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Faut-il dépénaliser, voire légaliser l’usage des psychotropes illicites ?

Drogues : dépassionnons le débat

Tribune de Serge Garde dans le journal l’Humanité

Tribunes - l’Humanité le 2 Février 2011

Par Serge Garde, Journaliste, écrivain.

Faut-il dépénaliser, voire légaliser l’usage des drogues illicites ? En publiant les contributions de Patrice Bessac (le 24 novembre 2010) et de Guy Pettenati (le 30 décembre 2010), l’Humanité a le mérite d’entrouvrir un débat trop longtemps éludé. Patrice Bessac est plutôt partisan d’une légalisation, Guy Pettenati défend la prohibition. De quoi parle-t-on ? De psychotropes : des produits qui agissent sur le psychisme en provoquant une ivresse, une excitation, des troubles hallucinatoires, etc. Certains de ces psychotropes sont légalisés : l’alcool, le tabac, le café… D’autres, non : des dérivés de cultures (cannabis, opium, coca, qat…) et des molécules chimiques (ecstasy, amphétamines, anxiolytiques…).

Il existe en France une législation très ancienne qui permet de lutter contre les trafics et les trafiquants. Le problème vient de la loi votée en 1970 qui transforme tout consommateur de psychotrope illicite en délinquant. Quarante ans après, il est temps de faire un bilan.

– La loi de 1970 a-t-elle fait reculer les toxicomanies ? Personne ne peut le soutenir.

– A-t-elle facilité la prise en compte sanitaire du problème ? Au contraire ! En renvoyant les consommateurs dans la clandestinité, elle a tout compliqué. L’épidémie du sida a révélé la schizophrénie de l’État : pour limiter les risques de contagion, on a légalisé la distribution de seringues tout en jetant en prison des héroïnomanes, aggravant du même coup la surpopulation carcérale !

Si la loi de 1970 n’est pas efficace, que doit-on faire ? Rechercher un consensus sur la moins mauvaise des solutions en débattant sans tabou de questions qui dérangent.

– La lutte contre «  la  » drogue, initiée par les États-Unis, a-t-elle fait reculer les cultures d’opium ou de coca ? Dans tous les pays qui ont «  bénéficié  » de cette «  aide  », leur indépendance a reculé et la situation s’est aggravée, au point qu’il faut parler de narco-colonialisme.

– Existe-t-il dans le monde un exemple de prohibition qui ait réussi ? Aucun. Si la prohibition de l’alcool aux États-Unis (1919-1933) et en URSS (pendant la Perestroïka) n’a pas fait reculer l’alcoolisme, elle a favorisé la structuration et le financement de mafias qui continuent à parasiter les économies.

– Existe-t-il une seule société dans l’histoire qui se soit passée de psychotropes ? Aucune.

– Dans une approche purement sanitaire, pourquoi tolérer l’alcool et le tabac, dont les excès provoquent une mortalité autrement plus élevée que celle des psychotropes illicites ? Parce qu’ils feraient partie de la culture française, contrairement au cannabis, alors que plus de la moitié de la population fume ou a fumé des joints ?

En France, chacun est libre de consommer, ou pas, de l’alcool. En devenir accro n’est pas un délit mais un problème sanitaire. Les alcooliques ne sont pas plus jetés en prison que les suicidaires. On cherche à les aider. On tente de prévenir en informant (mal), en éduquant (insuffisamment). En revanche, cette liberté de boire, qui peut mener à l’autodestruction, reste strictement encadrée : la conduite en état d’ivresse et la violence sont pénalement réprimées. L’influence de l’alcool dans ces actes devient une circonstance aggravante. Et l’État prélève de fortes taxes sur l’alcool légalement vendu.

Ce modèle n’est pas si absurde. Peut-on le généraliser aux psychotropes aujourd’hui illicites ? Je le pense, mais je comprends qu’on puisse penser différemment. Fuyons tout manichéisme. Il n’y a pas d’un côté ceux qui respectent la vie et de l’autre ceux qui ne la respectent pas. On peut être partisan de la dépénalisation (1) des drogues illicites en étant hostile à tout ce qui aliène. Et proposer la légalisation (2) parce qu’on est un farouche adversaire de toute dépendance à un produit psychotrope. Dépassionnons le débat. Ouvrons-le sérieusement en le resituant dans une réflexion plus large sur la sécurité qui, elle, est urgente et indispensable.

(1) L’interdiction est symboliquement maintenue, 
mais aux sanctions pénales est substituée une prise 
en charge sanitaire.

(2) La légalisation ferait sortir le phénomène 
de la clandestinité, favorisant sa prise en charge sanitaire. Elle suppose un contrôle de l’État sur
la vente des psychotropes devenus légaux.

Serge Garde

Voir en ligne : Le texte original sur le site www.humanite.fr

1 COMMENTAIRE

  1. spana972

    Je pense que tout est dit dans ce texte et la vérité est là.
    Je pense également la meme chose et il est vrai que le cannabis est moins risquée que l’alcool ou le tabac et bénéficie en plus d’une dépendance beaucoup moins forte, et n’à tué personne jusqu’à aujourd’hui ( personne en 2000ans a ma connaissance). Pourquoi autant de désinformation alors que dans la logique des choses nous sommes censés avancer .

    La France devient un vrai ghetto, un pays corrompu qui sombre dans la peur, le mensonge, l’angoisse et la clandestinité ainsi que le recul des droits de l’homme et de la liberté individuelle
    (c’est ça la France d’aujourd’hui ??.. répondrait les anciens ! )
    Il serait temps que le cannabis soit légaliser. En plus de cela, tous les pays frontaliers ont dépénaliser la conso perso.
    Perso, c’est l’alcool et le tabac que j’interdirais ..

    Cannabis sans Frontières, vous avez mon soutien ainsi que celui de plus de 60% des français
    CANNABIS SANS FRONTIERES 2012 !! la France en a besoin,pour retrouver ses libertés, s’orienter vers l’écologie, et mettre fin à la désinformation ! {{}}

    • didshe

      Le cannabis n’est pas moins dangereux que le tabac... Et les risques existent. Mais les informations ne sont pas toujours mal relayées grace à des associations telles que l’ANPAA qui ne fait ni dans la démago ni dans le catastrophisme et qui travaille au quotidien auprès de tout public. L’ANPAA se prononce pour une dépénalisation du cannabis, cela ne veut pas dire qu’elle nie les dangers que peuvent représenter un produit psychotrope. Très bonne émission radio à ce propos le 9 mars à 11h30, et le 10 mars à 18h30 sur le site de RCF Allier...

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