de chaque substance –, la production, la distribution et la consommation de ce qui est classé actuellement dans le tableau des stupéfiants.
 

Peut-être qu’une simple dépénalisation du cannabis pourrait constituer un « appel d’air » vers d’autres produits. C’est pour éviter ça, qu’une telle politique devrait s’accompagner de l’encadrement légal de la distribution, sous contrôle médical, des autres drogues dites "dures".
 

La loi fait l’amalgame entre la dangerosité des diverses drogues en dépit de toutes réalités scientifiques. Pour les plus jeunes qui expérimentent les drogues trouvées au marché noir, cette vision ignore l’essentiel : ces substances procurent du plaisir. Et même dans la pire situation de dépendance, elles continuent souvent à procurer du réconfort. Qu’on le veuille ou pas.
 

Plutôt qu’une posture morale et hygiéniste, il faut informer, prévenir et responsabiliser les jeunes et leurs parents, comme la société entière. Pour cela, il faut imaginer différentes modalités d’accès, à titre expérimental, conformément aux conventions onusiennes. Il s’agit de parier sur l’intelligence.
 

Aujourd’hui, la prohibition de l’usage privé, à des fins récréatives, interdit la reconnaissance de la valeur thérapeutique du cannabis. Or, c’est simplement dramatique pour tous ceux qui sont atteints de pathologies lourdes, telles la sclérose en plaques, le glaucome, la myopathie ou la maladie de Crohn…
 
 

Il faut signer l’armistice de cette « guerre à la drogue » contre-productive et coûteuse. Inhumaine. C’est pourquoi Cannabis Sans Frontières appelle à l’adoption urgente de mesures telles que :
 

- 1 – dépénalisation de l’usage, amnistie générale pour les usagers de drogues
 

- 2 – réglementations différenciées, selon la toxicité scientifiquement reconnue des substances, de la production, de la distribution et de la consommation de drogues.
 

- 3 – légalisation de la production de plantes à drogues pour un usage privé
 

- 4 – limitation des surfaces de culture
 

- 5 – mise en place de salles de consommation à moindre risque
 

- 6 – distribution contrôlée de l’héroïne – et des drogues dont l’usage peut s’avérer lourdement déstabilisateur
 

- 7 – liberté de pratiques thérapeutiques et expérimentales…
 

Pour en finir avec la prohibition des drogues !

Cannabis Sans Frontières – Le 28 octobre 2009

Texte adressé pour parution dans l’espace Rebonds du quotidien Libération.

Aucune réaction de la part de Laurent Joffrin, un message téléphonique de Mme Levisalle en charge de la rubrique pour manifester son intérêt sans s’engager sur son délai pour publication.
A ce jour, ce texte est resté "confidentiel", nous décidons de le publier ici.

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