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Des policiers et gendarmes contre la prohibition des drogues

(NdlR : le Journal L’Age de Faire est une publication indépendante qui est l’un des premiers médias à faire écho de la création du PCP. Longue vie à ce journal écolo et Vive le PCP !)

Le collectif Police contre la prohibition (PCP) a été créé début novembre à l’initiative d’une ex-lieutenant de police, d’un ex-gendarme et d’un ex-capitaine de police à la retraite. Fort de l’expérience de terrain de ses membres, le collectif se prononce pour la dépénalisation de l’usage de tous les stupéfiants. Il souhaite la mise en place d’une politique des drogues basée sur la prévention et la régulation du marché. Jean-Luc Garcia, gendarme à la retraite, est l’un des membres fondateurs.

L’âge de faire : Le PCP est contre la prohibition de toutes les
drogues ?

Jean-Luc Garcia : Notre objet, pour être plus précis, vise la décriminalisation de l’usage des drogues. C’est-à-dire : ne plus considérer l’usager comme un délinquant. Mon escadron était à Drancy, dans le 93. J’ai vu, à proximité, des quartiers complètement pourris par le commerce de la drogue. La plupart du temps, c’était du cannabis. Chacun connaît l’insécurité qui règne dans les quartiers, étant donné qu’on a affaire à un produit prohibé donc non contrôlé. Chacun connaît les problèmes de « qualité » de la marchandise et depuis les années 1930, les effets de la prohibition. Le PCP est contre la prohibition de toutes les drogues pour protéger l’usager.
Mais je ne rêve pas d’un monde où vous pourriez acheter le sachet d’héroïne à l’épicerie du coin. Si vous êtes toxico à l’héroïne, vous n’avez rien à faire dans une brigade de gendarmerie. Je préfère vous confier à des soins sociaux ou médicaux. Si les drogues ne sont plus prohibées, celui qui en use et qui ne pose aucun problème est un simple usager de produits psychotropes. La grande majorité des gens qui utilisent des drogues n’en ont pas un usage problématique. Celui à qui cela pose des problèmes, il n’est pas un délinquant, c’est soit un cas social, soit un malade.

Vous dénoncez l’actuelle politique de répression et la politique du chiffre.

J-L.G : Il faut réprimer le trafic au lieu d’organiser cette stupide politique du chiffre qui consiste à pénaliser les usagers des drogues, qui sont des victimes faciles. Quand vous faites un contrôle d’identité auprès d’un groupe de jeunes au pied d’un immeuble, il suffit de secouer un petit peu, faire une fouille au fond des poches, vous êtes quasiment sûr de trouver des petits bouts de cannabis, ce qui vous permet d’interpeller la personne pour le délit d’usage de stupéfiants, et votre enquête est résolue instantanément en même temps que la constatation est faite. Ça peut être très vite placement en garde à vue, rappel à la loi, convocation ultérieure, toutes sortes de choses.
Mais bien souvent, dans le dossier du jeune, il y a d’autres trucs qui se rajoutent. Ça peut être la rébellion, car ça crée une telle mauvaise relation entre la population et la police, ces contrôles d’identité à répétition, que bien évidemment certains jeunes sont amenés à se rebeller, et le ton monte pour quelque chose qui n’a absolument pas fait avancer la lutte contre le trafic des stupéfiants.

Qu’est-ce qui vous a amené à créer ce collectif ?

J-L.G : Nous, ce qu’on aimerait obtenir, de la part de nos ex-collègues des forces de l’ordre, c’est que pendant les patrouilles, ils mettent la pédale douce face aux usagers qui ne troublent pas l’ordre public. Il n’y a aucun policier qui va vous sanctionner parce que vous avez traversé à côté d’un passage clouté. Le cannabis est un produit utilisé par plusieurs millions de personnes en France, alors il faut peut-être un peu arrêter de chercher le travail facile et le résultat facile en sanctionnant ce type d’infractions. Pour un vrai flic ou un vrai gendarme, dans l’esprit, c’est pas du boulot.

Notre patron, qui est le contribuable, je ne pense pas qu’il nous paie pour faire ce genre de travail. Cette réflexion nous a amenés à la création de ce collectif pour que cette idée se répande parmi nos collègues encore en activité. On voudrait servir d’outil et recueillir les témoignages des forces de l’ordre sur ces questions. Comme ils ont le devoir de réserve, on peut les anonymiser, ça leur facilitera la vie.

La loi vous oblige à réprimer l’usage de drogues. Quelle marge
de manœuvre avez-vous ?

J-L.G : Si vous prenez les textes de loi, ils ne souffrent aucune exception. Mais il est clairement admis que l’officier de police judiciaire, quand il est sur le terrain, a son libre arbitre par rapport aux comportements. Il n’a pas obligation de relever la totalité des infractions qu’on peut reprocher à quelqu’un. Quand vous voyez quelqu’un qui titube avec une grosse canette de mauvaise bière à la main, en ivresse publique et manifeste, c’est une infraction, mais il y a une tolérance, on ne fait pas un contrôle d’identité à chaque fois. Tant qu’il n’y a pas un trouble à l’ordre public, tant que la personne n’est pas agressive, on va rarement intervenir. Donc, il n’y a pas de raison, compte tenu de ce contexte, d’aller intervenir sur un groupe de deux ou trois jeunes, qui seraient tranquillement dans leur coin, en train de fumer un joint et qui ne posent pas plus de problèmes que ce type-là avec sa soûlographie publique.

Vous faites aussi un travail de plaidoyer auprès des institutions...

J-L.G : On s’adresse aux parlementaires, à l’exécutif, aux hauts fonctionnaires de la direction des affaires criminelles et des grâces (DACG) du ministère de la Justice, car c’est cette institution qui donne le ton pour les Parquets. On arrêtera peut-être de lire des réquisitoires dans lesquels le Parquet se ridiculise. À propos de quelqu’un qui a planté 10 ou 15 pieds dans son jardin, quand vous lisez le réquisitoire, vous avez l’impression de vous retrouver au XIVe siècle, à l’époque où l’inquisition chassait les sorcières.

Recueilli par Nicole Gellot


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